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La Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants préoccupée par l’aggravation de la crise en Haïti

Lettre au secrétaire d’État Anthony Blinken pour demander à l’administration américaine de s’attaquer à la crise en Haïti et de soutenir les mesures qui servent au mieux le peuple haïtien

P-au-P., 29 juin 2021 [AlterPresse] --- Au lendemain de la publication d’un nouveau calendrier électoral incluant la tenue du referendum illégal voulu par le pouvoir pour changer la constitution haïtienne, la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants exprime sa préoccupation et renouvelle son appel à l’exécutif américain à faire pression sur Jovenel Moïse et à soutenir la restauration de la démocratie en Haïti.

« Tant que le gouvernement Moïse continue d’insister pour la tenue du référendum cette année, les conditions du dialogue politique et de la réconciliation ne pourront pas être réunies », s’inquiètent les membres de la commission dirigée par le député Gregory Meeks.

« Il est impératif que l’Administration s’attaque à la crise en Haïti et soutienne les mesures qui servent au mieux le peuple haïtien ».

La Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis appelle aussi à faire appliquer les lois américaines contre les politiciens et entrepreneurs qui alimentent la corruption, toutes sortes de crimes et les gangs armés, en utilisant les institutions américaines.

AlterPresse reprend de larges extraits de cette lettre, traduite librement :

« Nous vous écrivons pour exprimer notre préoccupation face à l’aggravation de la situation en Haïti. Le président Jovenel Moïse gouverne par décret depuis janvier 2020 et ses actions prennent une tournure de plus en plus autoritaire.

La corruption persistante , les violations des droits de l’ homme , la faim , la pandémie et une augmentation alarmante de la criminalité , en particulier des enlèvements , contribuent à accroître les tensions politiques .

Il est temps que le Président Moïse reconnaisse la gravité de cette crise multidimensionnelle. De toute évidence, il ne prend pas au sérieux les expressions d’inquiétude des partenaires internationaux d’Haïti face à l’instabilité grandissante qui s’installe.

Il est impératif que l’Administration s’attaque à la crise en Haïti et soutienne les mesures qui servent au mieux le peuple haïtien.

Premièrement , nous prenons note du récent report du processus controversé de référendum constitutionnel. Tant que le gouvernement Moïse continue d’insister pour la tenue du référendum cette année, les conditions du dialogue politique et de la réconciliation ne pourront être réunies.

Non seulement de nombreux juristes haïtiens considèrent un tel référendum comme une violation de la constitution existante, mais aussi, la tenue à la fois d’un vote sur une nouvelle constitution et des élections présidentielles et législatives cette année — sans contrôle ni contrepoids pour le président — conduira à coup sûr à un désastre.

Bien que nous soyons d’accord avec l’administration sur le fait que les élections sont le seul moyen de sortir de l’impasse, ces dernières doivent être vraiment libres et équitables, supervisées au niveau international et bénéficier de la pleine confiance du peuple haïtien. L’histoire montre que la tenue d’élections qui ne répondent pas à ces critères ne fera qu’engendrer davantage d’instabilité et de violence.

A ce jour, les conditions d’élections libres et équitables n’existent manifestement pas. Comme l’ ancienne ambassadrice des États-Unis en Haïti, Pamela White, l’ a déclaré à notre Commission lors d’ une audience en mars : ‘Il m’est difficile d’ imaginer des élections réussies cette année en Haïti . Je ne pense pas qu’à l’ heure actuelle les institutions nécessaires soient en place pour assurer une transition en douceur’.

Un bon pas vers la restauration de la crédibilité des élections est de reconstituer le Conseil Électoral Provisoire pour s’assurer qu’il soit représentatif du peuple haïtien et de la société civile, plutôt que d’être composé de fidèles du Président Moïse.

Enfin, nous pensons qu’afin de lutter contre la corruption en cours en Haïti, les organismes d’application des lois américaines devraient jouer un rôle plus actif pour enquêter sur le respect des lois fiscales américaines de la part des politiciens haïtiens et des acteurs du secteur privé ayant des intérêts aux États-Unis. Une telle enquête devrait également examiner l’utilisation d’institutions financières américaines dans des opérations de blanchiment d’argent ainsi que les réseaux de trafic d’armes et de drogues qui alimentent les groupes de gangs violents et les acteurs illicites qui s’accaparent rapidement du pouvoir à travers Haïti. Cette enquête devrait examiner les liens financiers entre les représentants du gouvernement et les gangs, tenant compte du fait que certains chefs de gangs haïtiens de premier plan restent libres malgré leur implication bien documentée dans des crimes graves.

Les peuples des États-Unis et d’Haïti partagent un lien profond, et le Congrès américain a fourni au peuple haïtien des centaines de millions de dollars d’aide humanitaire et au développement. Nous voulons qu’Haïti prospère. C’est pourquoi nous pensons que l’Administration doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour répondre aux appels du peuple haïtien et de la société civile et soutenir une restauration de la démocratie représentative ».

Le Conseil électoral provisoire (Cep) a rendu public, dans la soirée du 28 juin 2021, un nouveau calendrier fixant au 26 septembre 2021 la tenue du premier tour des élections présidentielle et législatives ainsi que le référendum voulu par le pouvoir pour changer illégalement la Constitution.

Selon ce calendrier, transmis à AlterPresse, le deuxième tour des élections législatives et présidentielle devrait avoir lieu le 21 novembre 2021 et les résultats définitifs connus le 7 décembre 2021.

Quant aux élections municipales et locales, elles devraient se tenir le 16 janvier 2022 et leurs résultats communiqués le 5 février 2022.

Le nouveau calendrier a été publié, 48 heures avant une réunion du Conseil permanent de l’Oea pour la présentation, le mercredi 30 juin, du rapport de cette mission, rapport dans lequel cette dernière recommande, entre autres, le changement du Cep.

Plusieurs organisations politiques et paysannes rejettent les élections, du fait qu’aucune condition légale, technique et politique n’est réunie pour l’organisation de scrutins, dans l’état actuel des choses. [apr 29/06/2021 23 :00]