P-au-P, 25 mai 2020 [AlterPresse] --- Le fonctionnement de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (Hueh), le plus grand centre hospitalier du pays, communément appelé « l’hôpital général », basé à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, dépendrait de la bonne foi de certains médecins, dans cette période de crise sanitaire, due à la pandémie de Covid-19 (le nouveau coronavirus).
C’est ce que laisse entendre le Dr. Phillipe Desmangles, chef du service de traumatologie et d’orthopédie à l’Hueh, qui intervenait, ce lundi 25 mai 2020, à l’émission FwoteLide sur AlterRadio 106.1 Fm.
« Les médecins résidents et médecins de services ne sont pas nombreux à venir travailler. Celles et ceux, qui ont de la conscience, viennent ; d’autres, qui n’en ont pas, ne viennent pas ».
Seule la salle d’opération a été fermée par une décision du chef de service, après l’annonce de 3 cas de contamination au Covid-19 chez les médecins résidents.
Mais, « il n’y a pas de services fermés. Dans certains services, les médecins décident, tout simplement, de ne pas venir travailler, parce que d’autres ont prétendu avoir été contaminés à l’hôpital ».
Des matériels et équipements de protection, dont des gants, des lunettes, des visières, des blouses, des masques et du gel hydroalcoolique « Hand sanitizer » ont été distribués aux médecins, particulièrement à l’orthopédie, informe le Dr. Phillipe Desmangles.
« Si la personne n’en fait pas une bonne utilisation, elle peut toujours déclarer qu’elle a été contaminée, lors de son travail à l’hôpital, mais ce n’est pas prouvé ».
« À l’hôpital général, des gens cherchent de bons prétextes pour ne pas se rendre au travail. Ça a toujours été le cas. Quand ils ne viennent pas, ils cherchent des prétextes pour se justifier. Et maintenant qu’il y a le nouveau coronavirus, tout le monde prétend que c’est à cause du coronavirus ».
L’hôpital général n’est pas un centre de prise en charge de Covid-19. Donc, les médecins ne sont pas en première ligne, argue Dr. Desmangles.
Plaidoyer en faveur d’une meilleure prise en charge à l’Hueh
L’hôpital de l’Hueh a un déficit d’au moins 200 infirmières, déplore, par ailleurs, le chef du service de traumatologie et d’orthopédie à l’Hueh.
« On n’a aucune assurance que les patientes et patients reçoivent régulièrement leurs médicaments, parce qu’il n’y a pas suffisamment d’infirmières », indique-t-il, soulignant que cette situation date depuis l’ancienne administration du président Joseph Michel Martelly (14 mai 2011 - 7 février 2016).
Les autorités doivent rendre disponibles les matériels de protection à tout le personnel.
Il faut aussi mettre en place, à l’hôpital, 2 couloirs d’admission pour les patientes et patients : l’un pour recevoir les patientes et/ou patients suspectés d’être contaminés au Covid-19 et l’autre pour les cas non suspects.
Des masques de protection doivent être donnés aux patientes et patients, qui n’en disposent pas.
Il revient également aux hôpitaux universitaires de proposer le protocole de prise en charge des patientes et patients de Covid-19, estime le Dr. Phillipe Desmangles.
« L’hôpital général, qui aurait dû être l’hôpital de référence, a cédé sa place au sanatorium, puisque le sanatorium forme des spécialistes en maladies respiratoires ».
« Ce n’était même pas la peine de créer une cellule scientifique, alors que vous avez déjà le format scientifique dans le pays, vous devrez faire seulement appel aux responsables des structures scientifiques, des centres de formation ».
Quid de la précarité des médecins
« Un médecin, dans un hôpital universitaire, devrait recevoir un salaire plus élevé qu’un hôpital normal. Mais, ce n’est pas le cas », regrette Desmangles, soulignant combien les médecins ne sont pas bien rémunérés.
Le médecin n’est payé que pour son service. Il n’est pas payé, ni pour son grade, ni pour son travail de formation, constate-t-il.
Rien n’est jamais fait pour que la situation change, en dépit du fait que les autorités en sont au courant. [mj emb rc apr 25/05/2020 21:10]