P-au-P, 08 oct. 2020 [AlterPresse] --- Des membres du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu), dont la Russie et la Chine, soulignent une incapacité caractérisée de l’État, dans le contexte de crise actuelle en Haïti, lors d’une séance organisée, le lundi 5 octobre 2020, sous forme de visioconférence, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
« L’absence de dialogue intérieur a provoqué une véritable paralysie des autorités haïtiennes et l’incapacité de l’État à s’acquitter de ses prérogatives de base, en particulier la sécurité des citoyennes et ccitoyens haïtiens », relève la Russie.
Au cours de l’année de 2019, le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (Binuh) n’avait pas été en mesure d’accomplir pleinement sa mission d’accompagnement du dialogue politique national, estime la Russie, qui évoque un contexte national de crises multiples, aggravé par la pandémie de Covid-19 (le nouveau coronavirus).
La Russie fustige le comportement, jugé « menaçant », du Département d’État américain, qui condamne celles et ceux « qui ne partagent pas sa conception de la démocratie américaine ».
« Le dialogue législatif est l’unique moyen d’aller de l’avant, et la seule mission de l’Onu en Haïti doit être d’appuyer ce dialogue. Faute de quoi, le pays mettra encore des années à se relever ».
Appelant le gouvernement haïtien à « renforcer ses capacités de gouvernance pour être à la hauteur des attentes du peuple haïtien », la Chine pointe, pour sa part, une insuffisance dans les capacités de gestion des autorités haïtiennes.
Afin de garantir la crédibilité des résultats des prochains scrutins, les élections présidentielle et législatives devraient se réaliser conformément à la Constitution, souhaite la Chine.
La Chine exhorte les bailleurs de fonds à se concentrer sur les besoins et priorités d’Haïti, à savoir la réduction de la pauvreté et le développement socioéconomique.
Il n’existait pas de solution « externe » à Haïti, déclare la délégation chinoise, qui a aussi déploré le peu de progrès, réalisé en un an (de 2019 à 2020) par le Binuh.
« Il revient aux actrices et acteurs locaux d’assumer leurs responsabilités, et au Conseil de sécurité de l’Onu de réfléchir à la présence des Nations unies sur le terrain, en tirant les enseignements de son action au cours des dernières années ».
Vives préoccupations de l’Allemagne face à la résurgence de l’insécurité
Tout en étant préoccupée par la résurgence de bandes criminelles, l’Allemagne se dit « effarée » d’entendre que des protagonistes politiques et des gens d’affaires ont des liens avec ces gangs armés.
L’Allemagne encourage le gouvernement à continuer d’appuyer le plan de désarmement, démobilisation et réintégration, pour lutter contre la montée de la violence armée, sur le territoire national.
Tout en exprimant ses appréhensions face à « l’érosion des maigres ressources », allouées à la Police nationale d’Haïti (Pnh), ainsi que par la tendance croissante de polarisation des forces de police, notamment par l’apparition du groupe « Fantom 509 », composé d’anciens policiers, l’Allemagne insiste sur la responsabilisation des membres de la Pnh.
Se disant favorable à la prorogation du mandat du Binuh, à partir du 15 octobre 2020, l’Allemagne critique des progrès, jugés dérisoires, en matière de reddition des comptes, sur les scandales de corruption et de violations des droits de la personne.
L’Allemagne déclare apporter son soutien à l’idée de création d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains en Haïti.
De son côté, la France dit condamner fermement l’assassinat, le 28 août 2020, du bâtonnier de Port-au-Prince, Me. Monferrier Dorval, à Pèlerin 5, dans la même zone où habite le président Jovenel Moïse.
Ce crime reflète l’instabilité et la profondeur de la crise, dans un pays où la pandémie de Covid-19 pèse d’un poids supplémentaire, considère la France.
Face au caractère multidimensionnel de la crise, le Binuh, qui accompagne sans relâche les autorités depuis un an, est absolument essentiel au redressement politique, économique et social du pays, estime la France.
Plaidant en faveur d’une prorogation du mandat du Binuh, à partir du 15 octobre 2020, la France affirme réitérer son appui à la construction d’un environnement, propice à la stabilité et à la prospérité, auxquelles aspire « bien légitimement » le peuple haïtien.
Pour leur part, les États-Unis d’Amérique ont aussi exprimé leurs préoccupations, face aux violations répétées des droits humains, par des gangs armés, dans les communautés vulnérables à travers tout le territoire national.
Les États-Unis déclarent appeler le gouvernement haïtien « à protéger les citoyennes et citoyens les plus vulnérables, en mettant en œuvre une stratégie antigang globale, pour saper le soutien aux gangs et tenir les auteurs de violence et leurs complices responsables ».
Le système judiciaire haïtien devrait prendre des mesures concrètes pour ouvrir des poursuites judiciaires à cet égard. [emb rc apr 08/10/2020 13:10]