Par Gotson Pierre
P-au-P., 27 mai 2022 [AlterPresse] --- L’histoire des relations tumultueuses des puissances tutrices d’Haïti au cours des siècles avec la première République noire s’invite avec fracas dans l’actualité, observe l’agence en ligne AlterPresse.
La série spéciale d’articles du New-York Times en Anglais, Français, Créole et en accès libre, sur la forte rançon payée par Haïti à la France après son indépendance de 1804 fera date.
Le journal passe en revue plus de deux siècles d’indépendance du pays, deux siècles de domination étrangère également, durant lesquels cette nation fondée par d’anciens esclaves a connu des crises terriblement récurrentes. Pas de vraie paix ni de prospérité.
Au cœur de cette problématique, la rançon. Le journal estime entre 21 et 115 milliards de dollars les paiements exigés par la France pour indemniser les propriétaires d’esclaves, et leurs conséquences sur deux cents ans d’histoire.
Échos en Haïti
Il est vrai que le sujet est loin d’être nouveau pour le public haïtien. N’empêche que cette lumière projetée sur le dossier par un grand journal américain retient l’attention.
Les auteurs sont invités dans des médias à Port-au-Prince. Entre confrères et consœurs, on note une recherche remarquable et la grande capacité de placer de manière inattendue un point historique au cœur de l’actualité, avec une résonance internationale.
Au sein de l’université, les commentaires vont bon train. Peu de réactions formelles au niveau de la classe politique et de la société civile. La polémique est intense dans les réseaux sociaux.
La restitution, réclamée par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide à la France en 2004, revient dans le débat. Ainsi que le rôle de la France et des États-Unis d’Amérique dans la conjoncture de l’époque, qui a vu la chute d’Aristide.
Coup de projecteur sur le passé… et sur le présent
Il est très difficile de prévoir les effets de ce travail à l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que la série aide à éclairer aussi bien le passé que le présent. La question des relations d’Haïti avec le monde occidental, notamment les États-Unis et la France, est plus que jamais d’actualité.
Ces données et analyses disponibles pour le grand public ne resteront pas sans conséquences. Surtout que le pays est à nouveau plongé, depuis quelques années, dans une très grave crise multidimensionnelle où on ne cesse de relever des responsabilités d’acteurs internationaux. Responsabilités également dans le devenir d’Haïti.
C’est ce que dénonçait, d’ailleurs, un diplomate américain, Daniel Foote, lorsqu’en septembre dernier il démissionnait comme envoyé spécial des États-Unis en Haïti, causant d’importants remous tant à Washington qu’à Port-au-Prince. L’air du temps ?
En contrepoint à la communauté internationale, dont les diplomates des principaux pays et bailleurs partenaires d’Haïti se réunissent (avec la représentante de l’Onu) dans le Core Group, tout un mouvement s’est créé autour de la recherche d’une solution haïtienne à la crise.
Il s’agit pour les Haïtiennes et Haïtiens de penser l’avenir d’Haïti - d’abord de l’habiter - et de repenser son rapport au monde : une vraie gageure !
Le présent ne doit pas être une copie du passé : tel est le message envoyé. Jusqu’où une certaine reconnaissance des méfaits de ce passé peut-elle amener les colons et occupants d’hier (et d’aujourd’hui ?) ? Et jusqu’où les Haïtiennes et Haïtiens sont-ils prêts à aller ? [gp apr 27/05/2022 00:30]