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Solidarité avec le peuple haïtien : Non à l’État de non-droit en Haïti

Par France Amérique latine (Fal)

Transmis à AlterPresse le 18 février 2021

France Amérique Latine alerte l’opinion publique française, les médias et les pouvoirs publics, sur la situation gravissime à laquelle est confrontée le peuple haïtien.

Depuis des semaines, les Haïtiennes et Haïtiens sont dans la rue pour dénoncer la volonté du président Jovenel Moïse de passer outre l’ordre constitutionnel pour consolider son pouvoir, portant ainsi atteinte à l’État de droit dans le pays, comme le dénoncent de très nombreux organismes internationaux.

Nous en appelons au gouvernement français et à l’Union européenne (Ue) pour condamner les récents actes du président de facto Jovenel Moïse, qui ont aggravé la crise constitutionnelle.

Récemment encore, dans un communiqué, les structures des droits humains de trois grandes universités américaines – Harvard Law School, NYU School of Law, Yale Law School – ont conclu, après analyse des textes de loi et de la Constitution de 1987 amendée, que « le mandat de Jovenel Moise est largement considéré comme terminé le 7 février 2021 ».

Le Président Jovenel Moise a, tout au long de sa présidence, systématiquement sapé tous les organismes gouvernementaux destinés à contrôler l’exercice du pouvoir. Il a gouverné par décret pendant plus d’un an, le mandat de la plupart des députés ayant pris fin sans que Moïse ne présente une loi électorale pour faciliter l’élection de ses remplaçants. Suite à l’expiration des mandats de tous les maires du pays, Moïse est désormais l’un des 11 seuls dirigeants élus en fonction.

Au-delà de cette dimension institutionnelle, le président met à mal les droits Humains dans le pays en ordonnant, en novembre 2021, la création d’une agence nationale de renseignement dans le but de criminaliser les formes de protestation pacifique. Le président s’en est même pris à un juge de la Cour de cassation, Yvickel Dabrézil, placé cinq jours durant en détention, et finalement libéré suite à la protestation unanime des magistrats.

Tout ceci alors que le pays souffre depuis plus d’une décennie, d’une crise sociale, économique et politique sans fin, qui va de pair avec le pillage de ses ressources et la corruption de ses élites.

Nous soutenons l’appel lancé, à plusieurs reprises, par la société civile haïtienne à la mise en place d’un gouvernement de transition pour organiser les élections.

Nous répondons à l’appel de solidarité pour peuple en danger, comme celui lancé par Lyonel Trouillot, écrivain, professeur de littérature française et créole à Port-au-Prince, qui alerte « sur des actes de répression et d’intimidation perpétrés par un pouvoir fou et illégal » et dénonce « cette dictature qui veut s’installer dans son pays ».

Il est urgent que la nouvelle administration Biden mette fin aux pressions exercées par son prédécesseur sur les Haïtiens, pour qu’ils consentent à un processus électoral inconstitutionnel, et apporte son soutien à la démocratie et aux droits humains, en condamnant les attaques de Moïse contre les institutions constitutionnelles d’Haïti.

Nous exhortons le gouvernement français et l’Union européenne à prendre les mesures suivantes :

- Exiger la libération immédiate de ceux qui sont toujours arbitrairement détenus, en relation avec les arrestations du 7 février 2021, et condamner les récentes violences contre les manifestants et les journalistes ;

- Affirmer clairement le droit du peuple haïtien à l’autodétermination ;

- Rejeter le référendum inconstitutionnel ;

- Réaffirmer le droit de manifester pacifiquement et demander à Jovenel Moïse et aux forces de sécurité haïtiennes de respecter ce droit ;

- Exiger une enquête internationale et des sanctions pour les responsables des graves violations des droits humains, qui auraient été commises par le gouvernement ou avec son soutien ;

- Arrêter tous les vols de déportation et d’expulsion Titre 42 vers Haïti, à la lumière de la crise constitutionnelle, des troubles nationaux et des bouleversements politiques qui s’intensifient chaque jour.

Paris, le 15 février 2021

Fabien Cohen,

Secrétaire général de France Amérique Latine (Fal)