Lettre ouverte de la Conférence haïtienne des religieux (Chr) à Jovenel Moïse à l’occasion du 38e anniversaire de la visite du Pape Jean Paul II en Haïti
Document transmis à AlterPresse le 8 mars 2021
Cher compatriote,
Dans la dernière note, en date du 2 février 2021, émanant de la Conférence des évêques d’Haïti (CEH), la situation insoutenable du pays a été évoquée en des termes que voici : ‘’Le pays est au bord de l’explosion ; le quotidien du peuple, c’est la mort, les assassinats, l’impunité, l’insécurité. Le mécontentement est partout, dans presque tous les domaines. Beaucoup de sujets fâchent, comme : la manière d’établir un Conseil électoral provisoire, la manière de rédiger une autre Constitution, etc. Ce ne sont pas uniquement les ravages du kidnapping qui rendent le pays totalement invivable’’. Dans cette même note, les pasteurs rondement consternés et préoccupés vous ont fait un appel solennel à la cohérence, à la grandeur et à la noblesse en appliquant pour vous-même les mêmes principes constitutionnels que vous avez appliqués pour les députés et sénateurs. Vous avez été clairement invité à vous hisser aux exigences du moment et à poser le geste (ou les gestes) qu’il faut », lit-on dans la lettre ouverte de la CHR à Jovenel Moïse.
Aujourd’hui encore, le tableau ne fait que s’assombrir. Aucune décision sérieuse n’a été prise pour alléger les souffrances du peuple ni pour le protéger contre les assauts de tous bords. La seule chose qui semble vous intéresser, c’est de boucler à tout prix un soi-disant mandat au grand mépris des revendications ô combien légitimes de tout un peuple. L’on se demande perplexe : à quoi cela sert-il de s’accrocher au pouvoir de façon même illégitime ou illégale quand plus de la moitié de sa population vit dans l’insécurité alimentaire chronique ? Pourquoi vouloir à tout prix prolonger ou terminer un semblant de mandat sans pouvoir garantir la sécurité des vies et des biens, la libre circulation des personnes ? À quoi sert un président ou un gouvernement incapable de stopper le train de la mort qui sème le deuil au sein de la population au quotidien ?
M. Moïse, comme religieux et religieuses, intervenant dans tous les domaines de la vie du peuple et dans les endroits les plus reculés et difficiles du pays où l’État, soit par manque de moyens, par incompétence, ou par mauvaise foi, n’arrive pas ni ne manifeste l’intention d’y aller, nous sommes les témoins privilégiés de la misère de notre peuple. Vous semblez malheureusement ignorer cette misère. Forts et fortes de nos expériences et de notre mission prophétique, nous sommes venus, en cette date qui nous rappelle le 38e anniversaire de la visite du pape Saint Jean Paul II, vous rappeler ces mots célèbres de l’Église en Haïti d’alors et repris à son compte dans son homélie de circonstance : ‘’Il faut que quelque chose change ici et que les pauvres de toutes sortes se reprennent à espérer !’’
Trente-huit longues années après cette visite du pape, les germes de mort semblent aujourd’hui l’emporter sur les germes de vie. Le pays se meurt, la population est aux abois, l’insécurité est galopante, les plus pauvres n’en peuvent plus, la population est dans un désarroi qui frise le désespoir, le pays n’est plus dirigé. Nous sommes à la fois témoins et victimes de trop de crimes, trop d’injustices et d’inégalités.
Face à cet état de fait, face au constant processus de déshumanisation de tout un peuple, vous ne sauriez être un spectateur de plus. Au-delà des mensonges légendaires et des justifications grossières, votre responsabilité dans cette descente aux enfers est entière et vous avez le devoir de donner des réponses célères et concrètes aux demandes du peuple, dont la première consiste à respecter les lois de ce beau pays.
Nous vous prions, M. Jovenel Moïse, d’accepter nos patriotiques salutations.
Pour le bureau,
P Eric Jasmin CSC
Président de la CHR
Lettre ouverte de la Conférence haïtienne des religieux (Chr) à Jovenel Moïse à l’occasion du 38e anniversaire de la visite du Pape Jean Paul II en Haïti