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13 novembre 2018 – 13 novembre 2020, il y a 2 ans la tuerie à La Saline, non loin du bord de mer de Port-au-Prince

Haïti : Exigeons justice pour les victimes du massacre de La Saline

Ce tableau, qui illustre le massacre de La Saline, est de l’artiste Joseph Eddy Pierre

Par le Regroupement des Haïtiens de Montréal contre l’Occupation d’Haïti (Rehmonco)

Soumis à AlterPresse le 23 novembre 2020

La nuit du 12 au 13 novembre 2020 ramène le deuxième anniversaire du massacre (13 novembre 2018) de La Saline, l’un des grands bidonvilles de Port-au-Prince.

Cette tuerie, que plusieurs organismes de droits humains locaux considèrent comme un massacre d’État, a fait au moins 70 morts. Plusieurs dizaines de femmes ont été violées et beaucoup d’enfants rescapés sont non seulement traumatisés, mais se retrouvent également orphelins de père, de mère ou des deux parents.

24 mois après, on attend toujours que justice soit rendue.

Loin d’être un accident, cet événement inaugure, en fait, une nouvelle ère de tuerie de masse, cautionnée par l’État haïtien. Comme à l’époque des Duvalier, la reproduction du statu quo, du système d’exploitation et d’exclusion du peuple nécessite une répression sauvage, qui se traduit par des massacres répétitifs, et aujourd’hui, ce sont particulièrement les quartiers populaires, qui en font les frais.

Depuis 2018, les quartiers de Bel Air, Tokyo, Cité Soleil, Carrefour, Martissant ont été régulièrement le théâtre, à ciel ouvert, de massacres de jeunes enfants, de vieillards, de femmes enceintes, etc. Malgré le caractère apparemment arbitraire de ces assassinats, l’objectif consiste à mettre fin à la mobilisation des classes laborieuses et des autres groupes opprimés.

En fait, comme dans tous les pays capitalistes, où les classes dirigeantes entendent conserver leurs privilèges et leur pouvoir de domination par tous les moyens possibles, l’État peut utiliser la violence la plus brutale pour reproduire le statu quo.

C’est le cas, par exemple, de l’État étasunien qui, confronté à une crise sociale majeure, fait montre de plus en plus de violence pour y faire face, violence qui prend la forme, non seulement d’une oppression de classe - dans la mesure où, malgré la situation critique sanitaire, les classes dominées sont dépourvues de soins adéquats et sont obligées de faire face au chômage et à la crise du logement, entre autres -, mais aussi d’une violence s’exprimant par une oppression de plus en plus accrue des minorités racisées. Le racisme systémique, qui, toujours, a été un élément organique du capitalisme étasunien, apparaît aujourd’hui au grand jour, prend la forme, comme avant, d’une violente répression policière, violence qui s’exerce quotidiennement et qui montre combien, dans ce pays, « la vie des Noirs ne compte pas ».

Ici, au Canada, la loi coloniale encore en vigueur, définissant le statut de l’ « Indien », relève d’une idéologie racialiste, reléguant les peuples des Premières Nations à une catégorie sociale inférieure. Loin d’être accidentelle, l’oppression raciale fait partie intégrante de l’ordre social capitaliste.

En Haïti, l’oppression revêt un caractère de classe.

Au cours de l’histoire récente du pays, les régimes militaires successifs ont perpétré des massacres, autant dans les quartiers précaires des grandes villes que dans la paysannerie. Ils se sont servis à la fois des forces répressives formelles et informelles, pour opprimer les masses laborieuses, les paysannes et paysans, et les membres de la petite bourgeoisie, qui osent mettre en question l’ordre social.

Toutefois, il importe aussi de mentionner que le courant libéral, qui se qualifie de « gauche » et qui, par sa rhétorique, a fait et continue de faire rêver les masses, porte une grande part de responsabilité dans la crise actuelle. Depuis 1994, année de la réinstallation du pouvoir Lavalas par l’armée étasunienne, les programmes de restructuration économique, imposés par le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale (Bm), sont devenus une partie intrinsèque de la politique de tous les gouvernements, qui, depuis, se sont succédé au pouvoir. Et cela, sans parler de l’utilisation ou l’instrumentalisation des gangs armés, pour maintenir la « paix sociale », tout au long de cette période.

Par ailleurs, la commémoration du massacre de La Saline coïncide à de nouvelles mesures d’expropriation et de dépossession des paysannes et paysans des départements du Nord et du Nord-Est d’Haïti. Paysannes et paysans sont manu militari dépossédées et dépossédés de leurs lopins de terre, au profit de compagnies transnationales agroalimentaires. L’État haïtien mobilise tout son appareil répressif pour les chasser de leurs terres. Depuis plusieurs mois, les forces de police et le personnel judiciaire ont déjà procédé à une véritable chasse aux sorcières, pour mettre fin à la résistance paysanne. Les rapports les plus conservateurs parlent de plusieurs dizaines de morts, alors que plusieurs mandats d’amener sont émis contre des leaders paysannes et paysans.

Il est important de souligner que cette répression, loin d’être l’apanage du pouvoir du Parti haïtien tèt kale (Phtk), répond plutôt à la mise en œuvre continue de la politique néolibérale, telle qu’elle a été imposée par les puissances impérialistes.

Malgré des discours mystificateurs de liberté et de droits humains, la tuerie de masse et l’oppression la plus brutale constituent les moyens, par lesquels les gouvernements assurent la défense des intérêts des capitalistes locaux et internationaux.

Soulignons également que le débat autour de la question de l’amendement de la Constitution, présenté comme le seul moyen de résoudre la crise actuelle, ne fait que renforcer l’illusion que les maux sociaux peuvent être résolus par une nouvelle jurisprudence. Cette approche, mise de l’avant notamment par la droite démocratique, soutient l’idée que l’État peut être changé de l’intérieur et qu’il suffit de mener la lutte sur le plan juridique. Approche tout à fait mystificatrice, puisque les luttes sociales sont perçues soit comme inutiles, soit comme perturbatrices de l’ordre social.

Pour nous, l’ordre capitaliste et particulièrement le néocolonialisme reposent structurellement sur la violence la plus brutale.

Aujourd’hui, il est impératif de construire le parti des travailleuses et travailleurs avec le support des forces progressistes, les organisations des paysannes et paysans, les résidentes et résidents des quartiers populaires, avec un programme clair de renverser l’État capitaliste. Les victimes de La Saline, les paysannes expropriées et les paysans expropriés, les travailleuses exploitées voire surexploitées, les travailleurs exploités voire surexploités en Haïti et ailleurs n’obtiendront justice qu’au prix de ce combat.

Il est inutile et même dangereux de croire que l’État capitaliste et néocolonial puisse être réformé.

L’avenir de notre pays dépend, plus que jamais, dans l’organisation des forces progressistes et révolutionnaires.

Pour authentification,

Renel Exentus,

Ricardo Gustave

Montréal, le 23 novembre 2020

Contact : rehmoncohaiti1915@gmail.com