Par Myrtha Gilbert*
Soumis à AlterPresse le 6 juin 2021
1 - Les acquis de 1803.- Les jalons du progrès
Les pères fondateurs eux-mêmes ont donné l’exemple de ce que pouvaient, l’énergie créatrice et la volonté indomptable d’un peuple libre. Ils étaient décidés à relever le jeune Etat de la ruine. Nous disons bien, de la ruine, après 14 ans de guerre sans trêve.
Ils n’ont pas attendu la manne de mains étrangères. Ils se sont retroussé les manches, car, Haïti et sa révolution anti-esclavagiste et antiraciste, se trouvait seule face à tous les puissants de l’heure. Pas de Banque Mondiale, ni de FMI, ni de USAID et autres Seigneurs-Bailleurs-Prêteurs-Pilleurs de l’époque. Ils étaient nus parmi les loups pour parodier le poète.
Ils se sont courageusement mis à la tâche. Ce n’est pas sans raison que malgré les festivités grandioses et populaires de célébration du premier janvier 1805, un historien notait que tout le peuple était au travail le lendemain tôt le matin. Dessalines avait en effet souligné dès le départ : « Nous avons osé être libres, osons l’être par nous-mêmes et pour nous-mêmes » . Toute une philosophie pour une Nation en devenir. Tout un programme de gouvernement. Ce qui signifiait : compter d’abord sur ses propres forces. Pour reprendre les révolutionnaires chinois : marcher sur ses deux pieds.
2- Les défis d’aujourd’hui
Si nos ancêtres, ont erré en cherchant la voie du progrès pour Haïti, il nous revient le défi de trouver maintenant, comment construire un pays pour tous les fils et toutes les filles d’Haïti.
La société haïtienne doit relever de sérieux défis si elle veut sortir de cette crise sans fin et prendre le chemin du progrès. Les paysans haïtiens ont fui durant un siècle et demi l’Etat des élites pour se réfugier (surtout) dans les mornes et y organiser leur vie. Mais aujourd’hui, l’épuisement du système et la déstructuration de leur économie les forcent à l’exode et par là même, à renouer avec le monde qu’ils avaient fui. Obligés de s’adapter et faute d’alternative, ils ceinturent la ville en marginaux.
Les élites qui avaient occupé les plaines, (sans jamais les mettre en valeur) se retirent de plus en plus dans les hauteurs. Elles fuient les zones bidonvillisées, leurs montagnes d’immondices et leur cortège de violence. Pour combien de temps encore ?
L’insécurité et sa ceinture de misère ont depuis longtemps pris la ville en tenaille. La solution n’est plus dans la fuite. Il n’y a nulle part où aller. Sauf à vouloir abandonner la barque. Mais ce n’est plus aussi facile par ces temps de dépression économique dans le Grand Nord.
Ceux qui sont habitués à être quelqu’un chez eux, voudront-ils être transformés en numéro chez des voisins ? Alors, il ne nous reste qu’à nous asseoir pour discuter et décider ensemble.
3-Construire notre vivre ensemble
Le premier pas sur cette voie difficile exige qu’on interroge collectivement avec lucidité et profondeur « les causes de nos malheurs ». Mais la quête d’une large concertation nationale ne doit à aucun moment être vue comme une affaire politicienne, encore moins une manœuvre concoctée entre petits chefs sous les auspices de l’étranger pour partager le pouvoir. C’est la tâche de toutes les forces démocratiques et populaires, les vraies forces du changement
Il n’y aura de sauvetage pour aucun secteur en dehors d’une Entente Nationale qui prenne en considération les intérêts profonds de l’ensemble des composantes de notre société.
Il y aura une patrie pour tous ou il n’y aura de patrie pour personne.
* Enseignante, chercheure