Communiqué de 9 organisations féministes en date du 14 septembre 2020
Document transmis à AlterPresse
Nommer les agresseurs quelle que soit leur position !
Les luttes féministes ont permis de percer des brèches dans le tabou des violences spécifiques envers les femmes. Pour tenter de bâillonner ce mouvement, des attaques sont continuellement lancées contre les organisations féministes qui plaident cette cause et contre les femmes qui osent dénoncer les violences subies. Ces attaques sont particulièrement virulentes lorsqu’un homme occupant une position de pouvoir est indexé.
M. Pradel Henriquez, ministre de la Culture, rejoint ouvertement les rangs de ceux qui prétendent imposer le silence aux femmes. Dans un texte, diffusé le 12 septembre 2020, sur sa page Facebook, le ministre défend un agresseur présumé —son ami et collègue M. Dangelo Néard, l’actuel Directeur général de la Bibliothèque nationale—, et attaque les femmes qui osent nommer leurs agresseurs ainsi que les organisations féministes qui accompagnent les femmes violentées. Le ministre voudrait faire passer les dénonciatrices pour un « laboratoire de femmes qui fabrique des accusations de viol ; et qui dispose de « fonds destinés à financer de faux témoignages de viol ». Le ministre va jusqu’à endosser la posture du juge d’instruction, qui conclut à un complot ourdi par des « délinquantes, des scélérates » et appelle la police judiciaire à « démanteler ce gang de faussaires ».
Avec sa diatribe machiste et antiféministe, M. Henriquez ne se comporte par comme un ministre. Il pense pouvoir, d’une part, porter atteinte à la crédibilité des organisations féministes et, d’autre part, intimider et dissuader les femmes qui veulent dénoncer leurs agresseurs. Apparemment, le ministre de la Culture ignore qu’en Haïti la mobilisation contre les violences envers les femmes date de l’occupation américaine (1915-1934), qu’avec la résurgence du mouvement des femmes, en 1986, les campagnes sont continuelles et, qu’en 1994, Haïti a ratifié la Convention interaméricaine contre les violences envers les femmes (Belém Do Pará). Et, par-dessus tout, le ministre voudrait occulter le fait que de plus en plus de femmes assument courageusement de nommer publiquement leurs agresseurs, quels qu’ils soient.
Les violateurs des droits des femmes se retrouvent dans tous les milieux sociaux.
L’origine sociale d’un agresseur ou ses liens avec une autorité politique ne sauraient rentrer en ligne de compte et certainement pas ôter le droit des femmes de les dénoncer.
En dépit des attaques pernicieuses, les féministes entendent résolument continuer à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, à contrer la masculinité toxique et à être solidaires des femmes violentées. Rompre avec le déni des violences masculines, en particulier les agressions sexuelles, reste et demeure essentiel dans la lutte pour le respect de la dignité des femmes.
14 septembre 2020
Pour authentification : Danièle Magloire, Porte-parole de Kay Fanm
Les signataires
1. Kay Fanm
2. Solidarite Fanm Ayisyèn (Sofa)
3. Fanm Deside
4. Asosyasyon fanm solèy d Ayiti (Afasda)
5. Rezo Fanm nan radyo kominotè ayisyen (Refraka)
6. Groupe d’appui au développement du Sud (Gades)
7. Fanm Yo La
8. Fondation Toya
9. Nègès Mawon
10. Sabine Manigat, féministe indépendante
Cette prise de position est appuyée par : Kettly Mars, autrice ; Evelyne Trouillot, autrice ; Antoinette Duclair, journaliste féministe ; Marijàn, organisation féministe.