P-au-P, 18 août 2022 [AlterPresse] --- Le journal étasunien Miami Herald explique comment les lois américaines sur les armes à feu et les ports du sud de la Floride alimenteraient l’escalade de la violence des gangs armés en Haïti, dans un article publié sur son site et consulté par l’agence en ligne AlterPresse.
Miami Herald est revenu sur la cargaison de 120 mille cartouches, en provenance des États-Unis d’Amérique, saisie, dans la nuit du vendredi 1er juillet 2022, lors d’une opération policière menée au wharf de Port-de-Paix (département du Nord-Ouest d’Haïti) avec l’appui des agents douaniers.
« Des agents de lutte contre le trafic de drogue se sont présentés au quai et ont affirmé qu’ils avaient été envoyés pour prendre la cargaison, tandis que des véhicules, avec des plaques officielles de l’État et de la police, attendaient pour transporter la charge, le long d’une route périlleuse contrôlée par des gangs », révèle le journal étasunien à propos de cette cargaison, jugée illégale par la loi des États-Unis d’Amérique.
Cette cargaison a été transportée à bord d’un bateau cargo, dénommé « Miss Lilie ».
Haïti ne fabrique ni munitions ni armes et est soumise aux restrictions américaines sur les armes, depuis la fin des années 1990, rappelle le journal Miami Herald.
La grande majorité des armes illégales provient du Sud de la Floride.
Le jeudi 14 juillet 2022, les agents douaniers ont saisi, dans un container, au wharf de Port-au-Prince, 14,646 cartouches, 140 chargeurs, 18 armes de guerre, 4 pistolets de calibre 9 mm, 1 viseur et des faux billets d’un montant de 50 mille dollars.
Cette cargaison a été retrouvée lors d’une fouille de plusieurs containers suspects, qui sont arrivés dans l’après-midi du mercredi 13 juillet 2022, dans la zone de la Saline, à Caribbean Port Services.
Dans cette affaire, le prêtre Frantz Cole, membre de la congrégation de l’Église épiscopale (catholique anglicane) d’Haïti, est actuellement en garde à vue, après son audition au Bureau des affaires financières et économiques (Bafe) de la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj), indique la Police nationale d’Haïti (Pnh).
Le père catholique anglican été interpellé après son audition, le mercredi 17 août 2022, pour son implication présumée dans un « trafic d’armes et de munitions, contrebande, fraude fiscale, évasion fiscale, enrichissement illicite et blanchiment des avoirs provenant d’infractions graves », selon la Pnh.
Anthony Salisbury, agent spécial chargé du bureau des enquêtes sur la sécurité intérieure à Miami, a confirmé une augmentation du flux d’armes en nombre et en types de puissance de feu à destination d’Haïti, selon Miami Herald.
« Les États-Unis sont le plus grand magasin d’armes à feu de l’hémisphère occidental - en volume, en fabrication, en culture », a déclaré Carlos A. Canino, ancien agent spécial chargé des bureaux locaux de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs à Miami et à Los Angeles.
Il signale une augmentation des opérations de contrebande, à partir du sud de la Floride, et les saisies dans les ports régionaux, tout comme le calibre des armes.
« La vente effrénée d’armes à feu en Floride et dans d’autres États rend difficile l’application des lois fédérales sur l’exportation, selon des experts et d’anciens responsables de l’application des lois ».
En mai 2022, l’un des chefs de gangs les plus notoires d’Haïti, Germine Joly (29 ans), connu sous le nom de « Yonyon », a été transféré d’une prison haïtienne aux États-Unis, en vertu d’un mandat d’arrêt international en lien avec des accusations de trafic d’armes à feu contre lui et trois autres Américains d’origine haïtienne, relate-t-il.
Ces présumés trafiquants de drogue sont accusés d’avoir exporté illégalement des dizaines de carabines, fusils de chasse et pistolets pour le gang des 400 Mawozo, qui opère à Croix-des-Bouquets (municipalité au nord-est de la capitale, Port-au-Prince).
« Yonyon » a également été accusé d’être impliqué dans l’enlèvement, en octobre 2021, de 16 citoyens américains en Haïti.
Les victimes, dont cinq enfants et un ressortissant canadien, étaient des missionnaires chrétiens. Elles ont été retenues captives par le gang des 400 Mawozo, pendant plusieurs semaines.
Les cas d’enlèvement ont connu une augmentation de près de 200 %, selon Miami Herald.
Dans un article en date du 22 octobre 2021, soumis à AlterPresse, l’économiste Gary Olius, spécialiste en gouvernement et administration publique et membre du haut conseil de l’Université publique du Sud-Est, s’est interrogé sur le rôle de la politique américaine en Haïti dans le grand banditisme.
Depuis le départ des Duvalier, les américains considéraient Haïti comme un pays de transit de la drogue en provenance de la Colombie.
Depuis un certain nombre d’années, la haute mafia haïtienne « a recours à un trafic, considéré comme tranquillisant et gagnant-gagnant pour la société américaine. Il s’agit de la mise en place de grandes poches de banditisme, légalisé justement par les parrains qui opèrent dans le milieu politique haïtien avec la permission des Américains », a relevé Gary Olius. [apr 18/08/2022 11:55]
Photo : Capture d’écran / Saisie d’armes annoncée à Miami le 17 aout 2022 par Homeland Security Investigations - Hsi