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Histoire : Plaidoyer en faveur de la mémoire de l’esclavage en Haïti

Pour la création d’un musée de l’esclavage et de la liberté en Haïti

P-au-P, 21 mai 2021 [AlterPresse] --- La république d’Haïti, comme étant l’épicentre de l’abolition du système esclavagiste dans le monde, ne mobilise pas la mémoire de l’esclavage pour affronter ses différents stigmates, regrette le sociologue haïtien Laënnec Hurbon, lors d’une causerie, tenue le 15 mai 2021, à l’ occasion du 10e anniversaire du groupe C3 Éditions (créé en mai 2011), et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

Il y a une fixation sur les héros de l’indépendance en Haïti, en négligeant les traces du système esclavagiste dans la vie quotidienne des Haitiennes et Haïtiens comme peuple noir, estime le professeur Hurbon, qui fait une plaidoirie pour la création d’un musée de l’esclavage et de la liberté en Haïti.

Les puissances occidentales se taisent sur la mémoire de l’esclavage dans le monde, parce qu’elle constitue la base de la puissance économique du monde occidental moderne, d’après l’auteur de l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue.

En 1994, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a mis sur pied le projet « la route de l’esclave », en vue de reprendre la mémoire de l’esclavage pour resserrer les liens entre les peuples noirs, rappelle Laënnec Hurbon, un des acteurs de ce grand projet.

Ce travail a été envisagé en partenariat avec des artistes, des intellectuelles et intellectuels, des éducatrices et éducateurs, issus de divers pays du monde, avec de nombreuses institutions, comme le Bureau national d’ethnologie (Bne), la Bibliothèque nationale d’Haïti (Bnh) et l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (Ispan).

Le projet de la « route de l’esclave » entendait briser le silence, qui entoure les traites négrières et l’esclavage, pratiqués sur tous les continents et ayant entraîné des conséquences qui ont façonné les sociétés contemporaines.

« Nous n’avons pas pu poursuivre ce travail. Et pourtant, c’est un travail absolument important pour le pays, la possibilité pour qu’il y ait un retour sur la mémoire de l’esclavage. C’est une mémoire qui est oubliée », souligne Laënnec Hurbon.

Cette grande initiative de l’Unesco et la loi de Taubira (en 2001) en France, reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité, sont les seules initiatives, jusqu’à date, qui ont été prises au sujet de la mémoire de l’esclavage dans le monde.

Tout en déplorant le fait que certaines pratiques caractérisant l’esclavage sont reprises dans la vie politique et dans les rapports sociaux en Haïti, le professeur Laënnec Hurbon relève combien « on pousse Haïti à refuser tout rapport à l’héritage culturel africain, faisant partie de notre identité ».

« Pendant longtemps, on a considéré les Haïtiennes et Haïtiens comme des sauvages, des primitifs. Tout cela s’explique par le fait que nous ne prenons pas la mémoire de l’esclavage au sérieux. Nous ne l’affrontons pas pour surmonter les traces de traumatismes, que nous avons ».

« Une initiative de ce genre pourra créer une solidarité entre Haïti et d’autres pays, qui ont connu le système esclavagiste dans le monde », anticipe Laënnec Hurbon. [dj emb rc apr 21/05/2021 15:30]