P-au-P, 20 janv. 2022 [AlterPresse] --- De nouvelles pistes, relatives aux fonds présumément détournés sous l’ère Duvalier aboutissent au Québec, a révélé une enquête publiée sur le site de Radio Canada, consulté par l’agence en ligne AlterPresse.
« La traque des fonds de l’ère Duvalier mène à Montréal » est le titre de ce reportage d’enquête, réalisé par le journaliste Frédéric Zalac et le réalisateur Paul Émile d’Entremont pour « Enquête » (émission de télévision canadienne diffusée sur la Radio-Canada Télé).
« Les Duvalier, qui ont régné sur Haïti pendant près de 30 ans, se sont enrichis en siphonnant les fonds publics du pays le plus pauvre des Amériques. Trente-cinq ans après la chute du régime (le 7 février 1986), certains des fonds présumément volés n’ont toujours pas été restitués au peuple haïtien », souligne l’enquête.
« Enquête » déclare avoir découvert une nouvelle piste, qui aboutit au Québec, grâce à la fuite des Pandora Papers, une fuite de millions de documents confidentiels obtenus par le Consortium international des journalistes d’enquête (Icd).
Plus de 120 millions de dollars de fonds publics, dont des dizaines de millions avec l’aide de son ministre des Finances, Frantz Merceron, auraient été détournés par Duvalier, d’après les autorités haïtiennes.
Un rapport, rédigé après la chute du régime par le ministre de la Justice d’Haïti, François St-Fleur, pointe du doigt les Duvalier, qui se sont livrés, dit-il, à un pillage systématique de la caisse publique.
Et leur ministre des Finances de l’époque, Frantz Merceron, aurait joué un rôle pivot dans la mise en œuvre de cette conspiration, ajoute-t-il.
« D’après le rapport St-Fleur, Frantz Merceron aurait autorisé pour près de 60 millions de dollars américains de transferts, provenant du trésor public et de sociétés d’État haïtiennes vers des comptes liés aux Duvalier ».
En plus des graves violations des droits de la personne, qui auraient fait entre 20,000 et 30,000 victimes, selon l’organisation Human Rights Watch, les règnes de François Duvalier (22 septembre 1957 - 21 avril 1971) et de son fils Jean-Claude Duvalier (22 avril 1971 - 7 février 1986) étaient au cœur de la corruption, poursuit l’enquête.
Né le 3 juillet 1951 à Port-au-Prince, Jean-Claude Duvalier est mort le 4 octobre 2014 à Pétionville, avant la fin des procédures judiciaires, qui avaient été enclenchées contre lui lors de son retour en Haïti.
Duvalier possédait des fortunes à l’étranger, issues de fonds publics d’Haïti, dont un château dans la région parisienne, un appartement à la Trump Tower de New York, un yacht en Floride et une Ferrari, selon l’enquête.
Un luxueux appartement, acheté par Frantz Merceron, rue Guynemer, à Paris, une prestigieuse adresse en face du Jardin du Luxembourg, a été aussi repéré.
Cet appartement valait 2,3 millions de dollars américains en 1987, selon le rapport St-Fleur.
« Peu de temps après la chute du régime, les autorités suisses ont ordonné aux institutions bancaires de bloquer tous les avoirs liés à Duvalier et à ses présumés complices, dont Frantz Merceron », lit-on dans l’investigation.
Muriel Beauchamp Merceron fut l’héritière, après la mort, en 2005, de Frantz Merceron, à Paris.
Elle est retournée vivre au Québec, quelques années après la mort de son conjoint.
Elle a acheté un condo (un immeuble), situé à la rue Bernard, dans l’arrondissement d’Outremont, à Montréal.
« Les transactions bancaires de Muriel Merceron s’effectuaient, elles aussi, dans la plus grande discrétion. Son nom et celui de Frantz Merceron apparaissent dans la fuite de documents SwissLeaks, obtenue par le journal « Le Monde » et publiée avec le Consortium international des journalistes d’enquête en 2015 », fait savoir « Enquête ».
Muriel Merceron a fermé un compte à la division de gestion de fortune de la succursale de la banque HSBC à Genève, qui contenait 1,250,000.00 dollars américains en 2006, selon les documents de SwissLeaks.
Le compte était détenu par l’entremise d’une société-écran, incorporée au Panama en 1985.
La récente fuite des Pandora Papers révèle d’autres sociétés, liées à la fortune de la famille Merceron, placée dans des paradis fiscaux.
Rappelons que le 13 janvier 2020, en Suisse, le département fédéral des Finances a ordonné la confiscation des fonds des Merceron, pour les restituer à Haïti.
Morte à Montréal, à l’âge de 78 ans, au lendemain de cette décision, Muriel Merceron lègue son héritage à quatre de ses cinq filles.
« La succession conteste la confiscation des fonds bloqués en Suisse. À ce jour, aucune décision n’a encore été rendue par les tribunaux suisses ». [emb rc apr 20/01/2022 13:15]