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Haïti : La population dans l’incertitude à la fin constitutionnelle du mandat du président Jovenel Moïse

Le pouvoir dénonce une supposée tentative de coup d’État, que le secteur des droits humains qualifie de mise en scène

P-au-P., 07 févr. 2021 [AlterPresse] --- Un calme tendu prévaut à travers le pays, ce 7 février 2021, qui marque, la fin du mandat constitutionnel du président Jovenel Moïse, selon le constat des juristes et diverses institutions, alors que le chef de l’État revendique un an supplémentaire au pouvoir, observe AlterPresse.

Port-au-Prince, la capitale, est pratiquement une ville morte, et c’est la même situation dans beaucoup d’autres villes de province où les activités sont paralysées, la circulation automobile et piétonne extrêmement réduite.

La population se terre chez elle, craignant d’être victime de la volatilité ambiante. Quelques tentatives de manifestations à la capitale ont été étouffées dans l’œuf par la police, à coups de gaz lacrymogène, rapportent des riverains à AlterPresse.

Les dernières informations officielles font état du déplacement tôt dans la matinée du président Moïse vers Jacmel (Sud-Est d’Haïti), où sont prévues des activités carnavalesques.

Avant de prendre l’avion, Jovenel Moïse a fait savoir qu’il a failli être victime d’un supposé complot pour attenter à sa vie, et on apprend de source officielle qu’une vingtaine d’arrestations ont été opérées à Port-au-Prince.

Parmi les personnes arrêtées, figurent Me. Yvikel Dabresil, juge à la Cour de Cassation, Marie-Louise Gauthier, inspectrice générale de la police et l’ingénieur-agronome Louis Buteau.

Le juge Jean Wilner Morin, de l’Association nationale des magistrats haïtiens (Anamah) préfère parler d’ « enlèvement et séquestration » de son confrère Dabresil, qui, affirme-t-il, a été maltraité par des policiers, avant d’être incarcéré à la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj).

Le professeur Pierre Buteau, président de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, n’a aucune nouvelle non plus de son frère, un ingénieur-agronome à la retraite, qui participait à une réunion à caractère politique, a-t-il indiqué à AlterPresse.

Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains Rnddh), qualifie de « répression » et de « mise en scène » les opérations mises en œuvre par le pouvoir, alors que, souligne-t-il, le mandat constitutionnel du président a pris fin.

Jusqu’à la veille du 7 février 2021, des institutions du pays continuaient à se prononcer sur la fin constitutionnelle du mandat de Jovenel Moïse.

Aucune « ambiguïté » en ce qui concerne la fin du mandat du président Jovenel Moïse, selon une résolution du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire en date du 6 février 2021 et signée par 5 membres sur 6, la structure étant pour le moment amputé d’un tiers de ses membres, en instance d’être régulièrement remplacés.

Le mandat de Jovenel Moïse doit prendre fin le 7 février 2021, constate la Fédération des barreaux d’Haïti (Fbh), se référant aux « dispositions de la Constitution du 29 mars 1987, amendée par la Loi constitutionnelle du 9 mai 2011 ».

La Conférence épiscopale (catholique romaine) d’Haïti, dans une message, en date du 2 février 2021, rappelle à Jovenel Moïse combien « la loi est une pour tous. Aucune littérature et aucun justificatif juridique ne sont nécessaires ».

Cette position est partagée également par l’Association nationale des médias haïtiens (Anmh), la Conférence des pasteurs haïtiens (Copah), le Conseil national spirituel des Églises d’Haïti (Conaspeh) et la Fédération des pasteurs haïtiens (Fepah).

« Le temps d’une transition démocratique conduite par les Haïtiens, c’est maintenant », indiquent, dans une correspondance, en date du 6 février 2021, au secrétaire d’État américain Anthony Blinken, les congressmen Gregory Meeks, président de la commission des affaires étrangères au Congrès, Albio Sires, président du sous-comité de l’hémisphère Ouest, Yvette D. Clarke, Andy Levine, Ilhan Omar, Alcee L.Hastings et Darren Soto.

« Comme membres du Congrès, nous croyons profondément dans la démocratie et le règne de la loi, et nous ressentons qu’il est essentiel que les États-Unis d’Amérique rejettent sans ambiguïté toute tentative du président Moïse de se maintenir au pouvoir, en violation de ces principes », écrivent-ils.

Plusieurs regroupements d’organisations interrégionales, dont la Conférence permanente des partis politiques d’Amérique latine et des Caraïbes (Copppal) et le groupe de travail « Crise, réponses et alternatives dans la Grande Caraïbe » (Clasco), demandent à la communauté internationale de soutenir le peuple haïtien pour faire respecter la fin du mandat constitutionnel, le 7 février 2021, de Jovenel Moïse.

Différentes organisations nationales et internationales mettent en garde contre l’imminence d’un bain de sang en Haïti.

« Dans quelques jours, la calamité sera pire, et elle se répandra au-delà des frontières d’Haïti. Ce choc peut engendrer une autre crise d’immigration », alerte, dans une correspondance à l’administration Biden/Harris, aux législatrices et législateurs américains, le Réseau national des élus haïtiens-américains. [apr 07/02/2021 16:00]