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Santé/Covid-19 : Vers une reconnaissance de la médecine traditionnelle en Haïti

Pour une mise en valeur des capacités scientifiques et des productions locales

P-au-P, 09 juin 2020 [AlterPresse] --- Les recommandations du jury, relatives à la compilation et à l’évaluation de remèdes traditionnels, utilisés spontanément par la population haïtienne ou proposés par des fabricants de remèdes, dans le contexte de Covid-19 (le nouveau coronavirus), pourraient être un premier pas vers la reconnaissance de la médecine traditionnelle en Haïti, espère le professeur Fritz Deshommes, recteur de l’Université d’Etat d’Haïti (Ueh), qui intervenait, ce mardi 09 juin 2020, à l’émission FwoteLide sur AlterRadio 106.1 Fm.

Ces recommandations, qui seront faites à l’État haïtien, seront disponibles pour le Ministère de la santé publique et de la population (Mspp) ainsi que pour le public haïtien.

Le travail aura certainement une validation du Mspp. Il sera utile au public et à l’État « s’il veut les utiliser », souhaite le Rectorat de l’Université d’État d’Haïti (Rueh).

Le Rueh applaudit le communiqué du Mspp, daté du jeudi 4 juin 2020, qui promet de donner une attention spéciale à tous remèdes ou médicaments traditionnels, susceptibles de donner de bons résultats dans la prévention et le traitement de la pandémie de Covid-19.

Le Mspp avait aussi informé qu’aucune personne ni entreprise n’a reçu l’autorisation de vendre des médicaments, à base de plantes, pour combattre le virus Covid-19.

« Après le rapport du jury, nous pourrions encore mieux alimenter nos groupes de recherche sur les savoirs locaux et la médecine traditionnelle », pense Deshommes.

L’Ueh a déjà participé à un travail, au niveau des Caraïbes, à travers le Programme de recherche appliquée à l’usage populaire des plantes médicinales dans les Caraïbes (Tramil), où beaucoup de plantes ont été étudiées.

Dans le cadre de ces travaux, effectués sur la médecine traditionnelle, des remèdes sont déjà reconnus, mais ne sont pas utilisés de manière systématique en Haïti, contrairement à d’autres pays dans les Caraïbes, dont Martinique, Jamaïque, Trinidad, qui les utilisent de manière officielle.

L’essentiel du travail du jury consistera en une revue de littérature, liée à la question.

Le Rectorat de l’Ueh encourage le Mspp à utiliser le travail de Tramil, ces connaissances, pour valider les remèdes confectionnés sur cette base.

Ceci permettrait au Mspp d’importer moins de médicaments, tout en valorisant les capacités scientifiques et les productions locales.

« Sur le plan social, la valorisation de nos savoirs locaux et de notre médecine traditionnelle nous permettrait de vivre mieux dans la société, car ces connaissances sont détenues par des couches moins favorisées dans la société », estime le Rectorat de l’Ueh.

Si leurs connaissances sont valorisées, ces gens seront porteurs de savoirs mieux reconnus dans la société. Cette valorisation pourrait aussi leur apporter des opportunités, en termes de revenus supplémentaires.

« S’il y a un dialogue entre la science et les connaissances locales, cela mènerait vers un dialogue entre les diverses couches de la société. Ce qui pourrait diminuer nos instabilités, liées à l’absence de dialogue, de reconnaissance de la capacité de l’autre, et donner accès aux diverses opportunités disponibles ».

C’est une bonne chose que la population n’attend pas qu’on lui propose un remède. Mais, il est important que la population sache les composants de ces remèdes, la propriété des produits et les risques qui en découlent, pour éviter les effets secondaires, nuance le recteur Fritz Deshommes.

« Ils sont nombreux à faire des éloges pour l’armoise, mais il faut qu’ils sachent le dosage requis ».

Le jury, travaillant sur les remèdes traditionnels, sera supervisé par le vice-recteur à la recherche de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), le professeur Jacques Blaise.

La tâche du jury est de donner, dans un mois (d’ici juillet 2020), un avis scientifique et éthique sur les formules et recettes, utilisées ou mises en place pendant la période de Covid-19, précise le Rueh.

Le jury devra préciser les propriétés et éventuels effets secondaires des plantes, entrant dans la composition de ces recettes, et faire des recommandations à l’État et à la société.

Ce jury est composé de 5 membres, dont 3 professeurs de la Faculté de médecine et de pharmacie (Fmp) de l’Ueh, la biologiste Marilise Rouzier, le médecin et spécialiste en éthique Marc-Félix Civil, le médecin et virologiste Ernst Noël, ainsi que l’ingénieur agronome et spécialiste en nutrition animale Audalbert Bien-Aîmé et le chimiste Justin Casimir. [mj emb rc apr 09/06/2020 19:22]