P-au-P, 22 avril 2021 [AlterPresse] --- Le projet de référendum illégal et inconstitutionnel, du président de facto Jovenel Moïse, représente un exercice suicidaire, susceptible de provoquer encore plus de chaos en Haïti, met en garde l’ancien député Jerry Tardieu, coordonnateur national du « Mouvement en avant », en conférence de presse, ce jeudi 22 avril 2021, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Le projet de référendum pour une nouvelle Constitution est « techniquement impossible, méthodologiquement aberrant et politiquement suicidaire. (…) Le pays va sombrer dans plus de chaos, avec ce projet, qui risque de conduire à la destruction de l’État, le déséquilibre des pouvoirs et la déresponsabilisation du président », souligne l’ex-parlementaire, après avoir analysé le processus, mis en place par le régime de facto, pour aboutir à ce référendum, et certains des articles les plus critiques du projet de nouvelle Constitution.
Le processus mis en place par une équipe de 5 personnes du Comité consultatif indépendant (Cci) n’est « ni participatif, ni inclusif. Il est illégal, illégitime et inconstitutionnel », relève Jerry Tardieu, qui a présidé, pendant deux ans, une commission spéciale sur l’amendement de la Constitution.
« À ce stade, le processus n’est pas suffisamment inclusif, participatif ou transparent. L’appropriation nationale du projet de Constitution exige l’engagement d’un éventail plus large des acteurs politiques, sociétaux y compris les groupes de femmes et religieux dans tout le pays », a déploré le Bureau intégré des nations unies en Haïti (Binuh), dans un tweet posté le mardi 13 avril 2021.
« Jovenel Moïse a décidé seul de choisir 5 amis (es), qui ont travaillé sur un texte ’’Avant-projet constitutionnel’’, sans que ces derniers nous informent des personnalités qu’ils ont consultées comme experts, et comment ils ont abouti à ce texte qu’ils nous présentent aujourd’hui », critique le coordonnateur national du « Mouvement en avant ».
Ces membres ne représentent pas les secteurs de la vie nationale, fait remarquer Jerry Tardieu.
Le Conseil électoral provisoire (Cep) illégal, qui devrait organiser ledit référendum, a été monté en dehors de la loi. Il n’a pas été assermenté devant la Cour de cassation, rappelle-t-il.
Le président, un intouchable dans le projet de nouvelle Constitution
En termes de contenu, le Comité consultatif dit indépendant voudrait donner au pays un système, dans lequel le président serait un « roi », disposant de tous les pouvoirs et rendant domestiques les pouvoirs judiciaire et législatif, rejette Jerry Tardieu.
Selon le projet d’article 139, « le président de la république jouit de l’immunité durant son mandat, sous réserve de la procédure de destitution devant la Haute Cour de justice et des limites fixées dans la présente Constitution ».
« Aucune action ne pourrait être engagée contre le président, pour des actes liés à ses fonctions et accomplis en qualité de président de la république, même après la fin de son mandat ».
« Les ministres et secrétaires d’État perçoivent une indemnité mensuelle, à compter de leur prise de fonction. Aucune action ne peut être engagée contre un ministre ou un secrétaire d’État, pour des actes liés à ses fonctions et accomplis en qualité de ministre ou de secrétaire d’État, même après la fin de sa fonction », stipule le projet d’article 167.
Contrairement aux revendications, fortement exprimées par la population, il n’y aurait pas de reddition de comptes, fait savoir l’ancien député de Pétionville (municipalité à l’est de la capitale).
Jerry Tardieu appelle les autorités « de facto » à observer un arrêt dans leur projet.
Avec les forces vives de la nation, Jerry Tardieu préconise une concertation, qui permettrait de trouver un accord « patriotique, inclusif », pour discuter sur la date du départ de Jovenel Moïse, dont le mandat a pris fin depuis le dimanche 7 février 2021.
Il plaide en faveur d’un nouveau gouvernement, qui inspire confiance à la population, de la formation d’un nouveau Conseil électoral provisoire, de l’évaluation du système des cartes Dermalog et de la mise en place des conditions sécuritaires dans le pays.
Entre-temps, Jovenel Moïse s’est entretenu avec le président du sénat et le président de la Cour de Cassation, en vue d’une éventuelle sortie de crise.
Le régime de facto dépense, parallèlement, de fortes sommes d’argent en lobbying aux États-Unis d’Amérique, « pour redorer son image et bénéficier d’une bonne presse au niveau international », face à la situation délétère que vit actuellement le pays, a révélé un article du journal Miami Herald. [mj emb rc apr 22/04/2021 16:05]