Port-au-Prince, 14 juin 2005, [AlterPresse] --- Tous les dirigeants qui se sont succédés à la tête de l’Etat d’Haïti depuis 1804 ne sont pas tous des corrompus ou des assassins, a déclaré la sociologue Michèle Oriol, lors d’une conférence, le 11 juin 2005, au siège social de la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), à Port-au-Prince.
« Il s’est passé dans le pays, durant ces deux cents ans des choses qui valent la peine d’être connues : il y a des hommes dont nous pouvons être fiers », a-t-elle indiqué lors de cette conférence tenue en marge de l’exposition « Chefs d’Etat en Haiti : Gloire et Misère » réalisée par la Fondation pour la Recherche Iconographique et Documentaire en partenariat avec les Archives nationales.
La conférencière s’est gardée d’imputer la responsabilité de la situation actuelle du pays aux anciens chefs d’Etat.
« Nous ne pouvons pas rejeter sur les hommes du passé la catastrophe que nous vivons aujourd’hui. Ce serait nier le poids considérable de l’individu, de l’histoire, et rejeter la responsabilité que chacun d’entre nous doit assumer aujourd’hui dans l’histoire au quotidien », a-t-elle dit.
Selon Michèle Oriol, de 1804 jusqu’à la fin du 19e siècle, les hommes qui ont pris les rênes de ce pays n’avaient pas de grandes fortunes. Elle a avancé que Dessalines, le père de l’indépendance d’Haïti, n’avait pas laissé d’héritage fructueux.
« C’est seulement vers la fin du 19e siècle qu’on voit arriver au fauteuil présidentiel des hommes du nord qui s’appuient sur un patrimoine foncier important et des investissements conséquents dans les industries qui sont en train de se créer dans le nord du pays. Florville Hyppolite, Tirésias Simon Sam, Nord Alexis, Tancrède Auguste, Cincinnatus Leconte, tous hommes du nord, propriétaires de magasins, d’industries dans le nord et à Port-au-Prince », a fait savoir la responsable de la Fondation pour la Recherche Iconographique et Documentaire.
Le 19e siècle haïtien a été surtout dominé par les militaires. De Dessalines à Tirésias Simon Sam, tous les présidents haïtiens avaient une carrière militaire et la plupart d’entre eux avaient une habitude de la gestion de la chose publique.
« Au 19e siècle, a-t-elle dit, il s’agit principalement de la carrière militaire. On a été officier supérieur, commandant de département, général en chef, chef d’Etat-major avant de devenir président ».
De l’avis de Michèle Oriol, « la plupart de ces militaires ont mené une carrière administrative comme Jean Pierre Boyer, diplomatique comme Lysius Salomon, politique comme François Denys Légitime ou ont été parlementaires, comme Alexandre Pétion. Une seule exception pour le 19e siècle, Sylvain Salnave, deux pour le 20e Jean Claude Duvalier et Jean Bertrand Aristide. A l’exception de ces trois, tous les présidents sont arrivés au pouvoir avec une habitude de la gestion de la chose publique, dans l’administration civile et militaire qui constitue un bagage de base indispensable ».
Selon Michèle Oriol, c’est à partir du 20e siècle que les civils commençaient par dominer la scène politique en Haïti. A titre d’exemple, elle a cité Michel Oreste (1913) qui était avocat du Barreau de Port-au-Prince.
Présent à la conférence, l’ambassadeur français Thierry Burkard, a évoqué deux grandes raisons traduisant, selon lui, la volonté de la France de s’intéresser à l’histoire des chefs d’Etat haïtiens. Le diplomate a cité le bâtiment abritant actuellement l’ambassade de France à Port-au-Prince, lieu où s’était réfugié le président Vilbrun Guillaume Sam, et la résidence du président Elie Lescot devenue le Manoir des Lauriers, lieu où habite aujourd’hui l’ambassadeur de France en Haïti.
Selon le diplomate Thierry Burkard, le président Lescot avait hypothéqué cette maison pour soutenir la candidature de son ami Juan Bosh aux élections présidentielles en République Dominicaine. Depuis, a-t-il ajouté, cette maison est occupée par l’ambassadeur français en poste à Port-au-Prince.
La recherche de Michèle Oriol s’arrête à 1986 avec la chute du régime des Duvalier. La gestion des autres équipes qui se sont succédées au pouvoir durant la période tumultueuse de 1986 à 2004 n’a pas été étudiée. [do gp apr 14/06/2005 09:15]