P-au-P, 08 janv. 2020 [AlterPresse] --- La Commission nationale de désarmement, de démantèlement et réinsertion (Cnddr) critique une certaine facilité à s’approvisionner en armes à feu illégales et munitions en Haïti.
« L’arme en soit n’est pas le problème. Une arme sans munitions ne représente qu’un objet artistique ».
Le problème « c’est la facilité de la personne, détenant une arme illégale, à s’approvisionner en munitions », a dénoncé Jude Jean-Pierre, l’un des membres de la Cnddr, qui intervenait, le mardi 7 janvier 2020, à l’émission FwoteLide sur la station privée AlterRadio (106.1 Fm).
La Cnddr a présenté, le lundi 6 janvier 2020, des cartouches de calibre 5.56 mm, reçues d’un particulier et qui sont déclarées non conventionnelles.
Trois fusils et plus d’un millier de munitions ont été également remis à l’institution.
Ces armes auraient été achetées entre les mains du citoyen Dumont Arby Frantz Larco, arrêté le mardi 24 décembre 2019, pour trafic d’armes illégales.
Larco avait en sa possession une énorme cargaison d’armes à feu et munitions.
Le trafic d’armes en Haiti
« Environ 500 mille armes à feu illégales sont en circulation dans le pays », selon les informations dont dispose la Cnddr.
Ces armes sont entrées, sur le territoire national, à travers les ports, les aéroports, ports maritimes, les points frontaliers réguliers et non réguliers, relate Jude Jean-Pierre.
« Le trafic d’armes fait l’objet de plusieurs cas de corruption, comme monnayer des agents frontaliers et agents douaniers. C’est un trafic transnational. Même au niveau de l’État, l’acquisition des armes à feu s’avère très difficile, à cause de l’embargo, imposé par des puissances étrangères », note-t-il.
« Le trafic d’armes est un marché transversal. Il est également lié au trafic de la drogue, au kidnapping, à la contrebande et à tous actes de criminalité généralisée ».
Beaucoup de citoyennes et citoyens ont recours au marché parallèle, pour se protéger et protéger leurs entreprises, face à l’insécurité, fait remarquer le commissaire.
Une quantité importante de Galil, T65, M4, M14 et d’armes légères de petits calibres ont été repérées dans ce marché illégal, parmi les armes illégales en circulation à travers le territoire national, souligne la Cnddr.
« Ces produits importés sont distribués sur le marché à différents niveaux, à des protagonistes politiques, des gens qui opèrent dans la criminalité organisée, des personnes cherchant à protéger des biens familiaux, notamment dans le cas de conflits terriens ».
« C’est un réseau bien organisé. Les modèles en circulation sont très connus. On peut retracer le pays de fabrication ».
Prolifération substantielle des gangs armés
« La prolifération des gangs armés, au nombre de 76, a augmenté substantiellement durant les 4 derniers mois », alerte le commissaire Jude Jean-Pierre.
« Des groupes armés ont affirmé, à travers des stations de radio, qu’ils sont alimentés par des groupes politiques et des personnes au niveau de l’État », rappelle-t-il.
« Les fournisseurs, qui refusent de participer au processus de paix dans le pays, seront en contravention avec la justice », met-en garde la Cnddr, tout en se gardant de dénoncer les secteurs politiques et privés, qui seraient impliqués dans l’alimentation de l’insécurité en Haiti.
Quid des compagnies de sécurité
L’autorisation pour l’acquisition d’armes, par les compagnies de sécurité, est très limitée. Nombreuses sont les compagnies de sécurité, qui ne respectent pas les normes et décrets en la matière, poursuit la Cnddr.
Ces compagnies utilisent même des armes, qui ne sont pas autorisées, ajoute la Cnddr.
La Commission nationale de désarmement, de démantèlement et réinsertion plaide en faveur de la mise en place d’une stratégie nationale et d’une politique publique, en matière de désarmement pour le pays.
Elle renouvelle son engagement en vue de garantir un climat sécuritaire sur le territoire national.
La Cnddr appelle l’Etat haïtien à donner plus de moyens à ladite institution, pour que celle-ci fasse son travail de manière plus efficace.
« La commission n’a pas les moyens de sa politique. Nous n’avons pas de bureau, ni d’imprimante. Aucun des commissaires n’a encore reçu un centime, comme frais ou privilège. La commission ne sera pas efficace sans les moyens. L’État n’a financé aucun de nos projets ». [mj emb rc apr 08/01/2020 17:40]