P-au-P, 09 sept. 2020 [AlterPresse] --- La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (Cscca) assimile les récentes déclarations du président Jovenel Moïse sur l’institution à des menaces ouvertes contre les membres de son conseil, dans une note de clarification, publiée le mardi 8 septembre 2020 sur le site de la Cscca et dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Jovenel Moïse a présenté la Cscca comme une institution de blocage, qui empêcherait la réalisation de certains projets dans le pays, au cours d’une activité au Palais national, dénommée Dyalòg Kominotè, le dimanche 6 septembre 2020.
A cette activité du 6 septembre 2020, dénommée Dyalòg Kominotè, évoquant « de l’ignorance chez les membres de la Cscca », qui « ne savent pas composer avec l’État », le titulaire du Ministère des travaux publics, transports et communications (Mtptc), Nader Joiséus, a même souhaité la publication d’un décret, par Jovenel Moïse, pour modifier le décret du 23 novembre 2005, régissant la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.
« En quoi la Cour est-elle responsable de l’invalidité de ce projet de contrat ? Où sont les actes de blocage ? Qui bloque qui ou qui bloque quoi ? », se demande la Cscca.
« La Cour ne saurait se constituer en une entité de blocage des projets de développement au profit de la population haïtienne ».
La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif dénonce « l’inexactitude, l’équivocité ou la confusion » dans les déclarations du pouvoir exécutif, tout en estimant que ces autorités s’enlisent inconsidérément dans des démarches et des déclarations équivoques, qui frisent l’intimidation.
Ces déclarations vont à l’encontre des opérations de contrôle rigoureux, transparent et objectif de la Cour dans le cadre de ses attributions constitutionnelles et légales, ajoute-t-elle.
La Cour supérieure des comptes en profite pour apporter des précisions sur certains points, concernant les avis de conformité défavorables que la Cscca a émis sur les projets de contrats soumis par le pouvoir exécutif.
Selon la Cscca, divers motifs défavorables ont été retenus pour le projet de contrat, relatif à la construction de la centrale électrique à double combustible (diesel et gaz naturel) de 55.5 MW dans la commune de Carrefour (municipalité au sud de la capitale, Port-au-Prince).
Le projet de construction de la centrale électrique a été soumis à la Cscca, « pour avis de conformité, le 6 août 2020, en violation de ses propres termes, soit en cumulant quatre-vingt-dix-neuf (99) jours à partir de la date de départ et sans l’accord mutuel écrit entre les parties ».
C’est un « document frappé de nullité », qui a été présenté à la Cscca, pour avis, et qui a été quand même analysé globalement, malgré « la gravité du vice, relevé à l’article 2.4, qui aurait pu, à lui seul, fonder le rejet du projet et dans le but de permettre à l’État d’adresser d’un coup toutes ses préoccupations », explique la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.
Selon l’article 2.4 du projet, « dans le cas où la date de signature du contrat n’adviendrait pas avant la date d’expiration de l’offre négociée du 29 avril 2020 (soit 90 jours à compter du 29 avril 2020), le contrat sera donc nul et non avenu, à moins d’un accord mutuel écrit entre les parties, lequel pourra éventuellement s’accompagner d’une modification des conditions de l’offre du 29 avril 2020, prix et/ou calendrier ».
Plusieurs sections de ce projet de contrat d’électricité ont été entièrement écrites en Anglais, une langue que les agents publics, appelés à en assurer le suivi et le contrôle, ne sont pas obligés de maîtriser, souligne la Cscca.
Ce motif constitue une violation de la disposition légale, qui exige la traduction, par un expert assermenté, des documents rédigés dans une langue autre que les langues officielles de la république d’Haïti.
Pour les 29 contrats, passés entre l’État et des entreprises locales pour l’achat de masques de protection contre la pandémie de Covid-19 (le nouveau coronavirus), aucune disposition n’a été prévue pour le prélèvement de l’acompte de 2% au profit de l’État, précise la Cscca.
« Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Aucune exception, aucune augmentation, diminution ou suppression d’impôt ne peut être établie que par la Loi », suivant la Constitution en son article 219, cite la Cscca.
La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif réitère sa ferme détermination à respecter scrupuleusement les prescrits de la Constitution et d’autres instruments légaux et réglementaires, en vigueur sur les finances publiques. [mj emb rc apr 09/09/2020 14:05]