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Haïti : Après avoir affiché son entêtement, le Cep annonce l’ajournement sine die du référendum constitutionnel illégal du 27 juin 2021

P-au-P., 07 juin 2021 [AlterPresse] --- Le Conseil électoral provisoire (Cep) a annoncé, dans la soirée du 7 juin 2021, l’ajournement sine die du référendum, fixé par le pouvoir en place pour le 27 juin prochain, afin de remplacer, unilatéralement et en dehors des normes, la Constitution de 1987 en vigueur, apprend AlterPresse.

Le Cep, qui s’est préalablement montré entêté, indique, dans un communiqué, avoir pris sa décision, suite au renouvellement de l’état d’urgence sanitaire par l’exécutif ainsi que des réunions tenues avec la Cellule scientifique de gestion de la crise du Covid-19 (le nouveau coronavirus) et le Ministère de la santé publique et de la population (Mspp).

Le Conseil précise avoir eu des difficultés pour rassembler et former l’ensemble du personnel vacataire pour la réalisation du scrutin.

En annonçant sa décision, à la veille de la venue d’une mission de bons offices de l’Organisation des états américains (Oea), il fait savoir qu’un nouveau calendrier sera adopté et publié pour la tenue du référendum ainsi que des élections générales prévues pour la fin de l’année.

S’agit-il finalement d’un ajournement ou du début d’un retrait progressif d’un processus, qui a buté sur de nombreux refus et une résistance ferme opposée par des organisations politiques et citoyennes de diverses tendances ?

Le 24 février 2021, le référendum constitutionnel controversé du président de facto Jovenel Moïse, initialement prévu le 25 avril 2021, a été reporté au 27 juin 2021, sur diktat des Nations Unies.

« Les autorités étatiques, principalement le Conseil électoral provisoire (Cep), se voient dans l’obligation de reporter le référendum au 27 juin 2021 au lieu du 25 avril 2021 », pouvait-on lire dans l’annonce officielle.

Les critiques contre ce référendum ont été réitérées depuis le lancement du processus, en violation de la loi-mère qui interdit toute consultation populaire, par voie référendaire, pour changer la charte fondamentale du pays.

Sans consulter les forces vives d’Haïti, Jovenel Moise a procédé, le vendredi 30 octobre 2020, à l’installation d’un comité consultatif, dit indépendant, pour l’élaboration du projet d’une nouvelle Constitution.

Ce comité est composé de 5 membres, dont l’ancien président provisoire Boniface Alexandre (29 février 2004 – 14 mai 2006) et l’ex-général Hérard Abraham.

Plusieurs voix de différents secteurs avaient alors catégoriquement dénoncé l’inconstitutionnalité et l’illégalité de la démarche ainsi que des éventuelles velléités d’instaurer une nouvelle dictature en Haïti.

L’argument mis en avant est qu’il n’existe aucune disposition, dans la Constitution de 1987, remettant la décision de modification de la charte fondamentale entre les mains d’un président, encore moins d’un référendum pour y aboutir.

Auparavant, malgré l’absence de prestation de serment à la Cour de Cassation, où la cérémonie a été reportée sine die, Jovenel Moïse a procédé à l’installation, le mardi 22 septembre 2020, au Palais national, des 9 membres d’un nouveau Cep constitué unilatéralement et en violation des lois.

Obligation est faite par la Constitution à tout Cep de prêter serment à la Cour de Cassation avant toute entrée en fonction.

En plus des élections, le nouveau Cep a également été chargé d’organiser le référendum pour une nouvelle Constitution.

Les craintes d’une aggravation de la crise avaient alors été exprimées par des partis et organisations politiques, dans une note conjointe de protestation et de désapprobation.

La grogne a, par la suite gagné l’ensemble des forces vives du pays, qui ont rejeté le processus. Plusieurs délégations officielles ayant pour mission de promouvoir le referendum ont été chassées dans plusieurs régions.

Des institutions internationales, dont l’Organisation des nations unies (Onu) et l’Union européenne (Ue), de même que les États-Unis ont jugé la démarche non inclusive et pas suffisamment transparente.

Lors d’une intervention en ligne, le mardi 1er juin 2021 encore, Jovenel Moïse, dont le mandat constitutionnel a pris fin le 7 février dernier, avait déclaré maintenir l’organisation du référendum pour le 27 juin 2021, malgré son rejet par de multiples mouvements nationaux et internationaux.

Il en est de même de son chef de gouvernement, Claude Joseph, qui a réaffirmé, le 6 juin 2021, dans le contexte d’une forte poussée de violence armée dans des quartiers de Port-au-Prince, la tenue de la consultation de la fin du mois pour changer l’actuelle Constitution.

Malgré l’insistance, notamment des États-Unis d’Amérique, des instances nationales et internationales ont également souligné l’impossibilité de réaliser, cette fin d’année 2021, des élections crédibles, honnêtes et démocratiques dans les conditions actuelles. [gp apr 07/06/2021 20:00]