Pétition des secteurs privé et socio-professionnel au premier ministre de facto Ariel Henry
Document transmis à AlterPresse le 26 mars 2022
Monsieur le Premier Ministre,
La présente pétition est une initiative citoyenne, non partisane, par laquelle, nous soussignés, représentants de différents secteurs de la société haïtienne, vous signifions une fois de plus le profond désarroi de toutes les couches sociales de la vie nationale par rapport à la dégradation accélérée de la situation sécuritaire en Haïti. Nous protestons énergiquement contre la prise en otage de toute la population par des organisations criminelles, et l’inaction voire la tolérance des Autorités qui faillissent à leur obligation première d’assurer la sécurité des citoyens.
Les cas de meurtres, d’enlèvements contre rançon, de viols, de vols à main armée et de pillages organisés ne se comptent plus. Les entreprises ferment leurs portes, les familles vivent avec la gorge serrée, chacun attendant dans la terreur à qui le tour. La Police Nationale, par manque de visibilité de son action et de soutien de la part des autorités politiques, renvoie l’image d’une Institution affaiblie et à l’effectif insuffisant. Cette situation fait paraître la Police comme complice et infiltrée par les gangs. Quoique déclarant vouloir tout mettre en œuvre pour protéger et servir la population, elle manque de moyens adéquats.
Le service des douanes, premier point d’entrée sur le territoire se montre incapable d’endiguer ce fléau qu’est la contrebande des armes et munitions et laisse passer d’autres marchandises sans les vérifications et taxations nécessaires au financement des dépenses publiques. Cette situation cause un profond déficit pour les caisses de l’État et contribue à alimenter les gangs à travers le pays.
Alors que l’état d’urgence, la mobilisation des ressources publiques pour lutter contre le grand banditisme, et des mesures d’austérité auraient dû être en vigueur, comme le veulent les normes de bonne gouvernance et de transparence, des commandes d’équipements nécessaires aux Forces de l’Ordre, dorment dans les tiroirs des Ministères concernés. Ces derniers déclarent ne pas avoir les moyens d’en faire l’acquisition et préfèrent quémander de l’aide aux organismes internationaux et ambassades des pays amis.
Pourtant, des dépenses inutiles sont engagées saignant davantage les maigres ressources de l’État. Des fonds publics financent des voyages et des cérémonies futiles et des acquisitions qui ne soulagent en aucun cas la misère du peuple. Cette gabegie administrative est inacceptable.
Le pays est en train de s’asphyxier économiquement. L’insécurité généralisée ne profite pas au pays et le plonge dans un chaos indescriptible. D’aucuns suggèrent même que l’équipe en place semble faire durer la jouissance illégitime du pouvoir sans contrôle, et ceci, au mépris des souffrances de la population. Monsieur le Premier Ministre, la nation toute entière en a marre !
Des experts en sécurité publique ont clairement établi une feuille de route avec des recommandations simples à exécuter, efficaces à court terme et susceptibles d’endiguer l’insécurité à moyen terme, toutes ces mesures pouvant être prises immédiatement, savoir :
1. Décréter l’État d’urgence ;
2. Déclarer la guerre aux gangs armés qui sèment le deuil et la désolation dans la population ;
3. Sévir contre la fraude au niveau des douanes pour éviter le détournement des revenus et imposer des mesures de contrôle pour éliminer le trafic d’armes et de munitions ;
4. Classer les gangs armés dans la catégorie des organisations terroristes ;
5. Équiper adéquatement en toute priorité les Forces Armées d’Haïti et la Police Nationale y compris la Police Scientifique ;
6. Recruter des experts pour encadrer la PNH dans ses efforts pour traquer et mettre hors d’état de nuire tous les bandits ;
7. Isoler les groupes criminels et les assiéger dans leur retranchement ;
8. Identifier publiquement et poursuivre toutes les personnes et entités qui financent et alimentent ces gangs en armes et munitions ;
9. Adopter un décret ordonnant le gel immédiat et la confiscation des avoirs de toutes les personnes et entités qui financent et alimentent ces gangs en armes et munitions ;
10. Exiger des compagnies téléphoniques l’identification obligatoire pour tout numéro de portable en fonction sur le territoire et déconnecter dans un délai raisonnable tout numéro de téléphone non identifié ;
11. Annuler et dans un bref délai, rapporter systématiquement toutes les anciennes plaques IT ou SE ou LOCATION en circulation. Ces plaques sont utilisées par les gangs. Contrôler strictement les nouvelles émissions de plaques ;
Dans une deuxième phase :
12. Vérifier les dossiers de tous les policiers (vetting), incluant les investigations pour les cas d’enrichissement illicite ou de blanchiment ;
13. Modifier les uniformes de toutes les unités de la Police ;
14. Identifier clairement les véhicules affectés au service de l’État par rapport aux institutions auxquelles ils appartiennent ;
15. Occuper les territoires reconquis en y assurant une présence socio-politique et administrative effective de l’État à tous les niveaux.
Monsieur le Premier Ministre, il est impératif d’adopter sans délai ces mesures urgentes qui s’imposent. Tout retard dans la mise en œuvre de ce plan sera lourd de conséquences pouvant culminer à une révolte populaire désespérée et aveugle qui pourrait balayer tout sur son passage. L’Histoire et la Nation vous tiendront, ainsi que votre Gouvernement et vos collaborateurs, pour principaux responsables de la descente aux enfers de notre Pays. Les signataires sont prêts à vous rencontrer au plus vite pour les suites.
Port-au-Prince, le 26 mars 2022
Parmi les signataires :
Caroline Hudicourt
Directrice Exécutive
Consortium des Organisations du Secteur Privé de l’Éducation (COSPE)
Regroupant 13 organisations
Marie Alice BELISAIRE
Présidente
Lesly ALPHONSE
Vice-Président
Syndicat des Notaires des Juridictions Haïtiennes (SNJH)
Regroupant 186 membres
Marie Marguerite B CLÉRIÉ
Présidente
Association Professionnelle d’Écoles Privées APEP/ FEV
44 écoles membres
Laurent SAINT-CYR
Président du Conseil d’Administration
Chambre de Commerce et d’industrie d’Haïti
Représentant les 9 Chambres de Commerce départementales du pays