P-au-P, 23 avril 2021 [AlterPresse] --- Le spécialiste en politique publique, Wilson Jabouin, préconise un retour à la Constitution de 1987, qui constitue un rempart face au totalitarisme en Haïti, lors d’une intervention à l’émission Tichèz ba, sur AlterRadio 106.1 F.m.
Il faut qu’il y ait, en Haïti, un retour à la Constitution de 1987, notamment à la version Créole, cette langue qui constitue l’un des premiers éléments, qui favorisent le vivre ensemble, soutient le professeur d’Université.
« Le peuple est divisé. Le pays n’est pas cimenté. Il y a beaucoup de divisions. Certaines personnes ne se rendent plus compte qu’elles sont des êtres humains, elles ont perdu toute leur humanité, elles décapitent des gens, les lynchent, puis affirment vouloir les manger, kidnappent des femmes et les violent, tirent à bout portant sur des citoyennes et citoyens, policières et policiers », déplore-t-il.
Wilson Jabouin reste convaincu que la langue Créole peut redonner cet esprit d’humanité aux citoyennes et citoyens, aider à faire un premier pas vers le vivre ensemble devant aboutir à « l’État nation ».
Une pétition, ayant le soutien de personnes qui résident même à l’extérieur du pays, a été mise en ligne en ce sens, rappelle-t-il.
Le machiavélisme en application
Le pays est en proie au totalitarisme d’une seule personne, qui détient tous les pouvoirs et applique sans détour les écrits de Nicolas Machiavel, dans l’indifférence de la communauté internationale et des Nations unies prônant la démocratie libérale de par le monde, souligne le professeur d’Université.
Le machiavélisme, issu de la philosophie politique de Nicolas Machiavel (né le 3 mai 1469 à Florence et mort dans cette même ville, le 21 juin 1527), désigne, dans le langage courant, une conception de la politique, prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens.
Le professeur Jabouin souligne combien l’administration de Jovenel Moïse ne fait qu’appliquer, à la lettre et dans l’esprit, les maximes de Machiavel.
Il s’agit de l’unité de commandement (une seule personne qui commande), l’équilibre des intérêts qui s’explique par le fait que Jovenel Moïse est prêt à tout faire, pour sauvegarder les gens, qui lui ont facilité l’accès au pouvoir, énumère-t-il.
Les institutions publiques, qui devraient être rentables pour l’État, dont les douanes, entre autres, ont été livrées à ces gens, accuse-t-il.
A travers l’instauration de la peur, le pouvoir de facto s’active à instaurer la crainte avec les gangs armés, avec la répression policière contre les manifestantes et manifestants, avec la ruse et le mensonge, poursuit Jabouin.
Toute la communauté internationale, notamment les Nations unies, est censée, en théorie, lutter pour que la démocratie libérale triomphe partout à travers le monde, en permettant au peuple, quoi qu’en apparence, de bénéficier et de revendiquer, explique le professeur.
Cette démocratie prévoit aussi que personne ne peut se transformer en dictateur et instaurer, dans un pays, un système de gouvernement totalitaire.
Wilson Jabouin critique la communauté internationale et les Nations unies, « qui sont le chantre de cette démocratie libérale et qui assistent, aujourd’hui, en Haïti, à la mise en place d’une dictature totalitaire, sans rien dire ».
En pleine poussée de crise en Haïti, l’Organisation des États américains (Oea) a exhorté le président de facto, Jovenel Moïse, dont le mandat constitutionnel a expiré depuis le 7 février 2021, de mettre en œuvre des mesures pour identifier et traduire en justice les auteurs d’actes de violences, de violations de droits humains et d’abus commis en Haïti, par le biais des procédures légales appropriées.
L’Oea n’a eu aussi aucun scrupule à demander à Moïse d’engager un dialogue constructif avec toutes les parties prenantes de la crise, en vue de la tenue, cette année, d’élections législatives et présidentielles « libres et équitables », dans une résolution adoptée, lors d’une séance ordinaire virtuelle, le 17 mars 2021.
« Le gouvernement haïtien ne ménage aucun effort pour assurer le plein respect des libertés individuelles et des droits fondamentaux de toutes les citoyennes et de tous les citoyens par toutes les institutions de l’État », n’a pas hésité à prétendre, contrairement aux observations des organismes de droits humains, le représentant permanent d’Haïti auprès des Nations Unies, Antonio Rodrigue, dans une correspondance, adressée à la présidente du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu), l’Américaine Linda Thomas-Greenfield.
Tout en supportant le régime en place, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) avait exhorté, le 24 mars 2021, les autorités haïtiennes à « opposer d’urgence une réponse coordonnée, pour montrer qu’elles sont déterminées à remédier à la détérioration des conditions de sécurité dans le pays. »
Depuis sa montée au pouvoir, Jovenel Moïse ne cesse point de faire des promesses, qui, jusqu’ici, ne sont nullement tenues, rappelle Wilson Jabouin.
Le pouvoir en place fait l’éloge de la tyrannie, en menaçant d’attaquer celles et ceux, qui veulent lui faire obstacle, tout en encourageant le pillage des fonds publics, relève le professeur Wilson Jabouin.
Jovenel Moïse est lui-même impliqué dans la dilapidation des fonds PetroCaribe de l’aide vénézuélienne à Haïti. Sa femme est aussi impliquée dans un dossier de corruption, relatif à la carte Dermalog controversée, argumente le spécialiste en politique publique.
Jovenel Moïse est aussi soupçonné d’avoir utilisé « des stratagèmes de détournement de fonds publics », selon les rapports d’audit de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca), publiés entre 2019 et 2020. [1]
De plus, le processus de fabrication de nouvelles cartes d’identification, avec ladite firme allemande Dermalog, a été enclenché par l’équipe au pouvoir, sans être validé par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca).
« Jovenel Moïse fait la promotion de l’immoralité, ne s’entoure que des personnes impliquées dans des dossiers louches. Les personnes, responsables de l’échec de l’opération à Village de Dieu (le vendredi 12 mars 2021), n’ont pas remis leur démission », mentionne Wilson Jabouin, soulignant comment le pouvoir en place est en désaccord avec la moralité et la religion. [2]
Environ 5 policiers ont été tués lors de l’opération à Village de Dieu, le vendredi 12 mars 2021.
L’inspecteur général de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Carl Henry Boucher, est le seul, jusqu’à ce jour, à avoir été sanctionné dans le cadre de cette affaire.
Après son isolement, l’inspecteur a été frappé de mesure conservatoire, ne lui habilitant pas à reprendre son poste. [mj emb rc apr 23/04/2021 15:36]