Par Gotson Pierre
P-au-P, 03 avril 2022 [AlterPresse] --- Le dossier de l’enquête sur l’assassinat de Jean Dominique, directeur de la station privée Radio Haïti Inter, et de son gardien Jean Claude Louissaint, le 3 avril 2000, n’a pas bougé d’un pouce depuis plusieurs années, alors que les revendications de justice ne se sont jamais tues, observe AlterPresse.
L’affaire est toujours bloquée au niveau de la Cour de Cassation et de la Cour d’Appel de Port-au-Prince, tandis que les conditions d’administration de la justice se sont sérieusement dégradées au fil des dernières années. Une sévère crise institutionnelle, politique et sécuritaire affecte gravement le pays, particulièrement après l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021.
Des années ont passé et la Cour de Cassation n’a toujours pas tranché sur la demande en récusation de la Cour d´appel produite par l’ancienne sénatrice du parti Fanmi Lavalas, Mirlande Libérus Pavert. Celle-ci, qui vit aux Etats-Unis, a été désignée, le 17 janvier 2014, par le dernier juge en charge du dossier, Yvickel Dabrésil, comme l’auteure intellectuelle de ce double assassinat.
Plusieurs médias de la capitale ont rappelé, ce 3 avril 2022, le meurtre de Jean Dominique, et la paralysie de la justice dans le traitement du dossier, qui demeure un cas test important en ce qui a trait au niveau d’impunité qui s’aggrave en Haïti.
C’est « une honte » pour la société, a dénoncé Liliane Pierre-Paul, directrice de programmation de la station privée Radio Kiskeya, ex-collaboratrice de Jean Dominique, qui participait à une émission spéciale radio-télévisée contre l’insécurité, une initiative de l’Association nationale des médias haïtiens (Anmh).
Le message transmis à la société est lugubre : si Jean Dominique n’arrive pas à trouver justice, à qui d’autre elle sera rendue dans ce pays, s’est souvent exclamée sa veuve, la journaliste Michèle Montas.
De nombreux actes d’intimidations, y compris des tentatives d’assassinat de Michèle Montas, ont porté Radio Haïti Inter à cesser d’émettre le 21 février 2003, dans un contexte des plus difficiles qui devait culminer avec la chute d’Aristide (second mandat).
De 2000 à 2022, plusieurs journalistes ont été assassinés en Haïti. Le dernier cas en date est celui de Maxihen Lazarre, photojournaliste du média en ligne « Roi des infos », touché mortellement, le 23 février 2022, lors de l’intervention de la police contre une manifestation ouvrière à Port-au-Prince.
En plus de Maxihen Lazarre, au cours des trois dernières années, les journalistes Néhémie Joseph, Rospide Pétion, Diego Charles, Amady John Wesley, Wilguens Louissaint, ont été assassinés et le photo-journaliste Vladjimir Legagneur a été porté disparu en Haïti.
« Chaque année, des journalistes sont menacés et tués pour avoir révélé la vérité », ont souligné, en novembre 2021, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains (Ohchr). Elles ont demandé aux autorités compétentes de mettre tous les moyens en œuvre pour faire la lumière sur les cas non encore élucidés dans le pays.
« Les États ont l’obligation de protéger les journalistes et de veiller à ce que les auteurs de crimes à leur égard soient condamnés », rappelle l’Unesco. [gp apr 03/04/2022 13:30]