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Politique : Suspense en Haïti, à quelques heures du 7 février 2021

Par Ronald Colbert

P-au-P, 06 févr. 2021 [AlterPresse] --- Avec des montées de tension, çà et là, en divers endroits, sur le territoire national, la population en Haïti est dans l’attente de ce qui va se passer, dans quelques heures, ce dimanche 7 février 2021, qui marque la fin du mandat de président de Jovenel Moïse, selon la Constitution (article 134.2), observe l’agence en ligne AlterPresse.

« C’est le compte à rebours…d’une période, que toutes et tous ne veulent plus subir…, mais entendent bannir à jamais », affirment beaucoup.

Comme à la fin du mois de janvier 2021, avant les 2 jours de grève générale de début février 2021, pour le respect de la Constitution et contre les actes de kidnapping, femmes et hommes de toutes les couches se sont efforcées de se ravitailler dans les marchés publics, épiceries, boutiques et supermarchés.

L’idée est de disposer, chez soi, d’un minimum de produits à manger, pour pouvoir survivre, durant les jours à venir, qui s’annoncent sombres.

A quelques heures du 7 février 2021, les zones, généralement très achalandées, ont été désertées, par crainte des turbulences politiques à venir.

Chacune et chacun prennent des dispositions, à leur niveau, pour faire face à toutes les éventualités, qu’ils ne maîtrisent pas forcément.

Faire en sorte de se trouver là où un minimum de contrôle peut être assuré… c’est le leitmotiv dans tous les quartiers, où les habitantes et habitants se partagent des consignes… pour les heures et jours à venir.

Des événements sont en cours, se préparent…

Malgré l’absence de courant électrique public, les gens s’efforcent de disposer d’appareils de radio, fonctionnant avec des batteries, pour s’informer sur l’évolution de la situation.

Parallèlement, ils tâchent de maintenir des contacts avec des proches et amis, à travers les réseaux sociaux, pour se renseigner sur ce qui se passe dans divers espaces en Haïti.

Personne ne saurait prédire la nature de ce qui risque d’advenir dans les prochaines heures.

Des inquiétudes de sécurité sont formulées par de nombreuses personnes, qui devraient faire acte de présence, ce dimanche 7 février 2021, sur leurs lieux de travail (commerces, supermarchés, etc.).

Depuis plusieurs jours et semaines, divers organismes internationaux ont transmis à leurs employés des consignes de sécurité, dans la perspective des mouvements de protestations, attendus autour du 7 février 2021.

« Nous ne vivons pas une situation normale, contrairement à l’attitude de certaines autorités, qui nient que le pays fait face à des soubresauts découlant de l’amateurisme, de l’arrogance et d’une absence de gestion publique caractérisée », dénoncent la plupart des secteurs.

Dans cette réalité, le rôle et l’apport des médias dans l’information permanente de la population n’est pas négligeable.

Encore une fois, les femmes et hommes journalistes sont appelés à contribution, par leurs veilles, pour rendre compte des faits et porter, à la connaissance de toutes et de tous, les trames de ce qui est en cours… en Haïti, qui devrait avoir des répercussions sur la vie nationale à venir.

Les enjeux sont immenses.

C’est le destin d’Haïti, qui se joue.

Rien ne devrait être comme avant…

D’une part, la grande majorité de la population estime nécessaire d’en finir, une fois pour toutes, avec le régime politique, incarné par le Parti haïtien tèt kale (Phtk), qui n’a pas cessé d’instrumentaliser les institutions, en adoptant des comportements de plus en plus autoritaires, de répressions systématiques et de violations de droits humains.

D’autre part, Jovenel Moïse et son équipe, qui voudraient établir une autre Constitution, en dehors des prescrits de la Constitution en vigueur, et organiser des élections avec un collège électoral illégal et décrié, transformé, début octobre 2020, en collège électoral inconstitutionnel, déclarent qu’ils resteront au pouvoir jusqu’au 7 février 2022.

Les dits membres du Collège électoral ont été unilatéralement désignés par Jovenel Moïse, en dehors des prescrits de la Constitution.

Le mandat de Jovenel Moïse doit prendre fin le 7 février 2021, constate la Fédération des barreaux d’Haïti (Fbh), se référant aux « dispositions de la Constitution du 29 mars 1987, amendée par la Loi constitutionnelle du 9 mai 2011 ».

Plusieurs regroupements d’organisations interrégionales, dont la Conférence permanente des partis politiques d’Amérique latine et des Caraïbes (Copppal) et le groupe de travail « Crise, réponses et alternatives dans la Grande Caraïbe » (Clasco), demandent à la communauté internationale de soutenir le peuple haïtien pour faire respecter la fin du mandat constitutionnel, le 7 février 2021, de Jovenel Moïse.

Différentes organisations nationales et internationales mettent en garde contre l’imminence d’un bain de sang en Haïti.

« Dans quelques jours, la calamité sera pire, et elle se répandra au-delà des frontières d’Haïti. Ce choc peut engendrer une autre crise d’immigration », alerte, dans une correspondance à l’administration Biden/Harris, aux législatrices et législateurs américains, le Réseau national des élus haïtiens-américains.

Les pourparlers devraient commencer immédiatement entre le président sortant Jovenel Moïse et ses opposants politiques, pour désamorcer le conflit, espère le Réseau national des élus haïtiens-américains.

Des armes auraient été distribuées…pour contrecarrer les mobilisations antigouvernementales.

« Comme membres du Congrès, nous croyons profondément dans la démocratie et le règne de la loi, et nous ressentons qu’il est essentiel que les États-Unis d’Amérique rejettent sans ambiguïté toute tentative du président Moïse de se maintenir au pouvoir, en violation de ces principes. Le temps d’une transition démocratique conduite par les Haïtiens, c’est maintenant », indiquent, dans une correspondance, en date du 6 février 2021, au secrétaire d’État américain Anthony Blinken, les congressmen Gregory Meeks, président de la commission des affaires étrangères au Congrès, Albio Sires, président du sous-comité de l’hémisphère Ouest, Yvette D. Clarke, Andy Levine, Ilhan Omar, Alcee L.Hastings et Darren Soto.

Quoi qu’il en soit, le mécontentement tend à s’amplifier, sur le territoire national, contre des dirigeants qui n’ont donné aucun résultat concret, dans l’amélioration des conditions de vie en Haïti.

Au contraire, la situation est intenable et invivable, depuis plusieurs années.

Les leçons de la paralysie totale des activités, les lundi 1er et mardi 2 février 2021, à l’occasion de la grève générale, sur tout le territoire national, n’auraient pas été apprises…

Des officiels s’affichent ouvertement avec les cartels de gangs armés qui terrorisent la population. Alors que toutes les manifestations revendiquant en faveur du respect des droits humains (contre les actes de criminalité, incluant le kidnapping, entre autres) sont systématiquement réprimées, des unités de la Police nationale d’Haïti (Pnh) ont sécurisé, le vendredi 22 janvier 2021, au vu et au su de tout le monde, une démonstration, dans les rues de Port-au-Prince, de membres de gangs armés, contre qui elle avait déclaré avoir émis des avis de recherche.

Pour seulement le mois de janvier 2021, au moins 60 cas de kidnapping (enlèvements et séquestration de personnes), ont été recensés par le Centre d’analyse et de recherché en droits humains.

Aucune disposition institutionnelle n’est prise pour mettre fin au climat de terreur entretenue par les gangs armés.

« Nous demandons à ceux, qui ont la mission de veiller sur les vies et les biens, de garantir la sécurité de tous et de porter les escadrons de la mort à mettre de côté leurs armes, afin que le kidnapping et l’insécurité soient à jamais bannis sur la terre d’Haïti », a exhorté la Conférence épiscopale (catholique romaine) d’Haïti, dans une message, en date du 2 février 2021, rappelant à Jovenel Moïse, sur la fin de son mandat (le 7 février 2021), combien « la loi est une pour tous. Aucune littérature et aucun justificatif juridique ne sont nécessaires ».

La Conférence des pasteurs haïtiens (Copah), le Conseil national spirituel des Églises d’Haïti (Conaspeh) et la Fédération des pasteurs haïtiens (Fepah) invitent le peuple haïtien, en général, les chrétiennes et chrétiens, en particulier, à rester mobilisés, pour vaincre l’arbitraire et la dictature en Haïti.

Dans l’intervalle, à moins de 3 heures du 7 février 2021, à côté de tirs d’armes entendus, des mouvements de protestation, comprenant des concerts de casseroles, sont signalés en divers endroits… [rc apr 06/02/2021 21:15]