P-au-P, 29 juill. 2021 [AlterPresse] --- L’assassinat, le mercredi 7 juillet 2021, du président de facto Jovenel Moïse, en sa résidence privée à Pèlerin 5 (municipalité de Pétionville, à l’est de la capitale, Port-au-Prince), constitue un « crime d’État », estime Me. Kébreau Zamor, substitut du commissaire du gouvernement près la Cour d’appel de Port-au-Prince, dans une interview accordée à AltrPresse/AlterRadio 106.1 F.m.
« Le crime d’État pourrait concerner, soit un haut placé du gouvernement, soit un simple citoyen représentant une menace pour le gouvernement. Mais, le plus fondamental reste la motivation du crime », explique-t-il.
Une fois que la motivation est politique, il reste un crime d’État. Dans le cas du président assassiné, il est évident que le mobile du crime est forcément commis pour des raisons politiques, poursuit l’homme de loi.
Ce crime est décidé, planifié et commis, selon un plan bien précis, par des gens qui sont liés à certaines autorités. Tout cela n’aurait pas pu s’effectuer, sans qu’il n’y ait de blessés, ajoute-t-il.
Martine Joseph Moïse, l’épouse de l’ancien président assassiné, Jovenel Moïse, a pointé ce qu’elle qualifie de « trahison », lors des funérailles nationales de son mari défunt, le vendredi 23 juillet 2021, au Cap-Haïtien.
Des obstacles
Des menaces de mort ont été envoyées à plusieurs responsables haïtiens, notamment le juge de paix Carl Henry Destin, les greffiers Marcelin Valentin et Waky Philostene, qui assistent l’enquête.
Des tentatives mystérieuses d’influencer le dossier, des difficultés d’accès à la scène de crime, aux témoins et aux preuves sont également signalées.
Le juge de paix Carl Henry Destin a déclaré que lui et d’autres n’avaient pas été immédiatement autorisés à entrer sur le site, où Jovenel Moïse a été attaqué vers 1:00 du matin (5:00 gmt), le mercredi 7 juillet 2021.
Pourtant, de concert avec le juge de paix, le commissaire du gouvernement devrait être le premier fonctionnaire de la justice à être présent sur le lieu du crime, pour relever les premiers éléments de l’enquête de flagrance, comme l’indique Me Zamor. A l’arrivée du juge d’instruction, le commissaire du gouvernement le laisse diriger l’investigation.
D’après le code d’instruction criminelle, lorsqu’un crime est commis, le commissaire du gouvernement doit se rendre sur les lieux et aviser le juge d’instruction pour l’accompagner, sans être tenu de l’attendre, explique le substitut du commissaire du gouvernement près la Cour d’appel de Port-au-Prince.
La Dcpj, avec le commissaire du gouvernement, établit un cordon de sécurité, pour protéger la scène de crime.
La Dcpj devrait se faire accompagner d’un médecin légiste, pour exploiter la scène de crime, le cadavre, et déterminer les circonstances de la mort, rappelle le substitut du commissaire du gouvernement près la Cour d’appel de Port-au-Prince.
En ce qui concerne le délai de garde-à-vue, « la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj) dispose de 48 heures pour maintenir les gens en détention », suivant le principe d’habeas corpus, qui est loin d’être respecté dans le cas des détenus dans l’affaire de l’assassinat de Jovenel Moïse.
« Il faut qu’il y ait un texte pour réglementer la durée de la détention au niveau de la Dcpj, surtout dans le cas d’une affaire complexe », préconise Me. Kébreau Zamor.
La confusion
Une certaine confusion semble régner autour du déroulement de l’enquête, alors que des versions contradictoires émergent sans arrêt sans les interventions médiatiques de la police ne puissent aider à répondre à des préoccupations exprimées.
Dans le public, on ne comprend toujours pas pourquoi il n’y a pas eu d’affrontement entre les gardes de sécurité et les présumés assaillants, ni pourquoi personne n’a été touchée, à part le président et son épouse.
Plus de 3 semaines plus tard, le niveau d’information fournie par la police, toujours en charge du dossier, n’a pas beaucoup progressé.
On sait seulement que, suivant la version officielle, l’assassinat de Jovenel Moïse aurait été perpétrée par un commando de 26 Colombiens, dont trois ont été tués par la police, après le forfait.
Environ une vingtaine d’ex-militaires Colombiens, deux Américains d’origine haïtienne et 5 autres personnes, dont des membres de la police seraient détenus en prison.
En relation à cet assassinat, la Police nationale d’Haïti (Pnh) a émis, le lundi 26 juillet 2021, un avis de recherche contre la juge à la Cour de cassation, Wendelle Coq Thélot, qui avait été mise à la retraite avec deux autres juges par Jovenel Moïse, le 8 février 2021, au lendemain de la fin de son mandat constitutionnel le 7 février 2021.
Le mercredi 28 juillet 2021, le conseil des avocats de la juge a affirmé projeter de faire annuler le mandat d’amener contre la juge Wendelle Coq Thélot.
Dans ce dossier, les autorités ont déjà procédé à l’arrestation de Jean Laguel Civil, coordonnateur de l’Unité de sécurité présidentielle (Usp).
Le chef de l’Unité de sécurité générale du palais national (Usgpn), Dimitri Hérard, est encore en isolement. Un rapport, signé par Dimitri Hérard, qui relate certains événements de la nuit du 6 au 7 juillet 2021 de l’assassinat, en donnant sa version des faits, circule sur les réseaux sociaux.
Vingt-quatre policiers font l’objet d’une enquête administrative, selon les autorités policières. [mj emb rc gp apr 29/07/2021 15:50]