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Haïti-Patrimoine : Des mesures de protection légale pour le quartier historique de Bel Air, exige la spécialiste en patrimoine, Barbara Prézeau-Stephenson

P-au-P, 06 avril 2021 [AlterPresse] --- L’artiste plasticienne et historienne d’art Barbara Prézeau-Stephenson, également spécialiste en patrimoine, souhaite des mesures de protection légale dans le quartier historique de Bel Air, qui surplombe le Champ de Mars (principal paar de places publiques, qui abrite le Palais national ainsi que différentes unités de la Police nationale d’Haïti (Pnh), dans une interview accordée à AlterRadio/AlterPresse.

Premier quartier développé dans l’histoire de la ville de Port-au-Prince, capitale haïtienne, avec les premières habitations, Bel Air est plongé dans un climat de terreur semé par des groupes de gangs armés depuis octobre-novembre 2019.

Plusieurs personnes mortes, portés disparues et blessées ont été enregistrés dans une nouvelle attaque meurtrière, perpétrée, le jeudi 1er avril 2021, à Bel Air, par la base dénommée Krache dife, qui fait partie de la fédération de gangs armés G9.

Face à cette situation, l’artiste plasticienne et historienne d’art Barbara Prézeau-Stephenson préconise, à tout prix, des dispositions institutionnelles, qui puissent permettre de créer de la stabilité et susciter une reprise du commerce et des activités scolaires au Bel Air, ainsi qu’un retour à une vie quotidienne normale.

Barbara Prézeau-Stephenson encourage à garantir la protection du quartier, car aucune activité culturelle ne peut organiser dans la violence. « C’est la condition sine qua non », insiste-t-elle.

De 2017 à 2021, 11 massacres ont été perpétrés par des gangs armés dans le pays, dont 3 à Bel Air en moins de deux ans, rappelle le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh).

Il faudrait des mesures de protection légale, qui reposent sur les attributions du Ministère de la culture, comme c’est le cas dans d’autres pays et dans des « zones de protection de patrimoine urbain et paysager », recommande l’artiste plasticienne Barbara Prézeau-Stephenson.

Ces dispositions empêcheraient les gens de venir construire n’importe comment dans la zone et de détruire le patrimoine du quartier historique de Bel Air.

« Le patrimoine de Bel Air, de manière générale, devrait être protégé, particulièrement le patrimoine immatériel », qui est constitué de tout ce que les gens apportent dans la zone, comme leurs connaissances, explique-t-elle.

À travers une enquête, effectuée en 2008 et publiée en 2010, à travers le livre « Guide répertoire des artistes et artisans du Bel Air », près de 3,000 artistes et artisans ont été dénombrés au Bel Air.

Dans le quartier historique de Bel Air, se retrouvent également une cinquantaine de métiers, comme les ébénistes, sculpteurs de bois, charpentiers, couturières et tailleurs, cordonniers, bijoutiers, entre autres, basés sur un système d’apprentissage traditionnel peu valorisé en Haïti.

Bel Air est aussi ce quartier, qui abrite une grande concentration de péristyles (temples du vodou ayisyen) représentant, en quelque sorte, des « musées ».

Certains d’entre eux, dont le Lakou Basquiat, l’ancien temple Sylvia Joseph, ont suscité l’attention des universités étrangères pour des financements et également pour des séminaires et autres sessions de formation.

Le vodou, pratiqué dans la zone de Bel Air, est différent du vodou de la paysannerie.

« C’est un vaudou urbain : la disposition de l’espace, le rituel, la danse et le son ont tous été différents du vodou pratiqué en milieu rural », signale Barbara Prézeau-Stephenson.

C’est également au Bel Air que se trouve « le plus ancien établissement d’enseignement laïc de toutes les Caraïbes : le Lycée Alexandre Pétion. C’est le premier exemple républicain, d’enseignement indépendant... », souligne la spécialiste en patrimoine.

Barbara Prézeau-Stephenson souhaite également des fouilles archéologiques au quartier historique de Bel Air, « pour découvrir des traces de notre histoire ». [mj emb rc apr 06/04/2021 16:10]