Transmis à AlterPresse le 29 mars 2021
Bruxelles, le 29 mars 2021
Communiqué de la CoEH à l’occasion du 34e anniversaire de la Constitution haïtienne
La Coordination Europe Haïti (CoEH) veut exprimer sa plus profonde inquiétude face au projet de M. Jovenel Moïse de préparer, pour le peuple haïtien, une nouvelle Constitution dans des conditions totalement contraires aux prescrits de la Charte fondamentale d’Haïti, adoptée massivement en 1987 par les citoyennes et citoyens de ce pays.
La CoEH s’inquiète du fait que cette initiative vient d’un président décrié, dont le mandat a pris fin le 7 février 2021, selon de nombreux secteurs importants de la société haïtienne. Notre inquiétude est d‘autant plus grande que nous constatons que les Nations unies (l’Organisation des Nations unies / Onu), à travers leur mission actuelle en Haïti (le Bureau intégré des Nations unies en Haïti / Binuh), sont en train de travailler aux côtés du comité, mis en place par M. Moïse, pour rendre effectif ce projet, au mépris des principes fondateurs de l’Onu, qui consacrent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et l’interdiction d’intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État [1].
En tant que plateforme européenne de plaidoyer sur Haïti, composée de plusieurs organisations travaillant directement ou indirectement avec des partenaires haïtiens, depuis de nombreuses années, nous avons été témoins de la mobilisation, en 1987, du peuple haïtien, pour voter une nouvelle Constitution après la chute de la dictature des Duvalier. Nous sommes aussi témoins des nombreux efforts, qui ont été faits tout au cours des 34 années passées, pour défendre cette Constitution ou pour valoriser les acquis démocratiques qui y sont insérés, notamment les chapitres sur la protection des droits humains, la participation citoyenne, la décentralisation ou encore le contrôle des pouvoirs publics.
Certes, une Constitution peut être modifiée ou changée complètement, si c’est la volonté d’un peuple. Cependant, nous ne comprenons pas cet empressement et cette participation active des Nations unies à vouloir, coûte que coûte, modifier, dans l’illégalité la plus totale, la charte fondamentale d’Haïti, à travers un référendum prévu en juin prochain.
La CoEH rappelle que, dans une note rendue publique le 28 janvier 2020, sur la présence et le mandat du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh), dans le cadre d’une rencontre du Conseil de Sécurité des Nations unies sur Haïti, plus d’une quinzaine d’organisations haïtiennes, travaillant dans différents secteurs, avaient dénoncé l’inscription, dans le mandat du Binuh, d’une clause visant à réformer la Constitution haïtienne.
« Les organisations s’inquiètent quant au fait que la lettre [2] du Secrétaire Général Antonio Guterres, en date du 13 mai 2019, prévoit un appui du Binuh à la réforme constitutionnelle du Gouvernement haïtien [3]. ….. Les Organisations de la société civile (Osc) haïtiennes mettent en garde contre un possible appui des Nations unies à cette réforme constitutionnelle, au moment où les institutions démocratiques du pays sont dysfonctionnelles et le président de la république très décrié », pouvait-on lire dans ce texte.
La CoEH dénonce ce positionnement des Nations unies, qui, par cette disposition vis-à-vis de la Constitution, va contribuer à aggraver la crise politique en Haïti. Elle invite l’Onu à se ressaisir et à cesser de supporter en Haïti des stratégies, qui renforcent les exclusions sociales et la discrimination.
Au lieu d’investir dans cette réforme à marche forcée de la Constitution haïtienne, la CoEH demande à l’Onu de se montrer solidaire du peuple haïtien, dans sa lutte contre la corruption, les violations de droits humains, l’impunité et les inégalités sociales, et d’œuvrer en Haïti pour une société plus juste, plus inclusive et plus équitable.
Claude Mormont
Coordinateur CoEH
info@coeh.eu