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Le dialogue est incontournable pour une sortie de crise en Haïti, selon le mouvement Montana

P-au-P., 24 mai 2021 [AlterPresse] --- Dans les conditions actuelles, le dialogue est la seule voie qui peut conduire à une sortie de crise en Haïti, estime l’ingénieur Ernst Mathurin, membre du Bureau de suivi de l’Accord de Montana (Bsa), alors que des membres du mouvement expriment des craintes face à d’éventuelles manœuvres dilatoires de la part du premier ministre de facto Ariel Henry.

« Le dialogue est incontournable pour la simple et bonne raison que l’État s’est effondré, la société est affaiblie, la domination externe et interne est sans borne, tandis que la souffrance de la population est terrible », explique Mathurin dans une interview à l’émission hebdomadaire TiChèzBa sur AlterRadio.

« Lorsqu’une société atteint cette limite, ce sont les mécanismes du dialogue et de la concertation qui peuvent l’aider à s’en sortir ».

Allers-retours

Les 11 et 15 mai 2022, à l’initiative du chef de gouvernement de facto, des réunions en tête-à-tête se sont tenues entre Ariel Henry et Magali Comeau Denis, une dirigeante du mouvement Montana, autour de la reprise du processus de dialogue, arrêté depuis février dernier.

Des échanges de documents ont également eu lieu entre les deux parties, à propos du cadre et du contenu des pourparlers.

Montana insiste sur les conditions du dialogue : « environnement propice », lieu neutre, durée (15 jours), agenda, principes et modalités des discussions qui se dérouleront sous observation nationale et internationale, avec comme objectif de parvenir à un compromis politique national, fondé sur une solution haïtienne à la crise.

De son coté, Ariel Henry met sur la table les points, sur lesquels il faudrait trouver une entente : front commun contre l’insécurité et la corruption, modifications essentielles à la Constitution, mise en place de structures pour la réalisation des élections générales et définition d’un programme d’apaisement.

Ni « partage de gâteau », ni diktats

« Je pense qu’il s’agit là de points d’entrée, qui peuvent faire partie de l’agenda de discussions, dans lequel doivent également figurer d’autres points, car il faut un cadre et des conditions pour la mise en œuvre de ces priorités », commente Ernst Mathurin.

Il indique que le mouvement Montana est sur le point de fournir une réponse formelle à Ariel Henry, dont l’objectif serait, en bout de ligne, de « garder le pouvoir » et d’organiser un « partage de gâteau ».

C’est ce que craignent des signataires de l’Accord de Montana, comme le parti politique Rasanbleman sosyalis pou yon inisyativ nasyonal tou nèf (Rasin kan pèp la), et des sympathisants qui se sont exprimés dans l’espace public, appelant à un « changement de stratégie » et prônant la mobilisation populaire.

« Nous ne pouvons pas déterminer, à l’avance, les résultats du dialogue politique. Ce serait sous-estimer l’autre. Mais, l’autre ne doit pas s’imaginer que son pouvoir de fait lui permet d’imposer ses diktats », martèle l’ingénieur Mathurin, sans rejeter l’idée de la mobilisation.

« Le pays s’effondre et est enceint d’un changement », prévient le dirigeant de Montana, dont la démarche se fonde sur « une transition de rupture ».

« Dèyè mòn, gen lòt mòn »

Une transition qui, comme le soulignent des soutiens du mouvement Montana dans la diaspora haïtienne, « devrait aussi permettre de poser les bases d’un nouvel État, au service de l’intérêt général et plus susceptible d’éviter que le pays connaisse, à l’avenir, des crises de cette ampleur ».

Ainsi, s’expriment la Coalition Haïtienne au Canada contre la Dictature en Haïti (Chcdh) et l’Initiative citoyenne de New York, dans un document publié le weekend écoulé, en support à l’accord de Montana.

Il est vrai que « le véritable meneur du jeu sur le terrain » est la « communauté internationale » dominée par le Core Group, un regroupement de diplomates étrangers sous le leadership des USA, écrivent ces deux regroupements.

« Cela n’empêche pas les Haïtiens/Haïtiennes de toutes tendances de se réunir, de se concerter, de définir ensemble ce qu’ils veulent comme avenir pour leur pays, une démarche au cœur de la souveraineté nationale. Depuis l’indépendance, on s’est rendu compte que « dèyè mòn, gen lòt mòn ». Il n’y a donc pas d’autres choix que de continuer à avancer ». [apr 24/05/2022 06:30]