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Investiture du premier président colombien de gauche et de la première vice-présidente noire afrocolombienne

Amérique latine : Une seconde chance pour la Colombie ?

Pas encore d’informations sur la position du nouveau gouvernement de Colombie face à Haïti, surtout en ce qui concerne les mercenaires colombiens soupçonnés dans l’assassinat de l’ancien président de facto, Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021

Par Wooldy Edson Louidor

Bogotá, 08 août 2022 [AlterPresse] --- Il est 3 :00 de l’après-midi. C’est la fête sur la principale place publique de Bogotá, la mythique « Plaza de Bolívar », qui incarne le symbole du pouvoir politique, parlementaire et religieux en Colombie et qui héberge le Palais présidentiel de Nariño, le siège du Congrès et la cathédrale de l’archevêché de l’église catholique, apostolique et romaine de la capitale Bogotá, observe l’agence en ligne AlterPresse.

Au beau milieu d’un fort dispositif de sécurité autour du périmètre du Palais présidentiel, le peuple colombien célèbre la naissance d’une nouvelle Colombie, qui voudrait rompre avec deux siècles de guerre, de violence, d’oppression, d’exclusion et de discrimination.

Le délire populaire manifeste, de manière éloquente et effusive, cette rupture tant attendue dans l’histoire de ce pays sud-américain, indépendant depuis 1810, mais dirigé par une élite blanche, coloniale, néolibérale, violente et pro-étasunienne.

Jeunes, homosexuels, militantes et militants de gauche, indigènes, noirs, féministes, artistes engagés, activistes en faveur de la protection de l’environnement, toutes et tous, vêtus du « tricolore » (sobriquet du drapeau colombien) et venus de tous les coins et recoins du pays et aussi de la « Colombie en dehors de la Colombie » (en l’occurrence, la diaspora colombienne), viennent apporter leur touche spéciale à cette cérémonie d’investiture du premier président colombien de gauche, Gustavo Petro (Gustavo Francisco Petro Urrego est né le 19 avril 1960 à Ciénaga de Oro), et de la première vice-présidente noire afrocolombienne, Francia Elena Márquez Mina (née le 1er décembre 1981 à Suárez, Francia Elena Márquez Mina est une femme d’État colombienne, militante des droits humains et de l’environnement).

Les deux candidats, symboles colombiens de la diversité et de la résistance politique et ethnique, ont gagné le second tour de l’élection présidentielle, le 19 juin 2022, par le biais d’un discours bien argumenté, lucide, convaincant et qui parvient à articuler les grands problèmes de ce pays, dont l’inégalité, le racisme, la corruption, la violence, l’économie illégale (le trafic de drogue).

Wooldy Edson Louidor dans la foule

À ce concert populaire, où le pouvoir politique et le peuple se rencontrent, peut-être pour la première fois dans l’histoire colombienne, il y a lieu de souligner la présence de beaucoup d’invités officiels, dont le président de la République Dominicaine Luis Abinader, le président du Chili Gabriel Boric et le roi d’Espagne Felipe VI.

Le nouveau président colombien donne le ton, en commençant son discours d’investiture [1] par un extrait du roman « Cent ans de solitude » du célèbre écrivain colombien García Márquez : « [...] tout ce qui y était écrit était irremplaçable de toujours et pour toujours, parce que les lignées condamnées à cent ans de solitude n’avaient pas une seconde chance sur terre ».

Sur ce ton « macondien », Petro s’adresse aux Colombiennes et Colombiens en ces termes : « [...] au cours de notre histoire, nous avons souvent été condamnés à l’impossible, au manque d’opportunités, à des NON catégoriques. Je veux vous dire, vous, Colombiennes et Colombiens, qui êtes en train de m’écouter, sur la Place Bolívar, dans les environs, à travers la Colombie toute entière et à l’extérieur du pays : aujourd’hui se présente une seconde chance ».

Le mandat de quatre ans de Petro et de Márquez ne sera pas facile, dans un pays qui peine encore à faire la paix avec soi-même, à se réconcilier et à tourner la page du conflit armé, qui a fait plus de 800 mille morts, plus d’un million d’exilés, des millions de victimes de déplacements forcés et laissé des cicatrices historiques et sociales très profondes dans les corps, les mentalités, les structures de l’État et les territoires.

Les deux figures présidentielles incarnent ce passé difficile : le président est un ex guerrillero de l’ancienne guérilla marxiste M-19 et la vice-présidente afrocolombienne a été victime du déplacement forcé interne.

Par ailleurs, jusqu’ici, il n’est pas encore possible de connaître la position politique et diplomatique du nouveau gouvernement colombien face à Haïti, en particulier face au dossier des mercenaires colombiens ayant participé à l’assassinat de l’ex président de facto Jovenel Moïse en sa résidence privée, le mercredi 7 juillet 2021.

L’un des intellectuels les plus reconnus de la Colombie, le professeur et ancien diplomate Ricardo Sánchez, a, dans une lettre adressée au nouveau chancelier Álvaro Leyva [2] , demandé au nouveau gouvernement Petro-Márquez de rétablir les relations diplomatiques avec Haïti.

Il va jusqu’à exiger de l’État colombien de “présenter des excuses publiques au peuple haïtien et à son gouvernement” pour cet incident malheureux.

L’un des grands défis de ce nouveau gouvernement est d’ordre diplomatique.

Parmi les grands points de son agenda diplomatique, figurent le rétablissement des relations avec le Venezuela et avec Haïti, les négociations avec les États-Unis d’Amérique concernant la migration, surtout à la frontière commune avec le Panama, et la lutte contre la drogue et, en général, les accords économiques avec les pays européens, dont l’Espagne et l’Allemagne. [wel rc apr 08/08/2022 13:00]