Appel à la Nation de l’institution Enfofanm
Soumis à AlterPresse le 21 juin 2005
Pas de sauve qui peut,
d’un seul souffle, lançons un cri citoyen pour sauver ce pays !
Nous vivons un autre moment des plus dramatiques de notre histoire de peuple. Un moment qui semble vouloir pousser tous nos concitoyens et toutes nos concitoyennes vers le désespoir. Un moment caractérisé par la systématisation d’une politique de terreur, où chaque Haïtien et Haïtienne sent l’étau se resserrer chaque jour d’avantage. Personne n’est épargné. à€ Port-au-Prince, comme dans les villes de province, les exactions des terroristes font des victimes chez toutes les catégories sociales. Toutefois, la persistance de cette terreur dans certaines zones de la capitale porte d’aucun et d’aucune à désigner certains quartiers comme « zones de non droit ». Comme quoi, il serait concevable que certaines zones soient « en dehors » de l’autorité de l’Etat, seul garant des droits citoyens. En fait de « zones de non droit », il s’agit plutôt de groupes de citoyens et de citoyennes qu’on accepte de livrer aux terroristes, auxquels-les toute protection de l’Etat est nié. C’est tout simplement inadmissible !
Accepter qu’il puisse exister des zones de « non droit » est absolument dangereux. Serions-nous en train de nous accoutumer à l’irresponsabilité de l’Etat ? Si aujourd’hui nous nous indignons de l’action inqualifiable au marché Tèt Bèf, qui a laissé dans le deuil et la désolation un nombre incalculable de concitoyens et concitoyennes, tout en portant un autre coup dur à notre économie, demain ce sera le tour des commerces, édifices publics et maisons situés dans les zones non encore taxées de « non droit ». Si rien n’est entrepris pour freiner cette machine infernale, l’ensemble du pays sera bientôt de « non droit » !
Nous devons freiner cette machine infernale qui a décidé de transformer le corps des femmes en chair à canon avec cette systématisation du viol comme arme de terreur. Chaque jour les informations nous parviennent sur le nombre de femmes violées dans leur maison, dans les rues, lors des kidnappings. Dans une seule maison, trois générations de femmes d’une même famille ont fait les frais de cette politique de terreur. Avons-nous décidé de laisser périr toutes les femmes de ce pays ? Si nous en sommes arrivés là aujourd’hui nous devons admettre que quelque part nous avons tous et toutes failli !
Les organisations de femmes ont déjà lancé plusieurs cris d’alerte. Nous serons bientôt à bout de souffle si l’ensemble des citoyens et citoyennes ne se joint pas pour lancer d’un seul souffle un cri de sauvetage national. Nous devons nous ressaisir ! Nous devons identifier à qui profite le crime pour poser le bon geste.
Les tenants-es du pouvoir actuel sont le fruit d’un certain consensus. Consensus issu d’un rejet clair et net de la tyrannie de l’apprenti dictateur Aristide. Néanmoins, si nombre d’hommes et de femmes mobilisés-es manifestaient pour un autre modèle de gouvernance basé sur la participation citoyenne et le respect des droits politiques, sociaux et économiques, pour d’autres pratiques politiques, très vite les politiciens et politiciennes traditionnels-les ont repris le dessus. Plusieurs se sont rapidement remis à tirer les ficelles du pouvoir en leur faveur, allant jusqu’à user les armes de la terreur
Les responsables de l’ensemble des instances de gouvernance actuelles ont fait la preuve de leur incompétence à réussir la transition, certains-nes pour cause d’incapacité, d’autres pour avoir refusé de s’appuyer sur la participation citoyenne, d’autres encore en raison de desseins inavouables. De plus, nous nous retrouvons dans une situation où aucune instance ne peut prétendre se positionner comme garante de notre souveraineté. Nous devons urgemment sortir de cette situation. Si les responsables actuels doivent répondre de la situation désastreuse dans laquelle se retrouve la nation haïtienne : occupation internationale ; terrorisme de gangs armés ; détérioration des conditions de vie ; nous ne pouvons toutefois pas nous permettre le luxe de faire le jeu de ceux et celles à qui cette situation de non ordre profite.
Les élections devraient constituer un exercice citoyen. Elles participent de la souveraineté d’une Nation. Dans la conjoncture actuelle, de véritables élections doivent être conçues comme un processus de désoccupation de notre pays. La question de la désoccupation doit être clairement adressée tant dans le processus électoral, qu’au niveau de l’organisation de la sécurité nationale. Dans la situation actuelle, les élections se présentent comme un passage obligé. Mais, pour cela, des conditions minimales doivent être respectées :
Sécurité sur toute l’étendue du territoire national - il n’est pas question d’admettre l’existence de « zones de non droit ». Tous les citoyens et toutes les citoyennes sont égaux en droit. La mise à l’écart d’un seul citoyen ou d’une seule citoyenne n’est pas admissible !
Crédibilité des opérations électorales, sous un contrôle national, par les instances habilitées à conduire le processus !
Justice, pour signifier notre refus de l’impunité, redonner confiance aux victimes des barbaries passées et signifier notre volonté de construire un véritable Etat de Droit !
Un plan d’urgence pour juguler la crise économique !
Nous devons nous organiser pour exiger et obtenir ces conditions minimales. Comme par le passé, l’Organisation de Défense des Droits des femmes - ENFOFANM - se mobilisera avec tous ses concitoyens et toutes ses concitoyennes qui veulent constituer un faisceau pour faire respecter les droits du peuple haïtien ! D’un seul souffle, les Haïtiens et Haïtiennes se doivent de lancer un cri citoyen unitaire et s’entendre sur les actes à poser pour sauver leur pays.
Vigilance Citoyenne pour rétablir un climat de sécurité et l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national !
Vigilance Citoyenne pour contrer ceux/celles qui tirent profit du la situation de non ordre !
Vigilance Citoyenne pour un processus électoral national qui puisse rétablir une situation d’ordre !
Vigilance Citoyenne pour garantir notre souveraineté !
Port-au-Prince, le 21 juin 2005
Pour la Coordination de ENFOFANM :
Myriam Merlet