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Crise : L’organisation des élections en Haïti, une priorité centrale, malgré le niveau de criminalité, réitère le gouvernement de facto

Par Emmanuel Marino Bruno

P-au-P, 02 juin 2022 [AlterPresse] --- Sans que personne ne sache de qui il détiendrait de mandat ou de mission, le premier ministre de facto, Ariel Henry, a renouvelé, pour une énième fois, sa détermination à organiser des élections en Haïti, en vue de renouveler le personnel politique, malgré le niveau élevé de criminalité, ces derniers mois sur le territoire national, selon les informations rassemblées par l’agence en ligne AlterPresse.

« L’organisation des élections, afin de remettre la direction des affaires du pays à des élus, demeure notre priorité centrale », déclare-t-il, lors d’un discours prononcé, ce jeudi 2 juin 2022, à l’ouverture de la réunion d’un premier comité d’efficacité de l’aide du Cadre de coordination de l’aide externe au développement d’Haïti (Caed) pour l’année 2022.

Mais, Ariel Henry souligne combien l’amélioration de la situation sécuritaire du pays demeure un passage obligé pour ces élections.

En ce sens, il promet encore que le gouvernement de facto « s’active à décupler ses énergies, pour éradiquer ces groupes qui sèment le deuil et la désolation dans le pays ».

« La Police nationale d’Haïti (Pnh) est à pied d’œuvre », selon Ariel Henry, reconnaissant que les moyens demeurent largement insuffisants par rapport à l’ampleur des opérations à conduire.

« Il nous faut non seulement plus d’équipements, mais aussi de la formation adaptée au contexte de ces opérations ».

Jusqu’à présent, la Pnh peine à freiner les actes de criminalité, qui se multiplient, en toute impunité, à Martissant (dans la périphérie sud de la capitale, Port-au-Prince), depuis le 1er juin 2021, ainsi qu’au bas de Delmas, à Cité Soleil, Croix-des-Bouquets et Tabarre (municipalités au nord-est de Port-au-Prrince), à Pernier (Pétionville, dans la périphérie est), entre autres.

Une attaque de groupes armés, à Martissant 7, le lundi 30 mai 2022, contre un bus assurant le trajet Les Cayes (Sud) / Port-au-Prince a fait un mort et deux blessés graves.

De plus, le phénomène de kidnapping continue de prendre de l’ampleur dans le pays, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, sous les yeux impuissants des autorités judiciaires et policières.

Un contexte socio-économique difficile

La situation sécuritaire en Haïti se détériore dans un contexte socio-économique de plus en plus difficile.

« Une réponse urgente (?) est en train d’être apportée à la crise socio-économique assez sévère, qui sévit actuellement dans le pays. Le principal aspect de cette crise est l’insécurité alimentaire. Aujourd’hui, plus de 4,4 millions de personnes en sont touchées. », déclare le chef du gouvernement de facto.

Dans la réalité, beaucoup de voix dénoncent ces promesses en l’air du gouvernement de facto, qui ne fait rien, ni pour combattre la criminalité des gangs armés, ni pour contribuer à agir sur la vie chère, qui atteint toutes les couches.

La dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain (Ndlr : US $ 1.00 = 112.00 gourdes ; 1 euro = 120.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.10 gourdes aujourd’hui), l’insécurité grandissante, la hausse du prix de carburant, la période de soudure, entre autres, seraient à la base d’une augmentation des prix dans le panier alimentaire moyen en Haïti, relève la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (Cnsa), dans un bulletin publié le mardi 31 mai 2022.

Les effets du tremblement de terre du samedi 14 août 2021 (dans les départements du Sud, de la Grande Anse et des Nippes / Sud-Ouest d’Haïti) sur l’approvisionnement des marchés et les impacts de la hausse des prix des céréales au niveau international, provoquée par la guerre russo-ukrainienne (depuis l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022) figurent aussi parmi les facteurs internes et externes à l’origine de cette hausse.

La crise migratoire a entrainé une aggravation la situation de précarité dans le pays, où des milliers de ressortissants haïtiens sont rapatriés dans des conditions difficiles, souligne Ariel Henry.

Entre le 19 septembre 2021 et avril 2022, les États-Unis d’Amérique ont expulsé au total 21,380 migrantes et migrants haïtiens, selon des chiffres fournis par l’Organisation internationale pour les migrations (Oim).

8,554 Haïtiennes et Haïtiens ont été expulsés, depuis janvier 2022, par les autorités américaines.

Du début de l’année 2021 à aujourd’hui (mai 2022), les États-Unis sont responsables de la grande majorité des expulsions d’Haïtiennes et d’Haïtiens vers un danger potentiellement grave, avec un plus petit nombre d’expulsés du Mexique et d’autres îles des Caraïbes, signale l’organisme international de droits humains Amnesty International, dans une note de protestation.

La décision, prise le vendredi 20 mai 2022, par un juge américain, de bloquer la résiliation du « Titre 42 », constitue un affront aux droits humains des personnes, en quête de sécurité dans toute la région des Amériques, dont Haïti, estime Amnesty International.

Mesure initialement adoptée par l’administration de l’ancien président américain Donald Trump, sous prétexte de Covid-19 (le nouveau coronavirus), et mise en place en mars 2020, le « Titre 42 » autorise les expulsions sans dépistage, ni protection d’asile. [emb rc apr 02/06/2022 13:25]