Español English French Kwéyol

Haïti : État de siège et violation systématique des droits civils et politiques de la population : Le Rnddh exige le respect de la Constitution haïtienne

Par le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh)

Transmis à AlterPresse le 10 février 2021

1. Depuis quelque temps, des actes illégaux et arbitraires sont perpétrés dans le pays par des individus à la solde du désormais ancien président de la République d’Haïti, Jovenel MOÏSE, dans l’objectif évident de semer la terreur au sein de la population haïtienne et d’instaurer l’état de siège ;

2. En effet, le 6 février 2021, soit la veille de la fin du mandat constitutionnel de l’ex-président Jovenel MOÏSE, des agents de la Police nationale d’Haïti (Pnh) se sont rendus à la résidence de Ralph Youry CHEVRY, ancien maire de Port-au-Prince et membre actif de l’opposition, et ont défoncé sa barrière à l’aide d’un véhicule de la Pnh ; Quelques jours plus tôt, il avait été, selon les déclarations faites au Rnddh, invité à la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj). Suite à son audition, il avait été invité à rentrer chez lui ;

3. Le 7 février 2021, une violation de domicile, perpétrée à la Résidence Petit Bois, à Tabarre, par des agents de l’Unité de sécurité générale du Palais national (Usgpn) – accompagnés du ministre de facto de la Justice et de la Sécurité Publique, Rockfeller VINCENT, du directeur général a.i. de la Police nationale d’Haïti (Pnh), Léon CHARLES, du responsable de l’Usgpn, le commissaire de police Dimitri HERARD, du Commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets, Maître Elder GUILLAUME, du juge de paix de la Croix-des-Missions, Maître Jean FLORESTAL, et du commissaire du gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Maître Bed-Ford CLAUDE – a débouché sur l’arrestation de dix-huit (18) prisonnières et prisonniers politiques, dont un Juge à la Cour de Cassation, Maître Yvickel Dieujuste DABRESIL ;

4. Au moment de l’arrestation illégale et arbitraire du magistrate Yvickel Dieujuste DABRESIL, les agents de l’Usgpn, qui opéraient, lui ont demandé l’adresse de Louis Pressoir JEAN PIERRE et de Joseph Mecène JEAN LOUIS, deux (2) autres Juges à la Cour de Cassation ;

5. Dans la journée du 7 février 2021, tout groupe de personnes était systématiquement dispersé par la Police nationale d’Haïti (Pnh) à coups de gaz lacrymogène ou de tirs d’armes automatiques.

Ces faits ont été enregistrés à Port-au-Prince, au Carrefour de l’aéroport, baptisé Kafou Rezistans, au Champ de Mars, à Lalue ainsi que dans certaines villes de province ;

6. Le 8 février 2021, après la désignation du magistrat le plus âgé de la Cour de Cassation, Joseph Mecène JEAN LOUIS, à titre de président provisoire de la République d’Haïti, les barrières de la Cour de Cassation et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj), où se trouve aussi localisée l’École de la Magistrature, ont été cadenassées et des agents de l’Unité de sécurité générale du Palais national (Usgpn), déployés devant ces locaux ;

7. Toujours le 8 février 2021, par arrêté présidentiel, l’ancien président Jovenel MOÏSE et son équipe de facto ont décidé de mettre à la retraite trois (3) magistrats de la Cour de Cassation, tous trois (3) détenteurs de mandats en cours d’exécution. Ce qui, selon l’article 177 de la Constitution haïtienne, les rend inamovibles. Il s’agit des magistrats et magistrate :

• Yvickel Dieujuste DABRESIL, cinquante-quatre (54) ans ;

• Wendelle COQ THELOT, née le 25 juin 1966, âgée de cinquante-cinq (55) ans ;

• Joseph Mecène JEAN LOUIS, né le 6 mars 1949, âgé de soixante-onze (71) ans.

8. Le même jour, parallèlement, des citoyennes et citoyens, qui manifestaient au Champ de Mars, ont été brutalisés par des agents de l’Unité départementale pour le maintien de l’ordre (Udmo). De plus, des individus lourdement armés, se réclamant des Forces Armées d’Haïti (FAD’H) ont tiré à balles létales de leur quartier général étant, en direction des manifestantes et manifestants Au moins deux (2) journalistes, qui couvraient l’événement, ont été blessés. Il s’agit de :

• Jean Ril MEUS, journaliste de Télé PAM, un média en ligne et de Radio Intrépide Canada, a été atteint d’une (1)balle au ventre. Le jour-même, il a subi une intervention chirurgicale pour extraire la balle de son corps. Cependant, vu l’état de son foie, il doit subir une deuxième opération dès que son état physique le permettra ;
• Alvarez DESTINE, journaliste de BCN Télévision et d’un média en ligne Actualités Locales, a reçu une(1) balle au bras droit. La balle est ressortie. Il a été soigné le même jour. Cependant, ses médecins craignent une complication de son état de santé.

9. Le 8 février 2021, dans l’après-midi, un avis de recherche a été émis par la Dcpj à l’encontre de l’ancien maire de Port-au-Prince Ralph Youry CHEVRY.

10. Les faits ci-dessus énumérés démontrent clairement que le président de facto Jovenel MOÏSE et son équipe ont instauré l’état de siège dans le pays, ce qui est inadmissible. Car, en plus de la terreur palpable, qui caractérise la situation actuelle, ils s’attaquent avec virulence au pouvoir judiciaire haïtien, qu’ils veulent museler par tous les moyens.

11. Le Rnddh dénonce aussi, avec la plus grande véhémence, l’arrêté, pris en date du 8 février 2021 par l’ancien président de la République, Jovenel MOÏSE, par lequel il entend mettre à la retraite les juges de la Cour de Cassation, Mes Yvickel Dieujuste DABRESIL, Wendelle COQ THELOT et Joseph Mecène JEAN-LOUIS.

12. Le Rnddh rappelle qu’en vertu du principe de la hiérarchie des normes, un arrêté ne saurait avoir la primauté sur la Constitution haïtienne, loi-mère du pays, dont l’article 177 prescrit les conditions, dans lesquelles les juges de la Cour de Cassation, des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance peuvent être mis à la retraite.

13. Le Rnddh en profite pour faire remarquer, à l’attention de toutes et de tous, que Jovenel MOÏSE est en train d’usurper la fonction de président de la République, pour ne l’être plus depuis le7 février 2021, date à laquelle son mandat constitutionnel est arrivé à terme. Par conséquent, il n’a aucune qualité, à compter du 7 février 2021, pour engager la nation, publier des arrêtés dans le journal officiel, ni entraîner le pays dans l’arbitraire, comme il le fait.

14. Enfin, le Rnddh invite encore une fois la population haïtienne à rester vigilante, en vue de protéger ses acquis démocratiques, actuellement en péril.

Port-au-Prince, le 9 février 2021