Communiqué de la Fondasyon Je Klere (Fjkl)
Transmis à AlterPresse le 14 juin 2022
Le vendredi 10 juin 2022, des bandits lourdement armés ont violemment délogé les autorités de justice au Palais de justice de Port-au-Prince et ont pris possession des lieux ; cela, après la prise de possession depuis quelques semaines du bâtiment du Centre de techniques de planification et d’économie appliquée (Ctpea) situé dans le voisinage immédiat du Palais de justice.
Les Magistrats, avocats, employés du Parquet de Port-au-Prince, prévenus, justiciables qui se trouvaient sur les lieux n’ont pu s’en sortir que dans un sauve qui peut général en escaladant les murs et grâce à l’intervention urgente des policiers du Commissariat municipal de la police de Port-au-Prince (Cmpap).
Les bandits, depuis occupent tout l’espace du Palais de justice où logent les bureaux du Doyen du Tribunal civil de Port-au-Prince (Président du Tribunal), ceux de vingt-huit juges d’instruction, du Commissaire du Gouvernement en chef (responsable de l’application de la politique pénale du gouvernement), de dix-huit substituts du Commissaire du Gouvernement, des greffes, des archives du Tribunal et du Parquet de Port-au-Prince, la bibliothèque du Tribunal et certains bureaux de la Cour d’appel de Port-au-Prince.
Le bilan provisoire de ces attaques se présente ainsi :
Un blessé par balle ;
Sept (7) véhicules emportés par les bandits dont deux (2) appartenant au Parquet de Port-au-Prince, deux à la Pnh et les autres appartenant à des Magistrats ;
Les Ordinateurs, Bureaux, Chaises, Climatiseurs, installés aux bureaux des juges et Parquetiers ont tous été emportés par les malfrats.
Le lundi 13 juin 2022, on pouvait remarquer les meubles qui ornaient le Palais de justice de Port-au-Prince exposés à la vente à la rue du Champs de Mars au su et au vu de tous.
La Fondasyon Je Klere (Fjkl) note, sans faire de lien pour l’instant, que ces évènements se sont produits au moment où des Magistrats du Parquet interrogeaient six prévenus de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (Dap) impliqués, selon un rapport du Bureau des Affaires Financières et Économiques (Bafe), dans des actes de corruption à la Pnh (encaissement de chèques de policiers qui ont abandonné leurs postes pendant des années et utilisation des cartes de débit de ces policiers).
Les prévenus concernés par cette affaire sont :
Julien VICTOR Directeur de la Prison Civile de Port-au-Prince (Pénitencier National) ;
Hérold JEAN, policier ;
Simone Maxime Irlan JEAN, comptable en chef de la Dap ;
Le vénérable Joseph Daniel ROMELUS, employé civil de la Dap ;
Valérie ELCEA, employée civile de la Dap ;
Roger BRUTUS, employé civil de la Dap
Tous ces prévenus se sont, par la suite, rendus aux autorités de Police et ont retrouvé leurs lieux d’incarcération.
Le rapport d’enquête du Bafe, signé du commissaire principal et responsable du Bafe, Arol Enol ALPHONSE, sollicite, dans ses conclusions, à part ces prévenus déférés en état, l’émission de mandats d’amener contre Marie Carmel GERMAIN et Gustave T. Mathurin AUGUSTIN pour détournement de biens publics et association de malfaiteurs.
La Fjkl rappelle ici que le nom du comptable en chef de la Dap, Simone Maxime Irlan JEAN, avait déjà été cité dans des actes de détournement de fonds dans le rapport d’audit de l’ex-Directeur Général de la Pnh, M. Michael GEDEON, indiquant que des fonds décaissés pour une mission annulée au Cap-Haïtien avaient été retrouvés sur le compte personnel du comptable, mais qu’aucune décision n’avait été prise à son encontre par les responsables (voir :La gestion financière de la Pnh est-elle une source d’insécurité en Haïti ? (www.fjkl.org.ht avril 2021)
La Fjkl note que ces graves évènements se sont produits également quarante-huit heures avant la cérémonie de commémoration de la création de la Police nationale d’Haïti (Pnh), cérémonie marquée par la déraison, le mépris de la dignité de la personne humaine et l’absence d’engagements clairs pour le rétablissement de l’ordre public dans la région Métropolitaine.
La Fjkl enjoint les Forces de Police et les Forces Armées d’Haïti à tout entreprendre pour déloger les bandits du local du Palais de justice et du bâtiment du Ctpea, protéger les archives du tribunal, récupérer les biens de l’État et des Magistrats en possession des bandits et à rétablir les Magistrats assis et debout dans leurs bureaux. Il n’est pas acceptable que le bâtiment du Palais de justice soit utilisé éventuellement par les bandits comme cachette pour les personnes kidnappées ou lieu de torture.
La Fjkl rappelle que l’ordre public suppose le respect obligatoire de règles qui touchent à l’organisation générale de l’État, à la sécurité et la sureté publiques, la morale publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu.
Les Forces de Police et les Forces Armées d’Haïti, institutions budgétivores, ont une opportunité de montrer qu’elles peuvent s’acquitter dignement de leurs missions régaliennes.
L’impunité, les exécutions sommaires et la déraison ne peuvent faire office de politiques publiques pour lutter contre l’insécurité généralisée en Haïti.
La Fondasyon Je Klere (Fjkl), réclame, enfin, aux autorités de l’État, les mesures appropriées pour respecter et faire respecter les droits à la vie, à la sécurité, à la tranquillité publique, à la paix publique, au déplacement, en un mot, pour la restauration de l’État de Droit.
Port-au-Prince, le 14 juin 2022
Photo : Capture d’écran