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Haïti-Coronavirus : État d’urgence sanitaire, et puis ?

Par Gotson Pierre

P-au-P., 23 mars 2020 [AlterPresse] --- L’état d’urgence sanitaire est décrété. Des mesures susceptibles de minimiser le risque de propagation du virus Covid-19, sont annoncées. L’ensemble des actions d’accompagnement indispensables à l’applicabilité de cette décision critique n’a, pour le moment, été décliné.

Il est effarant de constater que, quelques jours après la publication (jeudi soir 19 mars 2020) de l’arrêté présidentiel, les autorités n’ont que très partiellement explicité certaines dispositions, concernant le sort réservé à plusieurs millions de personnes, dont les vendeuses ambulantes et d’autres acteurs-trices du secteur informel, qui vivent au jour le jour et à qui il est demandé – c’est normal - de se confiner.

Quel choix le Président et son gouvernement laissent-ils à ces catégories : s’exposer au virus, au risque de mourir et de voir leurs familles décimées ou se murer chez elles, dans leurs kounouk (maisonnettes au sein de quartiers surpeuplés, pour succomber à la faim, aux côtés de leurs enfants et du reste de la maisonnée ?

Faudrait-il recourir aux fonds de pension civile et de l’Office national d’assurance vieillesse (Ona) pour venir en aide aux travailleurs, hommes et femmes, qui iront au chômage ? Les 2 lignes budgétaires « Intervention d’urgence du gouvernement » et « Hautes interventions de l’Etat », pourraient-elles servir à assurer des revenus aux millions de personnes vulnérables, qui sont contraintes de se confiner chez elles ?

D’autre part, pourquoi ne pas responsabiliser les Collectivités Territoriales, dans la gestion de la pandémie du Coronavirus, en leur fournissant les ressources nécessaires pour la mise en œuvre des actions de l’Etat ? Le Fonds de Gestion et de développement des Collectivités Territoriales pourrait, probablement, supporter les coûts de certaines dépenses associées aux actions déterminées.

Pourquoi ne pas transformer les hôtels ou d’autres infrastructures, construites avec les fonds PetroCaribe, en centres pour la mise en quarantaine de personnes, suspectées d’être porteuses du virus et dont les cas nécessitent une haute surveillance ou encore des soins speciaux ?

Une telle approche placerait les citoyen.e.s au centre des décisions. Elle requiert, évidemment, un sens élevé de l’État et un humanisme certain de la part des dirigeants. Or, durant ces dernières années, aucun signe n’a montré que les populations les plus vulnérables bénéficiaient de l’attention et de l’empathie des autorités.

La pandémie arrive au moment, où le pays connaît une grave crise institutionnelle. Le parlement est dysfonctionnel et l’exécutif est le seul maître à bord. Ce n’est pas comme en République Dominicaine voisine, où les plus grandes décisions du gouvernement, pour contrer la poussée de Covid-19, ont eu l’assentiment du parlement, dans ses deux chambres séparées.

Dans les conditions, qui sont celles d’Haïti aujourd’hui, associer le plus de personnes crédibles à la gestion de la pandémie de Covid-19, non seulement favoriserait un certain consensus et la mobilisation des énergies pour la meilleure gestion de la crise, mais mettrait également la population en confiance ainsi que les institutions internationales, qui souhaiteraient, éventuellement, venir en soutien au pays.

Au plan technique et scientifique, pourquoi ne pas créer, comme le souhaitent certains professionnels de la santé, une unité interdisciplinaire, qui aurait le leadership de la réflexion et de la recherche scientifiques, pour alimenter les décisions à prendre, dans une bataille qui s’annonce rude ! Une telle structure devrait participer d’une gestion transparente de la pandémie et de sa dépolitisation, tout en garantissant l’efficience dans la réponse à donner.

De toutes façons, ce serait dommage que la crise du Coronavirus soit une autre source d’enrichissement de certains, au détriment de la grande majorité. [gp apr 23/03/2020 00:30]