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Haiti : Le Conseil des Sages, préoccupé par la situation dus secteur des télécommunications

Avis émis par le Conseil des Sages le 24 mai 2005

Soumis à AlterPresse le 31 mai 2005

Le Conseil des Sages est vivement préoccupé par la situation actuelle du Secteur des Télécommunications dont l’intérêt stratégique pour le pays n’est plus à démontrer. En vu de s’imprégner de ce dossier d’importance nationale, le Conseil, a rencontré successivement les Directions du Conseil de Modernisation des Entreprises Publiques (CMEP) et du Conseil National des Télécommunications (CONATEL), le Secrétaire d’Etat aux Télécommunications et enfin la Direction des Télécommunications d’Haïti (TELECO). Suite à ces rencontres, le Conseil des Sages a pu dresser un certain nombre de constats et formuler des recommandations à l’intention du Gouvernement de Transition.

1. Le Conseil des Sages note, en premier lieu, l’absence d’orientation claire de la part du Gouvernement en ce qui a trait au rôle que doivent jouer les pouvoirs publics dans le Secteur des Télécommunications.

Le Conseil relève que les engagements pris par le Gouvernement, en lançant des appels d’offres pour l’octroi de nouvelles licences en téléphonie cellulaire, sont de nature à modifier sensiblement les données actuelles dans le Secteur des Télécommunications en Haïti.

La compagnie des Télécommunications d’Haïti (TELECO) est, à date, l’instrument dont dispose l’Etat haïtien dans le domaine des télécommunications. Selon son statut actuel, cette compagnie est détenue par un actionnaire très largement majoritaire, à savoir la Banque de la République d’Haïti (BRH), et par divers individus qui sont de très petits actionnaires.

Alors que de nouvelles licences sont en voie d’être attribuées, la TELECO continue à fournir un niveau et une qualité de service inacceptables à ses abonnés-es. Les services par câbles - dont la TELECO est actuellement l’unique fournisseur - constituent incontestablement un atout majeur pour la compagnie. Cependant, les infrastructures subissent une dégradation accélérée, sans que les nécessaires mesures de redressement soient résolument envisagées et adoptées. Cette situation est due, en grande partie, à une mauvaise gestion, aux trafics qui prévalent au sein de l’entreprise, à des problèmes de maintenance et à des opérations de vandalisme et de piratage. Or, ces infrastructures ont été acquises grâce à d’énormes investissements consentis par l’Etat, avec l’argent des contribuables. Et, c’est aussi grâce à l’existence de ces infrastructures que les opérateurs privés de téléphonie ont pu se positionner sur le marché haïtien.

Il est absolument indispensable de clarifier les relations entre la TELECO et les opérateurs privés de téléphonie. Les ambiguïtés qui prévalent conduisent à une utilisation abusive des infrastructures de la TELECO, sans véritable contrôle de l’Etat et avec la complicité de certains responsables de l’entreprise. Cette situation profite techniquement et financièrement aux opérateurs privés et nuit au développement de la TELECO qui ainsi, à terme, risque d’être voué à la disparition.

Il est également urgent de protéger le réseau de la TELECO des nombreux actes de vandalisme et de piratage, qui contribuent à aggraver l’image de déliquescence de la compagnie ce, au bénéfice des opérateurs privés.

2. Le Conseil des Sages ne se prononce pas ici sur l’opportunité ou non de changer le statut de la TELECO. Cependant, le Conseil insiste pour que le Gouvernement prenne les mesures qui s’imposent, afin que les opérateurs privés de téléphonie ne soient plus en situation de pouvoir systématiquement squattériser les infrastructures de la TELECO.

De telles mesures permettaient de valoriser les avantages techniques indéniables que comporte le réseau filaire dont dispose la TELECO, par rapport aux réseaux hertziens adoptés par les opérateurs privés. En tout état de cause, les choix opérés pour la TELECO doivent lui garantir un statut et un mode de gestion qui favorisent une reprise des investissements nécessaires au fonctionnement performant et à la croissance de l’entreprise.

3. Le Conseil des Sages déplore l’absence de débat sur le Secteur des Télécommunications et le fait que l’attention se focalise essentiellement sur l’attribution des nouvelles licences GSM. 

Le Conseil croit que les enjeux réels vont bien au-delà des technologies en tant que telles et que le rôle d’un Etat, qui aspire à être démocratique et entend s’inscrire dans le Droit et la modernité, est d’optimiser la portée des résultats pour le pays, en mettant ces technologies au service du développement humain. Cela implique de rechercher la meilleure formule pour allier durablement efficacité économique, accès du plus grand nombre aux réseaux de télécommunications et utilisation des nouvelles technologies comme support à une politique d’éducation massive et de lutte contre l’exclusion.

Le Conseil constate que les enjeux stratégiques ne guident pas les décisions actuelles. Tout au plus, ils sont évoqués sous forme de vœux pieux ou de slogans dans les déclarations de principe des responsables concernés.

4. Le Conseil des Sages réclame de la transparence dans le dossier des télécommunications.

La transparence doit d’abord se manifester dans l’information des citoyens-nes. Les populations sont en droit de savoir, sans être noyés dans des détails techniques, d’une part, la nature et la justification des différents accords passés entre l’Etat et les différents opérateurs privés de téléphonie et, d’autre part, les retombées de cette mise en place en terme de droit des usagers-ères.

La transparence doit également se traduire par le strict respect des règles légales en matière d’attribution de marchés publics.

Des rumeurs de corruption planent sur le dossier des Télécommunications. Le Conseil des Sages exhorte l’Exécutif à faire de ce dossier un symbole, attestant de sa volonté politique à faire de cette période de Transition un début de rupture avec les pratiques éhontées de passe-droit et d’enrichissement illicite des responsables de l’Etat, dans le contexte de la passation de marchés publics.

Port-au-Prince, le 24 mai 2005

Pour le Conseil des Sages
Christian Rousseau, Secrétaire Général