Español English French Kwéyol

Haiti : Pour l’application d’un verdict de justice en faveur de 2 ouvriers de zone franche

Communiqué de Batay Ouvriye concernant le jugement de 2 ouvriers du socowa contre la codevi

Soumis à AlterPresse le 13 juillet 2005

FORT LIBERTE

Pour la population en général et plus particulièrement pour tous ceux qui ont suivi le conflit opposant le syndicat des ouvriers de la CODEVI à Ouanaminthe (SOCOWA), l’Intersyndicale Premier Mai- Batay Ouvriye (ESPM-BO) et la compagnie elle-même, nous faisons parvenir à la presse copie du verdict rendu au tribunal de Fort-Liberté par le juge Joseph Alfred MANIGAT. Le jugement opposait deux ouvriers (M. Phélicien MICHEL et Mme Louna ELFRAUS) maltraités par l’armée dominicaine, face au responsable de la sécurité de la zone franche (M. Alex CORONA) et la compagnie au nom de laquelle il agissait de la sorte, la CODEVI elle-même.

Comme indiqué par la pièce du tribunal, c’est avec des coups de bâton, de pied, de crosse de fusil que le responsable de la sécurité frappa les ouvriers, à leurs heures de travail et en tant que tels, Mme ELFRAUS se trouvant, elle, en pleine ceinture ! Laissés par terre et baignant dans leur sang, toujours d’après le texte du verdict, c’est effectivement la compagnie qui avait sollicité du responsable de tels agissements. Le verdict du juge Manigat donne pleine et entière raison aux ouvriers. Il exige qu’Alex Corona purge 3 ans de prison et que la compagnie dédommage les ouvriers avec un million de gourdes (1,000,000.00 de gourdes) chacun.

Quand nous considérons la façon dont les patrons haïtiens (à l’époque à travers leur association d’industriels - ADIH - ), les chroniqueurs et économistes qui allaient dans le même sens ont réagi dans ce conflit, défendant du bec et des ongles les capitalistes dominicains contre les travailleurs haïtiens, même quand était largement prouvée une vérité, arguant alors - et jusqu’à aujourd’hui - que les dénonciations de Batay Ouvriye n’étaient que mensonges ! Quand nous nous souvenons des traitements injustes et immondes faits à l’encontre des travailleurs haïtiens ! ... Nous nous réjouissons du fait que la réintégration finale des ouvriers illégalement révoqués et le contrat de travail collectif qu’ils sont actuellement en train de négocier nous aient parfaitement donné raison, tout comme le rapport de la délégation de l’Union des Médecins Haïtiens concernant ces doses incompréhensibles de vaccins « à deux flacons » ! Maintenant, les différents cas de justice éclatent toute la vérité au grand jour. Comme ce fut le cas pour M. Evens ORELUS, sécurité haïtien rossé d’importance par les gardes dominicains parce qu’il avait osé dénoncé des vols de cabrits à la zone franche et, plus récemment donc, le cas de ces deux ouvriers que nous mentionnons.

Malgré tout, malgré toute la vérité étalée, des démarches sont en train de se faire pour que la compagnie soit épargnée ! En effet, les avocats des ouvriers viennent d’apprendre que, faisant suite à la sortie du verdict, le juge Manigat reçoit des pressions de la part du ministère de la justice. Les responsables de la CODEVI ayant demandé au gouvernement Latortue d’intervenir sur ce dossier à travers son ministre du commerce et des industries, M. Fritz KENOL, en tant que responsable de la direction des zones franches au pays. Malgré donc l’irréfutabilité des preuves présentées, malgré les témoignages accablants, le ministère de la justice a envoyé une lettre au juge Manigat lui faisant des réprimandes à propos du verdict rendu. Que signifie une telle ingérence ? Est-ce pour apeurer le magistrat ? Est-ce dans l’intention de détourner le jugement ? Serait-ce dans le but que le verdict ne puisse être appliqué ? Le gouvernement veut-il par là intimider les ouvriers ? ... Devant toutes ces interrogations, à Batay Ouvriye, nous avons pris la décision de rendre PUBLIC ce cas, afin que tout le monde puisse voir clair dans le travail que cherche à réaliser ce gouvernement. Parce que nous nous demandons : Quand donc les ouvriers réussiront-ils à obtenir justice face aux bourgeois de ce pays ?

à€ Batay Ouvriye, nous avons toujours dénoncé les exactions des bourgeois haïtiens aux dépens des travailleurs dans les usines de sous-traitance, pendant que certains de leurs responsables politiques se gargarisent d’un soi-disant ‘nouveau contrat social’. Et nous avons, de la même manière, anticipé, tenant compte des conditions précises des zones franches, que, dans cet atmosphère, la situation sera encore pire. Les faits nous donnent raison. Ainsi, chacun jugera.

Aujourd’hui, connaissant déjà son rôle antécédent, nous dénonçons ce gouvernement en lui exigeant de respecter la loi et de ne pas se mêler à un jugement déjà rendu dans l’intention non dissimulée de plaire à ses amis. Que cesse définitivement cette même ingérence pernicieuse de l’exécutif au sein de la justice ! Et, tout en espérant que cette note incitera ceux qui pensent avoir une responsabilité face aux misères et souffrances que subissent les travailleurs haïtiens à se manifester également, nous confirmons :

A bas toute ingérence du gouvernement au sein de la justice !

A bas la sempiternelle raison donnée aux bourgeois face aux ouvriers !

Que triomphe la vérité !

Que le verdict soit appliqué dans son intégralité !

Vive la lutte des travailleurs en défense de leurs droits !

Pour Batay Ouvriye

Yannick ETIENNE