P-au-P, 28 juin 2021 [AlterPresse] --- Le Collectif des anciens députés de l’opposition (Cadoa), le Mouvman peyizan Papay (Mpp) et alliés rejettent la perspective d’organisation d’élections générales et les recommandations du dernier rapport de la mission de l’Organisation des états américains (Oea) sur la crise haïtienne, alors que l’Initiative de la société civile (Isc) exprime une position plutôt nuancée sur la question, dans des interviews accordées à AlterRadio/AlterPresse.
Les nouvelles dates, annoncées pour des élections générales et le référendum inconstitutionnel et illegal, constituent une tentative désespérée du régime de facto en place pour faire perdurer une entreprise de corruption, fustige le porte-parole du Collectif des anciens députés de l’opposition (Cadoa), Abel Descolines.
Aucune condition légale, technique et politique n’est réunie pour l’organisation d’élections, dans l’état actuel des choses, avance Descollines.
Un nouveau calendrier électoral « imaginaire »
Un nouveau calendrier, publié dans la soirée du lundi 28 juin 2021, par le Conseil électoral provisoire (Cep) controversé, fixe au 26 septembre 2021 l’éventualité de la tenue d’un premier tour des élections présidentielle et législatives, ainsi que le référendum inconstitutionnel et illegal, que voudrait imposer le pouvoir en place pour changer illégalement la Constitution de 1987.
Le deuxième tour des élections législatives et présidentielle est prévu pour le 21 novembre 2021. Les résultats définitifs seront connus le 7 décembre 2021, selon ce calendrier électoral unilatéral.
Les élections municipales et locales devraient se tenir le 16 janvier 2022 et leurs résultats communiqués le 5 février 2022.
Le régime en place ainsi que le Conseil électoral provisoire contesté sont bien conscients que ce calendrier électoral « imaginaire » ne sera pas respecté, poursuit l’ancien député.
« Le référendum constitutionnel, qui a été reporté à deux reprises, accuse un budget entre 40 à 60 millions de dollars » (Ndlr : US $ 1.00 = 100.00 gourdes ; 1 euro = 112.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 1.70 gourde aujourd’hui).
Initialement prévu le 25 avril 2021, le référendum constitutionnel controversé avait été reporté au 27 juin 2021, suite à des « recommandations techniques » des Nations unies, puis ajourné sine die, le 7juin 2021, sous prétexte de la recrudescence, en mai 2021, de la crise sanitaire due au Covid-19 (le nouveau coronavirus).
Le nouveau calendrier est publié, 48 heures avant une réunion du Conseil permanent de l’Oea pour la présentation du rapport de cette mission, qui s’est déroulée du 8 au 10 juin 2021 en Haïti.
Ce rapport de la mission de l’Oea recommande la mise en place d’un nouveau gouvernement, d’un nouveau Cep et des mesures urgentes pour rétablir un climat de sécurité en Haïti, lit-on sur AlterPresse.
« Toute solution à la crise politique actuelle en Haïti réclame les efforts de tous les secteurs de la société haïtienne, y compris le gouvernement, l’opposition, les entreprises, les groupes religieux et la société civile », lit-on dans le document, dont la présentation est prévue pour le mercredi 30 juin 2021.
Les recommandations de l’Oea sont insurmontables, estime le Cadoa
Les recommandations sont « insurmontables » par le président de facto, Jovenel Moïse, estime le Cadoa, s’interrogeant sur les manières dont Jovenel Moïse pourrait procéder, pour monter un nouveau gouvernement et un nouveau Conseil électoral capable d’inspirer confiance, alors que les différents secteurs clés reconnaissent la fin, depuis le 7 février 2021, du mandat présidentiel de Jovenel Moïse.
Sur le plan sécuritaire, le Cadoa souligne une complicité entre les autorités de l’État et les gangs armés, qui sèment la terreur, depuis quelque temps, sur le territoire national.
« Il ne peut y avoir ni référendum pour changer la Constitution, ni d’élections avec Jovenel Moïse, car son mandat a pris fin depuis le 7 février 2021 », martèle, pour sa part, Chavannes Jean-Baptiste du Mouvman peyizan Papay (Mpp).
Le Mouvman peyizan Papay dénonce aussi une criminalité et une insécurité, planifiées par le pouvoir en place.
Le pouvoir actuel ne pourrait pas former de gouvernement de cohabitation, car tous les secteurs ont déjà fixé leur position.
« Toutes celles et tous ceux, qui vont s’inscrire pour participer aux élections ou vont entrer dans la formation d’un nouveau gouvernement avec Jovenel Moïse, seront considérés comme des traîtres, des antinationaux et anti peuple. Aucune personne sérieuse ne pourrait s’embarquer dans le projet du pouvoir en place ».
L’Initiative de la société civile préconise un accord...
L’Initiative de la société civile (Isc) plaide, de son côté, en faveur d’un accord politique avec les secteurs de l’opposition, pour pouvoir organiser les élections, porter des modifications au niveau du Cep et résoudre le problème de l’insécurité dans le pays.
« C’est à partir de là qu’on pourrait considérer le calendrier. On sait bien que les élections sont importantes. Au 21e siècle, aucun groupe politique ne peut monter au pouvoir en dehors des urnes, des élections », indique Rosny Desroches, directeur de de l’Initiative de la société civile (Isc).
Les recommandations de l’Oea reflètent la volonté de l’Initiative de la société civile et de l’Observatoire citoyen pour l’institutionnalisation de la démocratie (Ocid) sur la question de sécurité et vis-à-vis du Cep, reconnait-il.
Il insiste sur l’accord politique pour résoudre l’insécurité qui tend à détruire toute chance de développement du pays.
« L’une des causes de l’insécurité reste les élections. Les gangs sont souvent développés par des hommes politiques pour pouvoir contrôler certains territoires et le vote ».
Dans un tweet, le Secteur démocratique et populaire rejette le rapport de la mission spéciale de l’Oea qui recommande, selon lui, un gouvernement de cohabitation et un nouveau Cep avec le président de facto, Jovenel Moïse.
Pour sa part, le président du reste du Sénat, Joseph Lambert déclare soutenir l’idée d’un accord politique, en vue d’une issue à la crise actuelle. [mj emb rc apr 29/06/2021 17:20]