« Les réunions internationales … ne visent qu’à encourager un ordre social d’apartheid, dans lequel les classes populaires sont mises hors de la sphère de la prise des décisions politiques, économiques et sociales du pays »
Par le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’occupation d’Haïti (Rehmonco)
Soumis à AlterPresse le 25 janvier 2022
À l’instar d’un administrateur de colonie, le gouvernement du Canada a décidé, avec l’appui de Washington et de Paris, de prolonger unilatéralement le mandat du premier ministre de facto Ariel Henry. Présidée par la ministre des affaires étrangères, Mélanie Joly, la réunion des ministres des affaires étrangères des pays du Core Group du 21 janvier 2022 sur Haïti a donné la preuve, une fois de plus, que le peuple haïtien n’a pas d’emprise sur ses gouvernants. Ils sont choisis pour exécuter une mission, qui n’a rien à voir avec les aspirations de la population.
Fait d’autant plus troublant, cet appui se fait aussi dans un contexte où Ariel Henry est soupçonné dans le dossier de l’assassinat crapuleux de Jovenel Moise. Il refuse toujours de répondre aux questions de la justice. Malgré tout, les prétendues grandes démocraties occidentales, dont Washington, Paris et Canada, ont, non seulement imposé Ariel Henry à la tête du pays, mais elles continuent également à le soutenir.
L’emprise de ces pays sur Haïti est tellement importante qu’aucune décision ne peut être prise, sans explicitement demander leur aval. Bien entendu, cette domination est conforme aux intérêts des dirigeants et de l’oligarchie haïtienne, qui n’attendent que des miettes dans la mise à sac des ressources du pays. En soutenant un président ou premier ministre de la trempe d’Ariel Henry, le statu quo est garanti : la politique d’Henry (dans la mesure où on peut parler de politique) est de se soumettre inconditionnellement à tous les diktats des grandes ambassades.
L’objectif des pays du Core group est de reproduire le régime du Parti haïtien tèt kale (Phtk, un ramassis de malfrats, qui se font appeler ouvertement « bandits légaux ». Essentiellement, c’est là l’objectif : renouveler cet État mafieux, afin que le pays soit sans défense contre toutes formes d’incursions, politiques, financières et économiques, des puissances impériales.
Depuis 2011, le pouvoir Phtékiste se reproduit avec les mêmes mécanismes de légitimation : les grandes ambassades occidentales décident des résultats des joutes électorales, désignent un président et imposent une structure gouvernementale. Ces ambassades font passer pour légitimes des pratiques autocratiques des dirigeants, qui démantèlent les principales institutions et les mécanismes de contrepouvoir du pays. On se souvient de leur appui aveugle à Jovenel Moise, qui s’est approprié des prérogatives du pouvoir législatif et judiciaire. Tout cela montre clairement que, dans la situation actuelle du pays, la question de l’État de droit, même formel, n’est qu’un verbiage, pour mieux dissimuler les véritables intentions de maintien d’un ordre social ancien.
Sous le patronage du Core Group, la succession de réunions internationales sur Haïti, depuis le séisme de 2010, s’inscrit dans cette même perspective de mettre, hors de la sphère du pouvoir, le peuple haïtien. Aucun soutien, même minimal, n’a été donné à la lutte des mouvements sociaux haïtien pour la reddition de comptes sur la gestion des fonds PetroCaribe, de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (Cirh) et crimes financiers des Duvalier. Un silence assourdissant accompagne, aujourd’hui encore, de flagrants détournements de fonds du trésor public : des hauts fonctionnaires et sbires du régime Phtk achètent des maisons luxueuses, à coups de millions de dollars au Canada et aux États-Unis, pendant que le peuple gît dans la misère abjecte. Continue, ainsi, le processus de blanchiment de ces fonds dans l’économie des grandes villes occidentales, dont Paris, Montréal, Washington, etc.
Par ailleurs, suite à l’introduction du choléra par la Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti (Minustah), aucune initiative internationale n’a été prise par les grandes ambassades occidentales en appui aux familles des 10,000 morts causés par la maladie et aux 800,000 personnes infectées. Il n’y a pas, non plus, de solidarité de ces prétendus amis d’Haïti pour les demandes de justice de plusieurs centaines de personnes, violées par les soldats de la mission de la paix de l’Organisation des Nations unies (Onu) en Haïti. Les réunions internationales sont à sens unique. Elles ne visent qu’à encourager un ordre social d’apartheid, dans lequel les classes populaires sont mises hors de la sphère de la prise des décisions politiques, économiques et sociales du pays.
Face à ce constat, nous dénonçons et rejetons l’initiative hypocrite du Core Group et du Canada en particulier, pour soi-disant trouver une solution à la crise haïtienne. Pour nous, il ne fait aucun doute que l’objectif de cette initiative est de paver la voie pour une plus grande exploitation du pays. Nous nous solidarisons aux classes populaires et à l’ensemble des groupes opprimés à reprendre la mobilisation contre le régime des bandits légaux (Phtk), la bourgeoisie haïtienne et leurs alliés internationaux. La solution à la crise haïtienne ne viendra pas des anciennes puissances coloniales, qui ne parviennent pas à se défaire de leurs réflexes de colons. Elle ne viendra pas, non plus, des initiatives, qui sont à la merci des grandes ambassades occidentales. Elle viendra de la lutte continue des classes ouvrières et des autres groupes opprimés contre le statu quo.
C’est pour cette lutte que nous devons construire notre solidarité !
Pour authentification,
Renel Exentus
Frank Joseph
Montréal, le 24 janvier 2022