P-au-P. 1er janv. 2020 [AlterPresse] --- Empêtré dans une crise multidimensionnelle, depuis début juillet 2018 [1], le président Jovenel Moïse n’a, finalement, pas pu se rendre, ce mercredi 1er janvier 2020, aux Gonaïves (département de l’Artibonite, à 171 km au nord de Porrt-au-Prince), pour honorer la mémoire des pères fondateurs de la nation, à l’occasion du 216e anniversaire (1er janvier 1804 – 1er janvier 2020) de la proclamation de l’indépendance d’Haïti vis-à-vis de la France colonialiste, a observé l’agence en ligne AlterPresse.
Depuis plusieurs semaines, l’opposition politique avait mis au défi Jovenel Moïse d’aller commémorer cette fête nationale aux Gonaïves.
Comme pour le 17 octobre 2019 (qui a rappelé le 213e anniversaire de l’assassinat, au Pont Rouge – près de Port-au-Prince - de Jean-Jacques Dessalines, qui proclama l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804), comme pour les 18 novembre 2018 et 18 novembre 2019 (215e et 216e anniversaires de la dernière bataille des esclaves révoltés, la bataille de Vertières, au Cap-Haïtien, qui amena à l’indépendance nationale), Jovenel Moïse a trouvé des excuses pour organiser, avec des membres de son gouvernement démissionnaire (depuis le 18 mars 2019), une cérémonie officielle, ce 1er janvier 2020, dans l’aire du Champ de Mars (principale place publique dans la capitale).
L’aire du Champ de Mars était justement quadrillée par des unités de la Police nationale d’Haïti (Pnh), pour permettre aux officiels de déposer des bouquets de fleurs au pied des monuments, consacrés aux héros de l’indépendance nationale.
Des parades ?
Il y en a eues, ce mercredi 1er janvier 2020, avec des militaires faisant partie de l’armée remobilisée en novembre 2018.
Une nouvelle cérémonie officielle, déroulée, ce 1er janvier 2020, dans l’indifférence générale de la population, mécontente de dirigeants politiques, indexés dans plusieurs scandales de corruption, incluant des détournements de fonds publics, différents cas de violations de droits humains (massacres à La Saline et au Bel Air, entre autres, répression systématique de manifestantes et manifestants, qui continuent à contester le régime politique tèt kale…), un nombre incalculable de mensonges et de fausses promesses, tels l’éventualité de doter le pays d’une disponibilité de courant électrique public 24h/24, à compter de mai 2019, etc.
Dès le mois de mai 2017, beaucoup de citoyennes et de citoyens avaient exprimé leur scepticisme sur la possibilité de doter le territoire national, en courant électrique public, 24 heures sur 24.
L’annonce, de parvenir à une disponibilité de l’énergie publique, sans interruption, à compter de juin 2019, a été qualifiée de « pompeuse », en mai 2017.
Comme il fallait s’y attendre, il y a eu et il y a encore, notamment depuis plusieurs mois et durant la fin de l’année 2019 et au début de la nouvelle année 2020, une rareté d’électricité un peu partout, dans la capitale, Port-au-Prince, et dans les villes de provinces.
Les promesses, renouvelées de Jovenel Moïse, de fournir du courant électrique 24 heures/24, sur toute l’étendue du territoire national, en Haïti, à partir du mois de mai 2019, n’ont pas été tenues.
« Je vous ai promis de donner du courant électrique 24/24, je ne suis pas arrivé à honorer ma promesse. Je profite de ce moment pour m’excuser devant vous », a, enfin, reconnu Jovenel Moïse, ce mercredi 1er janvier 2020.
70% de la population vit sans électricité, déclare Jovenel Moïse, qui, encore une fois, a renouvelé « sa volonté de travailler à résoudre ce problème ».
Depuis l’année 2011, les gouvernements tèt kale, qui se sont succédé au pouvoir, affichent leur arrogance et tentent de banaliser la mémoire historique de la nation, sur des faits marquants de l’histoire nationale, à l’exemple du 12 janvier 2010, quand un tremblement de terre dévastateur a vivement secoué le territoire national.
« Le chemin de de la division c’est la route du trouble. La route du trouble nous mène dans le désordre, et le désordre c’est la mère de la violence. La violence nous mène directement dans le trou de la misère et de la pauvreté [...] La division engendre le sous-développement dans le pays. Nous sommes restés esclaves de l’extrême pauvreté, de l’insécurité, de la contrebande, de la surfacturation dans l’administration, des fraudes, de l’évasion fiscale et du manque d’accès aux crédits ».
Ce sont ces facteurs, qui ont entraîné Haïti dans ce carrefour dangereux, sur la route de la misère et du sous-développement, estime Jovenel Moïse, qui appelle les élites à se mettre ensemble pour aider les plus faibles, tout en tentant de se dédouaner de l’absence d’infrastructures routières, d’écoles et d’hôpitaux sur le territoire national.
Reste à savoir comment Jovenel Moïse compte s’y prendre dans un contexte de contestation de plus en plus grandissante de son mode de gestion, de revendications en faveur du procès PetroCaribe des fonds (plus de 3 milliards de dollars américains) de l’aide vénezuélienne à Haïti…
Les acquis démocratiques sont en péril, alertent plusieurs organisations de promotion et de défense des droits humains.
« Combien de têtes » Jovenel Moïse pense-t-il « être en mesure de couper », après avoir violemment « menacé de forcer ses opposants à lui emboîter le pas et de leur faire subir des accidents, s’ils se retrouvent au travers de son chemin » ?.
Depuis l’année 2011, les gouvernements tèt kale se sont révélés incapables d’organiser des scrutins à tous les niveaux.
Le dernier manquement institutionnel est l’absence d’élections législatives et territoriales, en octobre 2017 et octobre 2019, pour le renouvellement de sénateurs, de députés, de conseils municipaux et de conseils d’administration de sections communales en 2020.
Justement, le parlement sera dysfonctionnel à partir du 13 janvier 2020, quand le mandat de plusieurs élus, sénateurs et députés, prendra fin.
Depuis plusieurs années, la république d’Haïti fonctionne sans budget public…
Les prix des biens les plus essentiels continuent à grimper inexorablement, dépassant le niveau de 20%.
La gourde, la monnaie nationale, ne cesse point d’être dépréciée, par rapport au dollar américain (Ndlr : US $ 1.00 = 96.00 gourdes ; 1 euro = 111.00 gourdees ; 1 peso dominicain = 2.00 gourdes aujourd’hui).
Beaucoup d’emplois ont été perdus durant les trois mois (septembre, octobre, novembre 2019) de « pays locked », de paralysie globale des activités, sur le territoire national.
Derrière l’apparence d’accalmie de décembre 2019, couve beaucoup de grogne et d’insatisfaction, d’autant que les actes d’insécurité (violence armée, braquage, enlèvement et séquestration de personnes…) gangrènent la vie quotidienne des citoyennes et citoyens, livrés aux gangs armés…
Dans un tel contexte, les perspectives paraissent sombres...
L’année 2020 se profile comme une année de tous les dangers, avec une possible persistance de l’insatisfaction des multiples revendications nationales de justice, de mieux-être, de saine gestion publique…
La décision de la présidence de commémorer, ce mercredi 1er janvier 2020, le 216e anniversaire de l’indépendance d’Haïti, au Champ de Mars, fait suite à la position, exprimée par l’opposition politique, d’empêcher), à cette occasion, l’accès de Jovenel Moïse à la place d’armes des Gonaïves.
Parallèlement, l’opposition politique a annoncé, du mercredi 1er au lundi 13 janvier 2020, diverses mobilisations anti-gouvernementales, contre le régime politique tèt kale au pouvoir, qui ont démarré, par un mouvement de protestations, ce 1er janvier 2020, aux Gonaïves.... [emb rc apr 1er/01/2020 17:00]
[1] Ndlr : En 18 mois, la république d’Haïti a été marquée par au moins 5 grands épisodes de protestations véhémentes de la population, contre le système politique en place : vendredi 6, samedi 7 et dimanche 8 juillet 2018 ; novembre 2018 ; février 2019 ; juin 2019 ; septembre, octobre et novembre 2019.