Témoignage
Par Maismy-Mary Fleurant
[1]
Soumis à AlterPresse le 30 juin 2005
Ce matin (30/06/05), à la gare routière de Ouanaminthe, une scène poignante de désespoir a soulevé l’indignation de toute la population. Des gens accouraient de toutes parts pour accueillir leurs proches agressés et torturés en plein jour par des hors-la-loi tout puissants.
Un bus a été pris en otage à Morne Casse (15 kilomètres de Ouanaminthe - vers le Cap / Nord) à sept heures du matin. Le chauffeur a eu le temps de prendre la fuite. Il s’est rendu au commissariat de Police de Ouanaminthe qui l’a référé au contingent espagnol de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTHA). Les Espagnols ont retourné la balle à la Police. Entre-temps, des milliers de gourdes de petits commerçants, qui acceptent de prendre cette route crevassée et ravinée où la mort les attend à chaque pas, passent aux mains des bandits.
Tandis que policiers haïtiens, policiers et militaires des Nations Unies discutaient pour savoir s’ils devaient agir, qui devait agir et comment agir, toutes les femmes du bus jusqu’aux fillettes à peine pubères étaient sauvagement violées.
Ouanaminthe, ville frontalière située au Nord’Est d’Haïti vit depuis quelques mois une situation pénible et alarmante. Des bandits rançonnent chaque jour les commerçants qui effectuent par bus le trajet Cap-Haïtien - Ouanaminthe. Les criminels se postent à Morne Casse, un tronçon un peu isolé, en pleine campagne, un peu loin de toute habitation et veillent le passage des bus de marchandises et de passagers.
Arme au poing, ils arrêtent les véhicules, forcent les occupants à s’étendre par terre et les délestent de tout ce qu’ils portent : argent, bijoux, objets de valeur, etc. Ils ne se contentent pas d’emporter ce butin. Ils s’en prennent aussi physiquement aux gens, passant à tabac tous ceux qui tentent de leur résister.
Les femmes sont particulièrement victimes des humiliations les plus dégradantes. Les criminels armés les obligent à quitter tous leurs vêtements. Nues, après avoir été fouillées sans douceur, elles sont traînées par terre et brutalement violées par plusieurs voyous. Ces scènes horribles se répètent presque chaque jour sur la route.
Cette situation ne peut durer. La population de Ouanaminthe constate un déni, de la part des autorités gouvernementales et policières, de son droit à la sécurité.
Ouanaminthe, ville frontalière de 70 000 habitants, haut lieu des trafics les plus inavouables : contrebande, drogue, armes, vols de véhicules, etc., n’a que 14 policiers pour assurer sa sécurité. Ces policiers ne disposent même pas de véhicule motorisé pour se déplacer. Et le manque de coordination entre la Police et la MINUSTHA qui dispose des plus grands moyens constitue une entrave à toute action sérieuse pour contrecarrer les actions criminelles des bandits.
Je demande à toutes les organisations de droits humains, aux organismes de défense des droits de la femme et à la presse de relayer cette information. Ouanaminthe est une cité en péril qui risque de devenir une zone de non droit où les hors-la-loi auront toute latitude de placer la population sous coupe réglée.
[1] Avocat, spécialiste en Droit International des Droits de l’Homme