Gonaïves (Haïti), 7 juin 2021 [AlterPresse] --- Le théâtre de rue a été au cœur des activités de sensibilisation menées par le projet Toujou Pi Fò Ansanm (TPFA) sur des thématiques liées aux droits, devoirs et responsabilités des citoyens et citoyennes dans le département de l’Artibonite. Pas moins de 4 représentations ont eu lieu à Saint Michel de l’Attalaye, Terre Neuve, Gonaïves et Verrettes durant le mois de mai 2021.
Grâce à l’efficacité de cet outil de sensibilisation et la possibilité qu’elle offre de mieux communiquer avec des populations, le projet a permis aux comédiens et danseurs du département de véhiculer des messages touchant la décentralisation, la participation citoyenne, la concertation entre autorités locales et la société civile, la transparence, la reddition de compte et l’amélioration de la qualité de la vie.
« Avec une méthodologie basée sur la participation active des comédiens, danseurs et des membres d’organisations de la société civile, les encadreurs ont pu monter un spectacle itinérant ciblant les 4 communes. La pièce a été une mise en scène d’un surprenant service religieux mélangeant chœurs chrétiens, danses folkloriques agrémentées de pas de Break Dance (Hip Hop), chants vaudou, transe et show de tambour » explique Madjolah Pierre, coordonnatrice de Communication de TPFA.
Selon les informations recueillies auprès de responsables du projet, les 28 jeunes comédien(e)s et danseur (seu)s issu(e)s de 9 troupes au total ont été sélectionnés à l’issue de séances d’audition tenues aux Gonaïves et à Saint-Michel au mois de janvier 2021. Chelson Ermoza, comédien, conteur, acteur, Abydarlyne Jouth, comédienne et danseuse, et Rony Joseph, tambourineur, ont encadré les acteurs et actrices pendant une demi-douzaine de formations-répétitions.
Chelson Ermoza est tout fier de l’exploit de ces jeunes novices artibonitiens qu’il a encadrés. Pour lui, c’est une preuve que « l’art n’a pas de limite ». « Le sérieux dont elles/ils ont fait preuve lors des répétitions et formations était extraordinaire », poursuit-il.
Découvrir le théâtre de rue : être sensibilisé pour sensibiliser sa communauté
Toute la période de préparation et de formation pour le montage de la pièce a été aussi un moment de sensibilisation des comédiens, comédiennes, danseurs et danseuses sur l’importance de l’engagement d’un artiste dans la vie de sa communauté.
Les jeunes ont découvert que le théâtre de rue est aussi une pratique revendicative et d’incitation à l’action. Nelda Saint-Fleur, comédienne originaire des Verrettes, estime que « le théâtre de rue est la meilleure façon d’aider les gens à prendre conscience des défis de leur communauté ».
Le théâtre de rue est en plein essor et permet non seulement la représentation de certaines réalités mais aussi, favorise la participation du public. Il est un excellent véhicule de sensibilisation permettant d’atteindre de nombreuses couches de la population de manière directe, simple et puissante, fait remarquer Madjolah Pierre.
« Grâce aux différentes interventions du staff du projet, j’ai pu trouver le message correct pour ma prédication dans la pièce, notamment en ce qui concerne la concertation entre la société civile, les autorités locales et l’État en général », se réjouit Wedny Bézil, un autre comédien.
Bézil joue le rôle de prédicateur dans la pièce. Dans sa « prédication », il fait part aux fidèles de la necessité de se mettre ensemble en s’appuyant sur le dicton haïtien « pise gaye pa kimen ».
« La société ne peut pas laisser l’État tout seul. Pour qu’une communauté se développe correctement, il faut que la société civile accepte de dialoguer, de se concerter avec les autorités locales, l’État et vice-versa, pour travailler ensemble » conclut le comédien, agent de sensibilisation.
Les communautés réagissent
Un directeur d’école assistant à une représentation dans la commune des Verrettes confie que « ce théâtre, fait dans la rue, est un bon outil de sensibilisation. Il peut inciter à un changement de comportement ».
A Terre Neuve, un jeune dans la vingtaine estime que le théâtre de rue est « une excellente façon d’attirer l’attention de la population. On s’amuse et on découvre des problèmes sérieux qu’il faut résoudre dans notre communauté. Il faut jouer ces pièces beaucoup plus à Terre Neuve, dans les sections communales et dans les autres communes également ».
Merceda Jean, mairesse adjointe de Saint Michel de L’Attalaye perçoit de l’espoir à travers les messages véhiculés par ces jeunes.
« La rue a toujours été l’un des espaces de revendication les plus puissants, et voir de jeunes acteurs, actrices, danseurs et danseuses se l’approprier pour sensibiliser la population sur des question de gouvernance locale ou d’implication citoyenne me porte à croire qu’il y a encore de l’espoir pour le pays », confie-t-elle.
Choquer et sensibiliser
Construire une représentation de théâtre de rue nécessite une certaine connaissance des habitudes, des mœurs du public cible tout en rajoutant des éléments nouveaux qui peuvent choquer.
« La population accorde une grande importance à la parole portée par des gens de religions. C’est pourquoi nous avons choisi de monter la pièce avec la dominante religion. La présence des éléments du vodou et du profane (breakdance), sorte de syncrétisme, provoque la surprise de l’assistance et suscite la curiosité du public. Il fallait fallait trouver un moyen efficace et percutant pour capter l’attention », explique Abydarlyne Jouth, consultante sur le théâtre de rue à TPFA.
Durant les 4 représentations dans les communes cibles que sont Saint-Michel de l’Attalaye, Terre Neuve, Gonaïves et Verrettes, les comédiens, comédiennes, danseurs et danseuses ont drainé la grande foule.
« C’est cela le point fort du théâtre de rue : vivre la vie quotidienne sur la scène, se poser des questions, tenter des réponses et ne pas savoir du premier coup, c’est du théâtre. Cette forme de performance vous surprend, vous entraine et vous force à agir », explique Chelson Ermoza, comédien et diseur international qui a encadré ces jeunes artibonitiens aux côtés de Abydarlyne Jouth et du tambourineur Rony Joseph.
Riverains, curieux(e)s de tout âge et de tout sexe ont été à la fois étonné(e)s, choqué(e)s et attentif(ve)s en assistant à la performance de fidèles et de leaders religieux leur communiquant des messages encourageant la participation citoyenne, la transparence, la concertation entre les autorités locales et la société civile pour le développement local.
Ces représentations de théâtre viennent s’ajouter aux campagnes de sensibilisation et de plaidoyer, aux concours de musique mis en œuvre par le projet Toujou Pi Fò Ansanm en vue de permettre à la population citoyenne de l’Artibonite d’être plus consciente de ses droits, devoirs et responsabilités comme actrice centrale de développement, indique Madjolah Pierre, Coordonnatrice de communication de Toujou Pi Fò Ansanm.
TPFA est un cofinancement de 3 ans de l’Union Européenne (2018-2021). Il est exécuté par un consortium international piloté par le Groupe Medialternatif (GM). Il vise à renforcer l’interaction entre les organisations de la société civile (OSC) et les autorités locales (AL) du département de l’Artibonite. Ce renforcement se base sur la participation efficace des protagonistes (OSC et AL) à la définition, au suivi et à l’évaluation des priorités du développement local. [apr 07/06/2021 14 :30]