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Haïti-Économie : Un budget rectificatif 2019-2020, plutôt axé sur le virus de Covid-19, mais non porteur économiquement, critique Énomy Germain

Des prévisions budgétaires totalement à l’opposé de la décentralisation, avec 96% de dépenses dirigées dans le département de l’Ouest (Port-au-Prince)

P-au-P, 09 juin 2020 [AlterPresse] --- Adopté, le vendredi 5 juin 2020, en Conseil des ministres, le nouveau budget rectificatif 2019-2020, évalué à un montant de 198,7 milliards de gourdes (Ndlr : US $ 1.00 = 117.00 gourdes ; 1 euro = 135.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.10 gourdes aujourd’hui), donne une part importante à la pandémie de Covid-19 (le nouveau coronavirus), analyse l’économiste Énomy Germain, interviewé par AlterRadio/AlterPresse.

« C’est un budget axé beaucoup plus sur la pandémie de Covid-19 que sur l’économie. En plus d’être un problème sanitaire, la pandémie de Covid-19 entraîne aussi des répercussions économiques importantes », souligne l’économiste Germain.

Pour la gestion du nouveau coronavirus, 17 milliards de gourdes sont prévues entre les mois de mars et septembre 2020. Il s’agit d’un montant de 160 millions de dollars américains, soit une dépense journalière de 800 mille dollars américains, pour faire face au virus de Covid-19.

« C’est une prévision relativement importante, par rapport au montant du budget.
Sur le plan économique, nous ne pouvons pas nous attendre à grand-chose de ce budget. Il se pose un problème économique, lié à l’insécurité alimentaire, au chômage, entre autres », considère-t-il.

La pandémie de Covid-19 devrait constituer une opportunité pour relancer l’agriculture. Cependant, les crédits budgétaires, qui sont accordés à l’agriculture, ont considérablement baissé (au niveau de 24%).

Sur des prévisions budgétaires de 89,3 milliards de gourdes de recettes domestiques, le gouvernement a déjà collecté 41,7 milliards de gourdes, du mois d’octobre 2019 au mois de mars 2020, révèle un document de la Banque centrale (Banque de la république d’Haïti / Brh).

Ces 41,7 milliards de gourdes ont été collectées dans une période, durant laquelle la crise sanitaire, due au virus de Covid-19, n’était pas encore présente.

Mais, la pandémie de Covid-19, qui est apparue au mois de mars 2020, a induit des baisses d’importation et d’exportation.

Cette situation a affecté les rentrées des touristes dans le pays ainsi que la branche de la sous-traitance, alors que le gouvernement de facto de Joseph Jouthe (du 4 mars 2020) tente de faire croire qu’il pourrait ramasser beaucoup plus d’argent, dans les 6 mois (restants de l’exercice fiscal 2019-2020), soit du mois d’avril au 30 septembre 2020.

Aussi, le budget rectificatif 2019-2020 ne serait-il pas « crédible ».

« Ce n’est pas vrai que le gouvernement arriverait à collecter 89,3 milliards de gourdes pour le semestre allant d’avril à septembre (2020) », estime l’économiste Énomy Germain.

La branche de l’énergie continue d’être une source de pauvreté pour le pays, alors que le gouvernement y avait annoncé un ensemble de réformes, à grand renfort de promesses en octobre 2019, au fort du « pays locked » (de la paralysie globale des activités sur le territoire national).

Aujourd’hui encore, 250 millions de dollars américains sont prévus pour financer l’électricité, notamment l’Électricité d’Haïti (Ed’h).

Le budget rectificatif 2019-2020, comme tout autre budget, depuis plusieurs années, ne vise pas la décentralisation, dans l’ensemble des crédits budgétaires alloués.

71% de l’ensemble des crédits budgétaires alloués sont concentrés dans le département de l’Ouest, où se trouve la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.

96% des crédits, attribués au fonctionnement de la machine administrative de l’État,
dans le budget rectificatif 2019-2020, sont dirigés dans le département de l’Ouest et seulement 4% vers les autres 9 départements géographiques.

Énomy Germain critique l’augmentation de 36.4% de cette enveloppe budgétaire, qui serait, selon lui, « une augmentation nominale et non réelle ».

Le budget 2017-2018, qui a été reconduit par rapport au taux de change de l’époque, était estimé à 2,2 milliards de dollars américains.

Le nouveau budget rectificatif 2019-2020 est évalué à 1,9 milliard de dollars américains, en prenant en compte un taux de change moyen.

« Ce qui signifie que la capacité d’intervention de l’État haïtien n’a pas véritablement augmenté. Au contraire, elle a diminué », relève l’économiste Énomy Germain.

Quant à la dépréciation de la gourde (par rapport au dollar américain), au temps de Covid-19, le niveau des importations a baissé. Ce qui explique que la gourde ne devrait pas être dépréciée d’une manière accélérée.

Parallèlement, les transferts d’argent ont baissé assez considérablement. Le niveau des exportations a aussi baissé. Quant au tourisme, il n’existe pas.

« Il est vrai que nous demandons moins de dollars pour le motif d’importation. Mais, l’offre du dollar a baissé considérablement sur le marché, en plus d’un déficit budgétaire, financé par la Banque centrale », signale l’économiste Germain.

« À date (juin 2020), le niveau de déficit budgétaire excède déjà le chiffre de 29 millilards de gourdes. Ce sont là des éléments, qui expliquent combien la gourde va continuer à être dépréciée face au dollar américain », anticipe l’économiste Énomy Germain. [mj emb rc apr 09/06/2020 11:42]