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Covid-19 : Des pistes pour une révolution numérique en Haïti

P-au-P, 09 juil. 2020 [AlterPresse] --- Des professeurs d’universités et avocats ont abordé la problématique liée à la révolution numérique, dans le contexte de la pandémie de Covid-19 (le nouveau coronavirus), en Haïti, lors d’un webinaire, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

Haïti n’est pas en mesure de créer une révolution numérique, après la pandémie de Covid-19, en raison des problèmes existants au niveau du système éducatif haïtien et de la réalité socioéconomique du pays.

Telle est la position exprimée par Luckny Zéphyr, détenteur d’un doctorat en opérations et systèmes de décisions à l’Université Laval (Canada), lors d’une intervention, ce jeudi 9 juillet 2020, à une conférence virtuelle sur le thème « Technologies numériques et intelligence artificielle dans le monde de l’après-Covid : Haïti face à la nouvelle normalité », organisée à Port-au-Prince, par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco).

« Si nous voulons faire la révolution numérique, nous devrons commencer par la révolution du système éducatif. Au niveau régional, nous sommes le pays, où les élèves passent moins de temps à l’école », insiste Luckny Zéphyr.

« Avant la pandémie de Covid-19, le système éducatif haïtien n’était pas approprié et l’université n’était pas à la hauteur de ses tâches. Dans le système, nous faisons face à des problèmes de qualification des professeurs ainsi que d’infrastructures, notamment dans les zones reculées du pays ».

Des professeurs sont sous-payés, ne sont pas payés à l’heure. Des professeurs ne viennent pas dispenser leurs cours à temps à l’université, parce qu’ils gèrent d’autres activités, déplore-t-il.

Pour arriver à une révolution numérique dans le système, il faut une responsabilisation de l’État dans l’éducation en Haïti, souligne le professeur Luckny Zéphyr.

Le taux d’investissement, dans le financement de l’éducation par l’État en Haïti, représente seulement 20%, contre 80% pour les ménages.

« L’État doit investir et surtout s’investir davantage dans l’éducation, en surveillant la qualité de l’éducation et en investissant ».

Critiquant le faible budget alloué à l’éducation en Haïti, alors que les outils technologiques sont payants, le docteur Zéphyr plaide en faveur d’une conscience numérique et de ses exigences.

Le numérique requiert de l’argent et nécessite également une amélioration des conditions socioéconomiques touchant la question de l’électricité.

Or, seulement 40.4% des habitantes et habitants ont accès à l’électricité en Haïti, selon le sixième volet de l’Enquête sur la mortalité, morbidité et l’utilisation des services (Emmus-VI 2016-2017), cite-t-il.

De plus, la population haïtienne est à 40% rurale, selon les données de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (Ihsi), en 2015.

L’intégration des outils numériques doit être vue comme un écosystème, plus qu’une question d’outil technologique. Elle est une interaction entre les outils et les actrices et acteurs, notamment l’État comme le premier acteur, la société et les écoles.

Les élèves, les étudiantes et étudiants doivent être au centre dans cet écosystème.

À partir de la crise sanitaire, due au Covid-19, Luckny Zéphyr conseille d’être flexibles, en matière d’éducation, et de changer les méthodes d’enseignement.

Quelques avancées

Après les divers épisodes de paralysie des activités dans le pays, l’utilisation du numérique a été généralisée dans le privé, notamment dans les écoles primaires et secondaires, relève, pour sa part, Me. Bernard Gousse, ancien titulaire (17 mars 2004 - 14 juin 2005) du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp).

« La loi sur les échanges électroniques de 2018 permet de valider ces échanges et de dire que les notes ont été reçues et les devoirs distribués ».

De plus, « il est prévu l’apparition prochaine d’un décret sur les entreprises commerciales, qui contiendra et précisera les moyens, par lesquels des entreprises commerciales peuvent tenir des réunions collectives, au niveau du conseil d’administration et d’assemblée générale de manière virtuelle ».

Nombreux sont les Haïtiennes et Haïtiens, qui se sont familiarisés à la banque en ligne, pour faire des transactions bancaires de manière virtuelle.

Au niveau de l’administration publique, des initiatives sont prises dans l’administration des douanes, pour le paiement des droits de douane, et à l’Office d’assurance véhicules contre tiers (Oavct), énumère Me. Gousse.

Selon le décret de 2016, les conseils des ministres peuvent se tenir de manière virtuelle. Ce décret donne le cadre légal d’une administration électronique.

Cependant, « cela doit s’accompagner d’une véritable réingénierie de toute l’administration publique, de toutes les procédures ... face aux administrés, pour éviter d’être confrontés à des problèmes », estime Bernard Gousse.

« Il existe des instruments, qui commencent à être appliqués, mais dont l’exploitation est insuffisante ».

Bernard Gousse dit espérer voir la crise sanitaire, due au Covid-19, servir d’opportunités, en vue de mettre en place des procédures ou des mécanismes, et de faire évoluer les normes relatives au numérique. [mj emb rc apr 09/07/2020 16:10]