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Haïti-Rép. Dom. : Les défis de la fraternité et de la coopération contre le Covid-19

Par la Fondation Zile*

Document soumis à AlterPresse le 26 avril 2020

Traduction de l’original en espagnol

Introduction

Le virus COVID-19, qui a été identifié pour la première fois en décembre 2019 dans la ville de Wuhan, capitale de la province de Hubei, en Chine centrale, s’est propagé rapidement à travers le monde, provoquant des victimes parmi les individus, les familles et surtout, faisant sombrer les économies et les systèmes de santé les plus sophistiqués.

Cette urgence sanitaire menace un bien public mondial essentiel qu’est la santé humaine, du coup a commencé à avoir un impact sur une économie mondiale déjà en déclin, affectant également la disponibilité des biens et services liés à l’offre et à la demande. Cela est dû à la rupture des chaînes de production, conséquemment la perte de revenus et de profits causée par la brusque montée du chômage.

Avec cette pandémie les économies mondiales sont touchées de manière plus intense et différente que lors de la crise financière mondiale de 2008-2009. Dans notre continent, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes sont touchés par divers canaux. En ce qui nous concerne, la République dominicaine et la République d’Haïti, avec l’assistance technique de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) dans la gestion de la pandémie, appliquent chacune de son côté des mesures d’urgence en fonction du contexte économique, social et politique. Cependant, la réalité incontournable d’être deux nations limitrophes qui partagent le même espace insulaire conduit obligatoirement à une approche binationale à certains égards.

Dans ce contexte, la Fondation Zile (FZ), qui coordonne avec plusieurs organisations dominicaines et haïtiennes la « Semaine de la Diaspora » qui est commémorée depuis 2012 en République Dominicaine, souhaite partager avec les parties intéressées, à l’occasion de la Journée Nationale de la Diaspora (JND 20 avril), le présent document, qui est le résultat des réflexions du collectif haïtien comme contribution à la gestion de la crise. Ledit document, passe en revue les décisions prises par les deux gouvernements de l’île pour finalement faire quelques propositions favorables a la fraternité et la coopération dans la lutte contre le COVID19

1. Contexte

Cette urgence sanitaire a été déclarée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme une pandémie mondiale le 11 mars 2020. En date du 19 avril 2020, plus de 2,4 millions de cas d’infections par le virus COVID-19 ont été signalés dans plus de 210 pays et territoires, entraînant plus de 165 660 décès et un peu plus de 616 553 cas de guérison. En raison de l’expansion et du niveau d’infection, les sept (7) pays qui comptent le plus grand nombre de personnes infectées sont les États-Unis, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et la Chine.

Dans le cadre du train de mesures visant à prévenir la propagation du virus, les gouvernements de tous les pays touchés ont imposé, entre autres, des restrictions de voyage, la quarantaine, le confinement, des annulations d’événements ainsi que la fermeture des écoles et des universités dans quelque 124 pays, touchant plus de 1,2 milliard d’écoliers. Un tiers de la population mondiale est confiné.

Sur l’île de Quisqueya, le premier cas de COVID19 a été enregistré le 1er mars 2020 en territoire dominicain. Il s’agit d’un homme de nationalité italienne qui est arrivé le 22 février 2020, en provenance de Pesaro, dans la région des « marcas » en Italie. En Haïti, le 19 mars, le gouvernement a signalé la détection de deux cas d’infection également importés. Depuis cette date jusqu’au 20 avril 2020, 4 964 cas de contagion ont été dénombrés, 235 décès et 416 guérisons correspondant à la République dominicaine. 47 infections, 3 décès, 0 récupéré en République d’Haïti.

La FZ a lancé un monitoring de la situation par le biais d’une cartographie insulaire basée sur les bulletins officiels des ministères de la santé des deux pays ainsi qu’une infographie binationale avec les données les plus importantes sur l’évolution du COVID19 afin de contrecarrer la désinformation qui affecte parfois les relations dominico-haïtiennes.

2. Principales mesures prises en République Dominicaine et en République d’Haïti

En fonction de leur propre contexte et de l’évolution de la situation dans chaque pays, les deux gouvernements de l’ile ont pris des mesures diverses pour freiner la propagation du virus et accompagner leur population respective.

République Dominicaine

La République Dominicaine, comparée à Haïti, a atteint un niveau plus intense d’échanges internationaux par le biais du tourisme et de sa diaspora établie en Amérique du Nord et en Europe par coïncidence dans des nations fortement touchées par le virus. Une commission de haut niveau a été créée le 12 mars pour suivre, étudier et coordonner les mesures qui sont mises en œuvre en accord au rythme de circulation de la pandémie.

Aussi, comme dans les autres pays affectés, les décisions suivantes ont été prises : fermeture des écoles, suspension des vols d’abord pour certains pays mais ensuite sans exception, l’établissement du couvre-feu, fermeture de la frontière et des marchés binationaux. D’autres actions et mesures sont implémentées dans les domaines de la santé, de l’économie et du social. Dans certains cas leur implémentation comptera sur des fonds internationaux comme par exemple de la Banque Mondiale. Sur le plan politique, la décision la plus importante est le report des élections présidentielles du 17 mai au 5 juillet 2020.

Mesures et actions politiques, sociales du travail

1. Demande de l’exécutif au Congrès de déclarer l’état d’urgence national et dans un second temps de le prolonger
2. Fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes.
3. Fermeture des école, universités et centres de formation professionnelle publics et privés.
4. Annulation d’événements publics
5. Réajustement des services de l’administration publique
6. Couvre-feu de 17h à 6h du matin.
7. Suspension des activités commerciales sauf les essentielles (supermarchés, stations-service, pharmacies).
8. Suspension des marchés aux puces sur tout le territoire national et les marchés binationaux dans la zone frontalière
9. Suspension des activités prosélytiques, ainsi que les actes d’inauguration du gouvernement.
10. Les fonctionnaires de plus de 60 ans resteront chez eux, les autres travailleront à 50% de leur temps.
11. Coordination des efforts entre le plan social de la présidence, le programme du Fonds d’aide « solidarité » des employés (FASE), le programme "Reste à la maison" et les restaurants économiques populaires pour garantir la nourriture et la satisfaction des besoins des secteurs les plus vulnérables de la population dont l’objectif est de couvrir plus de 5,2 millions de dominicains.
12. Utilisation obligatoire de masques et de gants dans les lieux publics
13. Deux adresses à la nation du Chef de l’Etat, deux interventions gouvernementales quotidiennes de haut niveau sur l’évolution de la situation et l’action officielle sous la responsabilité des Ministres de la santé et de la présidence.

Mesures au niveau de la santé

1. Autorisation progressive aux laboratoires privés à effectuer des tests PCR couverts par l’ARS (Assurance maladie)
2. Ouverture de nouveaux centres d’isolement.
3. Restriction des visites dans les hôpitaux et les cliniques.
4. Les centres de services médicaux et les laboratoires médicaux publics et privés sont également autorisés à fonctionner normalement.
5. Etablissement de Zones d’isolement dans les hôpitaux et cliniques.
6. Autorisation du ministère des finances et de l’ economie à prendre toutes les mesures nécessaires pour aider l’industrie pharmaceutique à soutenir la production et la fourniture à des prix d’importation raisonnables de médicaments, de fournitures et de dispositifs.
8. Création d’une commission de haut niveau pour contrôler le coronavirus.

Mesures commerciales et économiques

1. La DGII n’appliquera plus la taxe APA au secteur hôtelier
2. Le paiement de l’impôt sur les sociétés de l’IRS est divisé en 4 parties
3. Facilités de paiement anticipe de rétribution aux entreprises
4. Le Trésor coordonne l’aide aux entreprises dans le domaine de la fiscalité.
5. Le ministère des finances coordonnera toute autre flexibilité nécessaire en ce qui concerne le paiement des obligations fiscales des sociétés et des particuliers, qui peut être reporté pendant la période d’urgence.
Le Conseil monétaire, qui est en session permanente, a pris une série de mesures, dans le but de garantir la stabilité économique et l’apport de liquidités aux entreprises du pays, afin qu’elles puissent faire face à la situation et aussi protéger les emplois des particuliers.
7. Le ministre des finances et le gouverneur de la Banque centrale coordonnent avec tous les secteurs productifs pour la mise en œuvre immédiate des mesures économiques
8. Les clients des banques sont encouragés à utiliser d’autres canaux, tels que les distributeurs automatiques et les services bancaires par Internet, au lieu de se rendre sur place.

Le Comité des opérations d’open market (COMA) de la Banque centrale de la République dominicaine a adopté les décisions suivantes :
1. Réduire le taux de politique monétaire (TPM) a 100 points de base, de 4,50 % à 3,50 % par an, dans le but d’encourager une baisse générale des taux d’intérêt dans le système financier par le biais du mécanisme de transmission de la politique monétaire
2. De la même manière et dans le but de fournir des liquidités à un faible coût aux entités financières, une diminution de 150 points de base du taux d’intérêt de la facilité permanente d’expansion des liquidités a été approuvée, passant de 6,00 % à 4,50 % par an.
3. En outre, il a été décidé de réduire le taux d’intérêt des dépôts rémunérés à court terme à la Banque centrale (Over night), de 3,00 % à 2,50 % par an. Cette mesure contribue à réduire le taux d’intérêt interbancaire et, par conséquent, réduit le coût de financement des entités financières

Mesures visant à fournir des liquidités au système financier

La Banque centrale met des liquidités à la disposition des institutions financières plus de RD$52 milliards de pesos par le biais des mesures suivantes :
1. Le Conseil monétaire a assoupli les exigences de couverture de la réserve légale en monnaie nationale pour les institutions financières, reconnaissant les titres de la Banque centrale et du ministère des finances comme couverture valide pour un montant allant jusqu’à RD$ 22 321,0 millions de pesos, ce qui représente 2,0 points de pourcentage du coefficient de réserve légale. De ce montant, RD$10 milliards de pesos seront utilisés pour des prêts aux ménages, aux petites et moyennes entreprises et au secteur commercial, tandis que les fonds restants, soit quelques RD$ 12
321,0 millions de RD$, seront canalisés vers les secteurs productifs, principalement le tourisme et le secteur de l’exportation, à des taux d’intérêt ne dépassant pas dans tous les cas 8,0 % par an.
2. La Banque centrale a ouvert une fenêtre pour fournir des liquidités aux institutions financières par le biais du mécanisme « Contrat de rachat ou contrat de vente et de rachat » (sigle en espagnol Repos) jusqu’à 90 jours pour un montant pouvant atteindre RD$30 milliards de pesos, en utilisant les titres de la Banque centrale et du ministère des finances comme garanties. Cette facilité serait accessible aux entités financières à des taux d’intérêt de 4,75 % pour les « Repos » jusqu’à 30 jours et de 5,0 % pour les « Repos » entre 31 et 90 jours. Ces facilités pourraient être renouvelées tant que les conditions d’incertitude à l’origine de la mesure persistent.
En ce qui concerne la fourniture de liquidités en devises étrangères, le Conseil de la Banque centrale a approuvé deux mesures visant à assurer un flux adéquat de dollars pour couvrir les besoins du marché des changes, à un moment où de grands secteurs générateurs de devises étrangères, tels que le tourisme et le secteur des exportations, sont touchés. À cet égard, plus de US$ 500 millions de dollars de liquidités ont été fournis au marché par le biais des mécanismes suivants :
1. Injection de liquidités en devises étrangères pour un montant maximum de US$ 300 millions de dollars, par le biais d’opérations de « Repos » de 90 jours, en utilisant comme garantie les titres du ministère des finances
2. Assouplissement temporaire des exigences de couverture de la réserve légale en devises étrangères des multiples banques, en reconnaissant les titres du ministère des finances en dollars comme une couverture valide de US$ 222 millions de dollars, ce qui représente 2,5 points de pourcentage du coefficient de réserve légale Cette mesure contribuera à faciliter l’acheminement de devises étrangères vers des secteurs générateurs tels que le tourisme et les exportations qui ont été touchés par la chute des échanges commerciaux et des flux touristiques au niveau mondial.

Mesures de traitement réglementaire spéciales pour le système financier

Le Conseil monétaire a approuvé une série de mesures qui impliquent un traitement réglementaire spécial du système financier alors que l’incertitude mondiale associée aux effets économiques causés par la pandémie de coronavirus persiste. Ce traitement spécial permettrait de réajuster l’échéancier de paiement des débiteurs bancaires si nécessaire, sans que cette action n’entraîne de coûts réglementaires supplémentaires. Ces mesures visent à éviter une éventuelle détérioration du portefeuille de crédit due à l’impact de COVID-19 sur la performance de certaines activités productives. Plus précisément, les mesures adoptées dans le cadre réglementaire spéciales :
1. Autoriser les institutions financières à geler les qualifications et les provisions des débiteurs au niveau où elles se trouvent au moment de l’approbation de la résolution
2. Autoriser que les restructurations de crédit qui impliquent des changements dans les conditions de paiement, les taux d’intérêt, les modalités et les versements, entre autres, puissent maintenir la même cote de risque du débiteur au moment de la restructuration. En d’autres termes, cela signifie que la cote de crédit du débiteur ne serait pas réduite en raison de problèmes liés aux arriérés résultant de la situation actuelle.
3. Autoriser les prêts déboursés sur les lignes de crédit pour une période de soixante (60) jours à être considérés comme non échus. Cette mesure comprend une dispense du paiement du capital du prêt pendant cette période, au profit des flux la trésorerie du débiteur.
4. Prolonger de quatre-vingt-dix (90) jours le délai accordé au débiteur pour l’actualisation des garanties correspondant aux évaluations. Cette mesure offrira une plus grande flexibilité au débiteur qui aura plus de temps pour se conformer à l’exigence de mise à jour de sa garantie.

République d’Haïti

Aujourd’hui, la pandémie à laquelle Haïti est confrontée survient dans une société déjà gravement touchée et vulnérable, affaiblie par l’instabilité institutionnelle et les catastrophes de grande ampleur, en particulier au cours de la dernière décennie : plusieurs ouragans, inondations et cyclones, le tremblement de terre du 12 janvier 2010, l’épidémie de choléra, le virus Zika et le VIH. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une population dotée d’une extraordinaire capacitée de résilience.

Pour faire face à cette crise sanitaire, qui maintient jusqu’a présent une lente progression dans la partie occidentale de l’île, le gouvernement de la République d’Haïti, à un moment de fragilité politique due à la caducité du parlement, a pris un certain nombre de mesures aux niveaux sanitaire, social et économique. Le Fond Monétaire International (FMI), entre autres bailleurs, a offert son appui au gouvernement. Par ailleurs, il sera certainement nécessaire d’appliquer un plus grand nombre de tests en Haïti afin d’avoir une appréciation plus large du niveau de contagion. L’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 20 mai, et les opérations dans le secteur industriel ont repris à partir du 20 avril.

Mesures et actions politiques, sociales et du travail
1.Déclaration de l’urgence sanitaire nationale
2. Deux discours du Chef de l’Etat et diverses interventions médiatiques du Chef de gouvernement
3. Fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes.
4. suspension des écoles, des centres de formation professionnelle et des universités, des usines et des lieux de culte
5. Interdiction des réunions de plus de 10 personnes.
6. Couvre-feu de 20 heures à 5 heures du matin.
7. Distribution de rations de nourriture sèche et d’argent projetée pour 1,5 million de familles parmi les plus vulnérables du pays.

Mesures au niveau de la santé
1. Développement d’un plan de réponse au Coronavirus
2. Demande de collaboration de tous les professionnels de la communication et des citoyens, par la diffusion d’informations dûment vérifiées.
3. Création d’un comité scientifique pour gérer la crise
4. Création d’une commission multisectorielle chargée de planifier et de coordonner les ressources afin d’assurer la transparence et l’efficacité
5. Utilisation obligatoire des masques
6. Fumigation lancée de toutes les municipalités avec l’aide des 300 agents de santé formés par le MSPP et accompagnés de soldats des Forces armées haïtiennes.

Mesures commerciales, économiques et financières

Considérant les conséquences négatives de l’épidémie "COVID19" sur le système financier et économique en général, la Banque de la République d’Haïti a pris une série de mesures de soutien aux institutions financières afin que les conditions de vie de La population ne se détériorent en cette période de crise :
1) Réduction du taux principal de la Banque de la République d’Haïti (BRH), ce qui devrait contribuer à réduire les taux d’intérêt des prêts ;
2) Réduction des taux de réserves obligatoires, avec le souci de faciliter l’accès des banques aux ressources et de donner plus de crédit ;
3) Réduction du taux de refinancement de la BRH pour faciliter l’accès des banques aux liquidités ;
4) Faciliter le paiement des prêts des clients pour une période de trois (3) mois
5) Exonération des frais perçus par la BRH sur le SPIH (Système de Paiement Interbancaire), afin de réduire le coût pour les clients lors de l’exécution de la transaction ;
6) Augmentation des limites des transactions financières effectuées par téléphone.
7) De même, le taux d’intérêt annuel des obligations de la BRH a été modifié et se situe désormais entre 4 et 10 % selon le nombre de jours
8) le taux de constitution des réserves en monnaie passive est modifié comme suit pour les différentes banques et institutions financières :
• Taux de réserve obligatoire pour les engagements en gourdes et en dollars.
• Banque Commerciale 40 % et 51 %, Banque d’épargne et de logement 28,5% et 39,5%, filiales non bancaires 40% et 51%,

Les institutions financières devraient fournir une période de trois mois, commençant le 1er avril jusqu’au 30 juin 2020, pour tout client qui demande un prêt au système et veut en tirer profit. Pendant cette période, le client payera seulement les intérêts.

Mesures pour la restructuration et la création d’approvisionnements
Les institutions financières peuvent renégocier les conditions d’un prêt lorsque la situation financière d’un client se détériore. Pour un prêt à restructurer, les institutions financières sont autorisées seulement pour une période d’un (1) an a savoir :
. Ne pas créer de dispositions spécifiques pour les prêts n’ayant aucun problème jusqu’au 31 mars 2020 ;
. Créer des dispositions spécifiques de 5 % pour des prêts qui n’ont pas de problèmes jusqu’à date.

Autres mesures

Pendant cette période de trois mois :
. Il ne peut y avoir de frais de retard sur les prêts, même sur les cartes de crédit ;
. Toutes les garanties d’exécution hypothécaires et vente de prêts hypothécaire doivent être parfaits

Actions et mesures concernant la diaspora haïtienne et les relations binationales

Dans cette rubrique, entre autres, il est nécessaire de souligner :

1- L’annonce de la fermeture de la frontière, en premier lieu, par Haïti le 16 mars 2020, apparemment sans coordination avec la partie dominicaine. Cette mesure fait une exception pour les marchandises. Par conséquent, la confirmation du déséquilibre commercial entre les deux pays est établie encore une fois vu qu’il s’agisse essentiellement des importations des chaînes de supermarchés et d’autres entreprises en Haïti qui continuent, bien qu’elles soient sensiblement affectées.

2- L’annonce de la fermeture de la frontière en République Dominicaine le 19 mars 2020 y compris les marchés binationaux ainsi que les marchés aux puces dans la capitale et dans d’autres villes du pays qui rassemblent des milliers d’Haïtiens et de Dominicains. Cela a un effet palpable sur l’économie à un double niveau, transfrontalier et informel.

3- L’exclusion des immigrants en général et dans ce cas de la communauté haïtienne, des mesures socio-économiques visant à atténuer l’impact sur la population, de la stratégie gouvernementale dominicaine, pour freiner la propagation du virus. Les Haïtiens sont particulièrement touchés dans quatre domaines : la construction, le tourisme, les retraités (anciens coupeurs de canne) du Conseil d’Etat du Sucre (sigle en espagnol CEA) et le secteur informel. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans un document publié récemment, estime à 144 413 le nombre d’haïtiens nécessitant une aide humanitaire immédiate et disposant d’un statut légal suite au Plan de régularisation migratoire (PNRE) 2014-2015. A souligner que depuis le 20 mars, un mouvement croissant de retour volontaire a commencé, essentiellement à travers la frontière Dajabon/Ouanaminthe, pour un nombre estimé par la FZ à 14 000 personnes en un mois. Malheureusement, sans contrôles sanitaires efficaces, ce qui pourrait éventuellement répercuter sur les niveaux d’infection en Haïti. Par ailleurs les contrôles migratoires dans les rues et les rapatriements de la Direction Générale de l’immigration dominicaine (DGM) sont suspendus, cependant certaines organisations de droits humains dont le Groupe d’appui pour les rapatries et les refugies (GARR) et le réseau Frontalier Jano Sikse (RFJS) dénoncent l’arrivée en Haiti de groupes de rapatries, comme il est le cas de ceux qui sont déportés par les Etats Unis en pleine crise sanitaire vers les deux pays de l’ile.

4- Contrairement à la République Dominicaine qui reçoit sans autre condition que la mise en quarantaine de ses ressortissants bloqués ou de ceux qui veulent rentrer de l’étranger, le gouvernement haïtien exige lui-même à partir du 9 avril 2020 des conditions impossibles à remplir par la grande majorité de la diaspora haïtienne globale. Ces mesures sont, entre autres, un test au COVID-19, une réservation d’hôtel pour la mise en quarantaine etc. sans faire une exception formelle de la communauté haïtienne de la République Dominicaine la seule qui se retrouve dans un pays frontalier d’Haïti.

Recommandations

Après avoir examiné les mesures nationales mises en œuvre par la République Dominicaine et la République d’Haïti, nous présentons ce paquet de 10 propositions dans le but, d’une part, que la diaspora haïtienne soit prise en compte, en considérant ses contributions aux deux pays et, d’autre part, en vue d’encourager un dialogue binational qui pourrait conduire à une coopération sur le COVID19.

1. Étudier la possibilité d’intégrer, dans un premier temps, les anciens coupeurs de canne (pensionnaires) du CEA et des autres usines sucrières du pays, ainsi que tout migrant haïtien porteur d’une carte de la DGM, dans les programmes d’aide du gouvernement dominicain. Dans un deuxième temps, avec l’aide des organisations internationales compétentes du système des Nations Unies et de l’Union Européenne, commencer un programme d’assistance humanitaire en faveur de ceux qui peuvent prouver leur séjour en territoire dominicain jusqu’au début de l’année 2018 dans le souci d’éviter que de la crise sanitaire nous arrivions à une crise humanitaire.

2. Accorder une attention particulière aux « bateys » habités par les Dominicains, les Dominico-haitiens et les Haïtiens dans des conditions de grande vulnérabilité.

3. Officialiser par un programme les « retours volontaires » des immigrants haïtiens de la République dominicaine avec l’aide de l’OPS en vue de renforcer les capacités du ministère de la santé d’Haïti (MSPP) en matière de contrôle sanitaire. Et le soutien de l’OIM, par l’intermédiaire de ses bureaux dans les deux pays, pour assurer la réinsertion socio-économique des « rapatriés volontaires » en Haïti, ce qui contribuerait à éviter une éventuelle augmentation postCovid19 de la traite et du trafic personnes à la frontière.

4. Amplifier les efforts déjà déployés par le ministère dominicain de la santé (MSP), les organisations internationales et les ONG dans la sensibilisation et l’orientation en matière de communication concernant le COVID19 en créole, en utilisant les mass médias conventionnels et en particulier les stations de radio à couverture nationale.

5. Analyser la faisabilité de la réouverture, à la fin de l’état d’urgence, des marchés binationaux à partir d’un plan pilote utilisant des tunnels de désinfection et d’autres contrôles sanitaires pour la réactivation commerciale au profit des habitants de Dajabon et de la ville voisine de Ouanaminthe.

6. Créer une commission scientifique conjointe (Haïti-RD) de vigilance épidémiologique, d’échanges et de transfert de connaissances. Dans l’immédiat elle contribuera à ’éviter ou anticiper une deuxième vague du COVID19 en République dominicaine dont le pic s’enregistrera avant Haïti si les projections officielles se maintiennent.

7. Soutenir la recherche sur la médecine naturelle et les remèdes traditionnels hérités des ancêtres indigènes et africains dans le cadre de la gestion du COVID19 et de la prévention d’éventuelles infections massives.

8. En raison de la hausse des prix, élaborer un plan de soutien pour l’acquisition conjointe sur le marché international de matériels, d’intrants et d’équipements nécessaires pour freiner la propagation du virus sur l’île.

9. Restructurer en Haïti le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE) qui, en raison d’intrigues politiques et d’un manque de vision concernant les relations entre Haïti et sa diaspora, n’a pas été en mesure depuis la fin de l’année 2011 de remplir sa mission ou de prendre le leadership gouvernemental vis-à-vis des expatries dans les situations de tragédie comme il est le cas présentement.

10. Promouvoir, par le biais d’un plan de plaidoyer international commun face aux organismes multilatéraux concernés, la création du Fonds de solidarité binational (FSB) qui devrait contribuer à relancer l’économie le long de la zone frontalière et soutenir les petites et moyennes entreprises des immigrants haïtiens en République Dominicaine et des Dominicains en Haïti.

Conclusions

La Journée nationale de la diaspora (JND) a été instituée par décret présidentiel en 2011 en Haïti dans le but de reconnaître, chaque 20 avril, les contributions des expatriés à leur pays d’origine et pour créer une occasion de rendre visible leurs contributions aux pays d’accueil. Cet événement annuel, soutenu par les organismes publics et le secteur privé des deux pays, est devenu le plus important de la communauté haïtienne en République Dominicaine et l’un des plus pertinents en termes de promotion de la fraternité et de la coopération entre les deux peuples de l’île.

Cette année, la JND est commémorée dans un monde que personne n’avait prévu deux mois à peine. Tous les pays qui accueillent des expatriés haïtiens, certains plus touchés que d’autres, subissent les torts causés par la pandémie. Il y a déjà des centaines d’infectés et de morts, dans les communautés diasporiques haïtiennes et dominicaines, surtout aux États-Unis et en France. En lisant ce document, nous vous demandons d’observer une minute de silence en leur mémoire et pour tous les patients et les morts sur cette île.

Alors que nous pleurons les morts, nous devons applaudir ceux qui, dans nos communautés à l’étranger, sont sur la ligne de front pour soigner et aider les patients ou dans la recherche scientifique pour trouver une solution médicale définitive à la maladie. A cet égard il est juste et opportun de mentionner le cas peu connu de centaines de médecins haïtiens en Equateur dont une majorité en provenance d’universités cubaines. Sans parler des milliers de travailleurs agricoles qui sont indispensables en République Dominicaine, par exemple, dans la chaîne de production et d’approvisionnement alimentaire pour toute la population en ces moments difficiles de confinement.

Comme pour toute crise de cette ampleur, Covid19 nous apporte d’énormes menaces et de grandes opportunités. Pour profiter de ces dernières, les deux peuples qui se partagent l’île doivent tout d’abord s’ouvrir à d’autres modes de pensée dans le monde. D’autres façons de concevoir l’économie et la politique.
C’est entre autres l’occasion de porter un nouveau regard sur l’autre. Pour nous rendre compte, plus que deux peuples, nous sommes "Une communauté humaine vivant une partie en Haiti et l’autre en République dominicaine". Cela nous permet d’avoir une vision solidaire et non-divisée du niveau inégal de développement humain sur l’île ou de la propagation à un rythme différend du COVID19 dans chaque partie, selon les statistiques actuelles.

En ce sens, la FZ, la Coalition d’ urgence des Eglises de la Communauté Haïtienne, le Mouvement socio culturel des travailleurs haïtiens (MOSCTHA) le Centre de Développement soutenable (CEDESO sigles en Espagnol) et NAPSA, activement impliquée chaque organisation selon son mandat institutionnel dans l’accompagnement des migrants face à la pandémie, dans le cadre d’ un effort conjoint, mettent à disposition une brigade de 100 médecins et infirmières haïtiens et dominico-haitiens parlant le créole et l’espagnol. Ces professionnels de la santé sont prêts à s’intégrer aux programmes de soins préventifs et de traitement du virus, sous forme de contribution de la diaspora à la gestion officielle du COVID19 dans l’un ou l’autre des deux pays ou dans les deux en même temps. Dans le même ordre d’idées, ces organisations, avec le soutien de quelques personnalités franco-haïtiennes, initient, en ce jour de la diaspora 2020, des contacts pour la construction d’un hôpital dans la ville frontalière haïtienne d’Anse à Pitres.

Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de relancer le dialogue binational car nous devons définir la stratégie de lutte contre un puissant ennemi commun. Tendons-nous donc la main à distance physique, mais avec le cœur ouvert.

…………

* À PROPOS DE LA FONDATION ZILE
Créé en 2005 à Saint-Domingue, la FZ est une organisation légalement constituée dans les deux Républiques dont la mission est de promouvoir la solidarité et la coopération entre les deux peuples de l’île. Le conseil d’administration est présidé en Haïti par l’évêque anglican Oge Beauvoir et en République dominicaine par le prêtre catholique Julio (Julin) Acosta. Le fondateur et directeur exécutif est le prêtre anglican Edwin Paraison.

Références
a. https://www.bancentral.gov.do/a/d/4802-gobernador-valdez-albizu-anuncia-las-medidas-monetarias-financieras-y-cambiarias-adoptadas-ante-el-impacto-del-covid19-en-la-economia-dominicana
b. https://www.msp.gob.do/web/
c. https://presidencia.gob.do/coronavirusrd
d. https://mspp.gouv.ht/newsite/
e. www.communication.gouv.ht