Communiqué émis le 11 mai par le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR)
Repris par AlterPresse le 13 mai 2005 [1]
Des centaines de ressortissants haïtiens ont été forcés, depuis le début de la semaine, de quitter plusieurs localités proches de Montecristi (zone nord de la République Dominicaine), afin d’échapper à la furie de Dominicains, armés de fusils, de revolvers, de bâtons et de machettes. Ces derniers voulaient se venger de la mort d’une compatriote, Maritza Nunez, 24 ans, commerçante, assassinée à Hatillo Palma (Montecristi), à coup de machettes à l’aube du lundi 9 mai 2005 et de l’agression contre son époux, gravement blessé au cours de la même attaque.
Des Haïtiens ont été accusés d’être les auteurs de ces actes criminels, mais aucune enquête policière n’a encore nommément révélé les coupables. Trois Haïtiens voisins des Dominicains agressés ont été arrêtés et sont en train d’être interrogés par la police locale.
Pour éviter d’être lynchés, de nombreux haïtiens ont dû se réfugier dans le poste de police le plus proche. Aidés de responsables de la mairie de Hatillo Palma, des militaires et des policiers ont embarqué et emmené à la frontière la plupart des ressortissants haïtiens rencontrés dans cette communauté. Certains d’entre eux y vivaient depuis plus de dix ans où y travaillaient légalement comme ouvriers agricoles. Des militaires dominicains ont également profité de cette situation de tension pour arrêter et expulser de nombreux haïtiens trouvés, non loin de la zone frontalière. D’autres ressortissants, se sentant menacés ont volontairement regagné Haïti.
Les Haïtiens qui vivaient dans le voisinage de la famille dominicaine agressée ont vu leurs maisons brûlées avec tous les biens qui s’y trouvaient. Les autres ont dû partir sans pouvoir rien emporter. Des scènes de « dechoukay », où des résidences d’Haïtiens ont été vidées et leur contenu (meubles, équipements électroménagers, etc.) incendié, étaient montrées à la télévision. Selon les témoignages recueillis auprès d’institutions travaillant dans la région, dans l’après-midi du mardi 10 mai, des camions transportant quelques biens appartenant aux personnes expulsées ont été remarqués à la frontière de Dajabon.
Selon ces mêmes sources, aucune forme d’animosité de Dominicains envers les Haïtiens n’avait été observée, les jours précédents. Cependant, des cas répétés de vol dans plusieurs localités de la zone frontalière ont été attribués aux Haïtiens.
Les représailles exercées contre des Haïtiens, suite à ce malheureux incident, et le rapatriement forcé de plusieurs centaines d’entre eux, ont été sévèrement critiqués par divers secteurs. Dans une déclaration à la presse le 10 mai 2005, le directeur du Service Jésuite aux Réfugiés et Migrants, le Père Jose Nunez, a mis en garde les Dominicains contre ces manifestations de xénophobie (haine de l’étranger) vis-à -vis des Haïtiens : « Avec les agressions contre les migrants haïtiens de Montecristi, nous sommes en train de justifier aux yeux du monde, l’agression dont a été victime des ressortissants dominicains en Espagne après la mort d’un jeune Espagnol, le 2 mai 2005 ».
Selon le Père Nunez, « ces expressions d’intolérance sont le produit d’une campagne anti-haïtienne et raciste orchestrée par des secteurs de pouvoir et qui traduit une double morale : d’un côté, ils considèrent la présence haïtienne comme un danger, d’un autre, ces mêmes secteurs utilisent cette présence dans diverses branches de l’économie, qui sans la participation haïtienne, seraient paralysées ».
Le GARR condamne les pressions exercées contre toute une communauté haïtienne vivant dans la région de Montecristi, ainsi que l’expulsion massive qui s’en est suivie, sur un simple soupçon de participation à un meurtre d’une ressortissante dominicaine. Le GARR déplore également la répétition, ces derniers mois, de plusieurs incidents graves entre Haïtiens et Dominicains qui se sont soldés par des morts et des blessés non loin de la frontière.
Le GARR demande que toute la lumière soit faite autour de ces incidents malheureux afin que les coupables soient punis et que les victimes obtiennent réparation.
A la veille d’une grande rencontre binationale annoncée par les officiels haïtiens et dominicains, au cours de laquelle le thème de la migration sera abordé, le GARR exhorte les responsables politiques de l’île à créer un cadre de concertation pour que de tels abus ne se répètent. Il importe que des incidents malheureux, comme l’assassinat crapuleux de cette jeune commerçante dominicaine, ne soient plus utilisés comme prétextes à des expulsions brutales qui décapitalisent et appauvrissent à chaque fois les travailleurs migrants haïtiens.
[1] Source : www.garr-haiti.org.