Par Jérome Paul Eddy Lacoste*
Soumis à AlterPresse le 11 juin 2022
Le mardi 7 juin 2022, en prélude à la célébration de la journée nationale des Droits de l’enfant en Haïti, qui se tient généralement le deuxième dimanche du mois de juin, la Faculté des sciences humaines (Fasch) de l’Université d’État d’Haïti (Ueh) avait organisé une matinée de conférences et d’échanges autour du thème : Protection et Droits de l’Enfant en Haïti dans le contexte actuel. Des professeurs, des chercheurs, des acteurs de la chaine de protection de l’enfant en Haïti ont, à l’occasion, présenté des conférences de grande pertinence sur la question. Des étudiants des départements de Travail social, de Psychologie de Sociologie et de Communication sociale composèrent l’assemblée. Les activités se tenaient dans l’auditorium Salomon Pierre Louis de la Faculté des Sciences Humaines. Ainsi, nous avons pu not6er des interventions de la Docteure Irdèle Lubin, des Professeurs Hancy Pierre et Jérome Paul Eddy Lacoste, de Roosevelt Jean Louis, Assistant-Directeur du Service Social de l’Institut de Bien Être Social et de Recherches (Ibesr) et de la Coordonnatrice Castra Rouselaine Millard du Centre de Promotion et de Défense des Droits de l’Enfant Haïtien (Cepodeh).
Le Professeur Josué Vaval, Coordonnateur du Conseil de Coordination de la Faculté des Sciences Humaines avait procédé à l’ouverture officielle des activités. Il a insisté sur l’importance de l’enfance dans toutes les sociétés humaines et en Haïti. Il a fait ressortir la situation critique que vivent actuellement les enfants haïtiens face à la situation de violence que connait le pays. Il a souligné le fait que des enfants sont actuellement des déplacés internes et ne peuvent pas aller à l’école à cause de cette violence. Ce qui constitue une violation de l’un des droits fondamentaux de l’enfant.
La professeure Irdèle Lubin a centré son intervention sur la question de la résilience des familles et des enfants dans le contexte actuel. D’emblée, la Professeure a effectué une remise en cause en règle du concept de résilience eu égard à son utilisation abusive par les Organisations non Gouvernementales (Ong) et les agences internationales intervenant dans les pays du Sud et en Haïti. L’utilisation du terme de résilience serait même, dans des situations bien déterminées, synonyme d’une certaine condescendance frisant une certaine hypocrisie. Cependant, la professeure Lubin a noté les potentialités des familles haïtiennes et surtout leurs formes de solidarité mutuelle dans des situations critiques. Elle a surtout interpellé les travailleurs sociaux et étudiants de cette discipline dans le contexte actuel dans le cadre des réflexions qui se font au niveau du corps professoral du Département de Travail social. Que devrions-nous faire, nous Travailleurs sociaux dans un tel contexte ? Interrogation lourde d’implications logiques en tenant compte des prémisses théoriques de la discipline.
Pour sa part, Roosevelt Jean-Louis a présenté le cadre légal de la protection de l’enfant en Haïti et les responsabilités de l’Institut du Bien Être Social et de Recherches (Ibesr) en la matière. Le conférencier a présenté en ce sens une compilation des textes de lois et dispositions administratives adoptées par l’institution. Il en est de même de l’évolution de la procédure de l’adoption en Haïti avec la faisabilité de l’adoption plénière dans la loi haïtienne. De nombreuses questions ont été posées. De pertinentes réponses ont été apportées. Et le débat a été enrichissant de part et d’autre.
Pour sa part, la Coordonnatrice du Cepodeh, Castra Rouselaine Millard, a fait un exposé présentant u diagnostic de la situation de l’enfant en Haïti dans le contexte actuel. Elle a insisté on seulement sur les problèmes d’accès des enfants défavorisés aux services de base comme la nutrition, l’éducation et la santé, mais encore comment ces enfants sont impactés par la violence armée qui les amène maintenant, dans de nombreux quartiers, comme à Martissant ou à Croix-des-Missions, à vivre dans des abris provisoires ou sur des places publiques en des situations de promiscuité et d’environnement malsain. La Coordonnatrice du Cepodeh a présenté pour l’assistance les axes d’intervention et de travail du centre en ce qui concerne les tâches de promotion et de défense des droits de l’enfant en Haïti. Quant au Professeur Hancy Pierre, il a choisi de centrer son intervention autour de la thématique : Politique sociale, Enfance et Famille. Le conférencier a défini la notion de Politique sociale. Il a présenté les mesures de politique sociale prise par l’État haïtien durant les cinq dernières années et étudié leur inefficience et leur inefficacité. Il a rappelé les travaux du Dr. Legrand Bijoux sur la famille haïtienne et les approches du professeur Guy Dallemand sur l’entraide dans les familles haïtiennes à l’intérieur comme à l’extérieur, comme base de solidarité et d’articulation des politiques sociales.
Enfin le Professeur Hancy Pierre a fait ressortir la nécessité de mettre en place des bases de données fiables en vue d’identifier les populations dans une perspective de rationalisation des programmes sociaux. L’assistance avait posé beaucoup de questions les unes plus pertinentes que les autres et le Professeur Jérome Paul Eddy Lacoste avait assuré la modération de la matinée.
Nous vivons des moments difficiles, poignants, douloureux. Le pays vit des moments difficiles, poignants, douloureux. Au moment d’écrire ce texte, nous apprenons la triste nouvelle de ce qui est arrivé au Professeur et réalisateur-cinéaste Arnold Antonin et à son épouse Béatrice. Nous compatissons avec la douleur du réalisateur en disant seulement c’est assez et c’est trop. Néanmoins, les affres de la conjoncture ne doivent pas nous faire oublier des aspects et des problèmes structurels de notre société. La question de l’enfance représente l’un de ces problèmes. La Faculté des Sciences Humaines en cette matinée du 7 juin 2022, même de façon symbolique, a branché ses projecteurs sur ce problème. Dans cette conjoncture troublée et troublante, que l’on n’oublie pas la cause des enfants, les véritables acteurs sociaux, politiques et économiques de demain. C’est le vœu de la Faculté.
8 juin 2022
*Professeur à la Faculté des sciences humaines de l’université d’État d’Haïti