Reportage
Par Marlyne Jean
P-au-P, 22 juin 2021 [AlterPresse] --- « J’ai beaucoup de problèmes. Ma maison a été incendiée. Je suis dans les rues depuis vendredi (18 juin 2021). Je n’ai aucun vêtement à porter, même pas de sous-vêtements. Mon enfant a disparu, je ne l’ai pas encore revu », se lamente une femme, allongée sur un drap à même le sol.
C’est le témoignage, recueilli par AlterPresse/AlterRadio, lors d’une visite d’observation, ce mardi 22 juin 2021, à l’école communale de Pétionville (à l’est de la capitale, Port-au-Prince).
Une odeur nauséabonde accueille les personnes devant la seule porte d’entrée de l’école communale de Pétionville, cet espace bruyant où jouent des enfants et où discutent de grandes personnes.
Dans la foulée, chacun essaie de trouver un espace où s’abriter.
Certains étalent à même le sol des draps pour s’allonger, à cause de l’absence de lits.
D’autres se servent des bancs scolaires ou du sol pour s’asseoir, en attendant désespérément de l’aide.
Quelques gestes d’entraide se manifestent dans cet espace sombre où les personnes se partagent leur repas, comme en famille.
Cependant, une lueur de désespoir scintille visiblement sur le visage de ces personnes déplacées.
Dans cette promiscuité, l’intimité disparaît peu à peu.
A l’ère du Covid-19 (le nouveau coronavirus), dont une remontée est enregistrée, depuis mai 2021, en Haïti, difficile aussi d’observer une distance physique dans cette école, dont les salles de classe sont transformées en camp de personnes réfugiées.
La majeure partie des personnes ne portent pas de cache-nez. Certains les portent sous leur menton, par négligence ou ignorance.
Une distribution de masques de protection a été effectuée, dans la matinée de ce mardi 22 juin 2021, informent plusieurs femmes déplacées.
Victimes des actes de violences de gangs armés, plusieurs personnes, qui résidaient, avec des niveaux différents de handicaps, dans un camp d’hébergement situé au bas de Delmas, ont été délocalisées, depuis le vendredi 18 juin 2021, dans de mauvaises conditions, à l’école communale de Pétionville.
Ces personnes déplacées ont été obligées de fuir leur camp d’hébergement, situé au bas de Delmas, suite à des affrontements entre la Police nationale d’Haïti (Pnh) et des gangs armés, qui opèrent dans la zone.
Ces affrontements se sont soldés, dans la soirée du jeudi 17 juin 2021, par l’incendie du camp des personnes déplacées à Delmas 2, érigé depuis le tremblement de terre dévastateur du mardi 12 janvier 2010.
« Au début des violences (de ce mois de juin 2021), je me suis caché sous un lit, malgré mon handicap au pied. Après avoir été témoin de l’assassinat de plusieurs personnes, de l’incendie de beaucoup de maisons, je me suis enfui vers la Cité militaire (nord de capitale Port-au-Prince). Après être arrivé à l’église Saint Martin et Saint Yves (Delmas 5), les responsables ont refusé de m’accueillir. Puis, la secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées est venue nous placer ici », raconte un quinquagénaire.
S’abstenir de manger, pour supprimer le besoin d’aller aux toilettes
« Ici, il n’y a pas de toilettes. Vivre dans un endroit sans toilettes, c’est la plus grande misère », se plaint-il.
Ce quinquagénaire raconte combien il a été obligé de s’abstenir de manger, pour supprimer le besoin d’aller aux toilettes.
L’église Saint Martin et Saint Yves n’était pas appropriée pour nous, car il y avait également des personnes réfugiées, qui ont fui les violences armées à Delmas 4 et 6, explique un autre homme handicapé, qui accuse la police d’avoir incendié le camp d’hébergement au bas de Delmas.
« Voyez-vous, il est presque 1:00 pm (17:00 gmt). Ils ne nous ont rien donné à manger, à l’école communale de Pétionville. Hier (lundi 21 juin 2021), nous avons passé la journée sans nous nourrir. Ils sont venus nous apporter quelque chose jusqu’à 10:00 pm (2:00 gmt le mardi 22 juin 2021), mais la majorité des gens s’étaient déjà endormis ».
A l’école communale de Pétionville, les jeunes sourds-muets, moins nombreux, ont été placés dans deux salles à l’étage.
Même si leurs espaces n’étaient pas aménagés en lits, ils étaient, par contre, plus éclairés, sans dégager de mauvaises odeurs.
Vivant dans des conditions infrahumaines, ces personnes avec des niveaux différents de handicaps appellent les autorités concernées de l’État à créer un endroit approprié, pour les loger.
Elles se plaignent du manque d’accès à la nourriture et à l’eau...
Deux travailleurs sociaux d’une organisation, œuvrant auprès de la Congrégation des aveugles d’Haïti, sont venus distribuer des rouleaux de papier hygiénique à plus d’une dizaine de personnes déplacées, rassemblées dans une petite salle. [mj emb rc apr 22/06/2021 17:30]