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Haiti : Des ONGs canadiens craignent " le pire "

Lettre ouverte de Concertation pour Haiti (regroupement d’ONGs canadiens) aux dirigeants canadiens sur la situation en Haiti

Soumis à AlterPresse le 28 juin 2005

Montréal, 28 juin 2005

M.Paul Martin, Premier Ministre
M. Pierre Pettigrew, ministre des Affaires étrangères
Mme Aileen Carroll, ministre de la Coopération internationale

Objet : Situation en Haïti

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
Madame la Ministre.

La Table de Concertation pour Haïti, regroupement d’organismes québécois et d’individus qui participent au mouvement de solidarité avec le peuple haïtien lance un cri d’alarme devant l’urgence de la situation qui sévit en Haïti.

Les membres de la Table de Concertation à l’instar d’organisations haïtiennes et d’observateurs étrangers, sont consternés par les violations des droits humains, l’insécurité, l’impunité, l’escalade de la violence, par les gangs armés qui se réclament du parti Lavalas, des ex militaires et autres gens illégalement armés. De nombreux témoignages ne cessent d’affluer, relatant meurtres, enlèvements, incendies criminels et autres atteintes aux droits humains sans que le système juridique soit en mesure de juger et de sanctionner quelque coupable que ce soit. Les rapports les plus récents des organisations de défense des droits humains provenant d’Haïti confirment un tel état de fait [1].

Le niveau d’alerte et les instructions données présentement à nos concitoyens par l’ambassade canadienne à Port-au-Prince de même que le rapatriement du personnel non essentiel de l’ambassade américaine font craindre le pire. D’autre part, les représentants américains ont ouvertement évoqué la possibilité d’une intervention des Marines en Haïti, alors que divers indices font craindre une tentative de coup d’état contre le gouvernement de transition à Port-au-Prince à plus ou moins brève échéance.

Le gouvernement canadien ne peut minimiser l’ampleur et la nature de la violence qui semble de plus en plus organisée et converger vers la déstabilisation de l’Etat et le blocage du processus électoral. Toutefois, dans l’éventualité d’une tentative de renversement par la force du Gouvernement intérimaire, nous demandons au Gouvernement du Canada de se prononcer contre toute intervention militaire américaine.

De plus nous encourageons le Gouvernement du Canada à poursuivre ses efforts, tant sur le terrain en Haïti qu’auprès du Conseil de Sécurité et des gouvernements des pays participant à la mission onusienne, en vue d’assurer l’application du nouveau mandat de la MINUSTAH, d’augmenter ses moyens d’action et de réviser sa stratégie de lutte contre la violence, pour le désarmement, la sécurité publique et le respect des droits humains.

Dans le but de renforcer la mission onusienne dont nous reconnaissons la trop faible efficacité, nous demandons aussi au Gouvernement canadien de procéder à une évaluation de l’efficacité de sa participation aux diverses composantes de la MINUSTAH et d’en rendre compte au public canadien avec transparence.

Nous considérons enfin qu’aucune intervention militaire ou policière ne pourrait faire l’économie d’une aide massive et concomitante à la lutte contre la pauvreté, permettant notamment d’assurer les services essentiels et de mettre au travail les immenses couches appauvries à travers le pays et dans les quartiers populaires, en particulier pour soulager la misère des secteurs les plus défavorisés de la population [2].

Vous remerciant de l’attention portée à nos propositions, veuillez agréer, monsieur le Premier Ministre, madame et monsieur les Ministres, l’expression de notre plus haute considération.

Au nom de la Concertation pour Haïti :

Marthe Lapierre
Chargée de programmes,
Développement et Paix
Membre de Concertation pour Haïti

Suzanne Loiselle,
Directrice
Entraide Missionnaire
Membre de Concertation pour Haïti

cc. Mme Francine Lalonde, députée du Bloc Québecois


[1RNDDH : Situation des droits humains après le 29 février 2004. Port-au-Prince, juin 2005. 32 pages. Le Réseau national de défense des droits humains RNDDH est le nouveau nom de la NCHR-Haïti.

[2RNDDH : op. cit., recommandation No 1, page 31.