Par Emmanuel Marino Bruno
P-au-P, 02 août 2022 [AlterPresse] --- 226 personnes sont mortes, blessées ou portées disparues, lors des affrontements meurtriers entre des gangs armés rivaux, qui ont éclaté entre les 24 avril et 16 mai 2022, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, notamment à Cité Soleil (au nord), Croix-des-Bouquets et Tabarre (au nord-est de Port-au-Prince), indique le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (Binuh), dans un rapport publié le lundi 1er août 2022 et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
En moins de trois semaines, au moins 94 habitantes et habitants ont été tués, plus de 120 autres blessés par balles et 12 sont portés disparus, détaille le Binuh.
Au moins 96 membres de gangs ont été tués ou blessés. Des dizaines de cas de violences sexuelles ont également été signalés.
Les victimes de violences sexuelles ont eu de nombreuses difficultés d’accès aux soins de santé adéquats.
« Ce cycle de violences doit absolument être arrêté et des actions doivent être prises, dans les plus brefs délais, pour lutter contre cette impunité et rétablir les victimes dans leurs droits. Les populations haïtiennes ne supportent plus cette situation », souligne le Binuh.
Les affrontements meurtriers ont aussi fait fuir près de 16 mille résidentes et résidents, qui se sont réfugiés dans des sites de fortune ou chez des proches.
Ces violences armées impliquent deux coalitions de gangs, identifiés sous le nom de Chen Mechan et 400 Mawozo et de leurs alliés respectifs, le G9 an fanmi ak alye et le G-Pèp, qui s’affrontent pour prendre le contrôle de zones spécifiques des communes de Cité Soleil (au nord), Croix-des-Bouquets et Tabarre (au nord-est de Port-au-Prince).
Ces alliances, qui existaient sous l’administration de l’ancien président de facto assassiné Jovenel Moïse, « se poursuivent et se sont même renforcées avec probablement l’implication d’acteurs politiques et économiques, voire d’anciens éléments de la police, déjà à l’œuvre à l’époque », dénoncent les Nations unies.
« Armés de fusils d’assaut, mais aussi munis de machettes et de bidons d’essence, ces gangs n’ont épargné personne. Des femmes et des enfants d’à peine un an ont été exécutés dans leurs maisons et leurs corps ont été calcinés. De jeunes garçons d’une dizaine d’années, accusés de donner des informations à des groupes rivaux, ont été abattus dans des lieux publics. De même, des femmes et des enfants, dont certains avaient moins de 10 ans, ont été violés collectivement, chez eux ou dans leurs quartiers », rapporte le Binuh.
Le viol a été utilisé par les gangs comme une arme pour terroriser et se venger des communautés locales.
Des institutions policières et judiciaires faibles
Face au niveau d’armement des gangs, la Police nationale d’Haïti (Pnh) a adopté « une posture réactive pour contrer la violence armée, notamment faute de moyens opérationnels et logistiques, mais aussi en raison d’un apparent manque de soutien au sein de la population vivant dans les zones affectées », relève le Binuh.
Très peu d’actes ont été aussi posés au niveau de la justice, en vue d’appréhender les auteurs de ces violences.
Cette situation pourrait « ralentir le travail de la justice et laisse surtout déjà anticiper que ces crimes de masse risquent de rester impunis, comme bien d’autres commis ces dernières années ».
Quelques recommandations
Le Binuh recommande à la Police nationale d’Haïti (Pnh) de « soutenir et coordonner les différents services de la police judiciaire, pour qu’ils puissent mener, dans les plus brefs délais, leurs enquêtes sur les exactions commises contre les populations locales et identifier leurs auteurs, y compris ceux qui ont apporté un appui en armes, en munitions, en conseils et de tout autre type, aux gangs ».
Le Binuh appelle également à exécuter les mandats d’amener, émis contre les chefs de gangs impliqués dans les exactions.
Renforcer ses effectifs et ses capacités, afin d’assurer efficacement l’ordre public et de protéger les communautés, ses mécanismes de contrôle interne, dans le but d’identifier et de sanctionner les comportements répréhensibles de ses personnels, sont parmi les propositions formulées à la Pnh.
La justice doit lancer, le plus rapidement possible, des enquêtes judiciaires sur les exactions perpétrées dans les zones affectées par les affrontements, suggère le Binuh.
Il exhorte à « soutenir les magistrats, pour que leurs enquêtes puissent aboutir, et donner les moyens nécessaires aux cours et tribunaux, pour assurer que les auteurs de ces crimes soient appréhendés et jugés ».
Il faut aussi relocaliser, très rapidement, le tribunal civil de Port-au-Prince et le parquet dans une zone sécurisée de la capitale, afin de permettre aux différents acteurs du système judiciaire de reprendre leurs activités dans les plus brefs délais.
Les autorités responsables de fournir un soutien aux victimes, en particulier aux victimes de violence sexuelle, doivent renforcer et coordonner les services de prise en charge d’urgence des victimes de violences sexuelles ainsi que leurs familles, y compris les soins de santé et le soutien psychosocial et psychologique.
Il convient de fournir une assistance adéquate aux communautés déplacées, particulièrement aux personnes les plus vulnérables, afin de faciliter leur réinstallation pérenne. [emb rc apr 02/08/2022 11:00]