Par Jean-Frédéric Salès [1] [2]
Soumis à AlterPresse le 3 mai 2005
Ayant accepté l’invitation de la journaliste bien connue Nancy Roc à participer à son émission Métropolis pour débattre essentiellement des thèmes impunité et corruption, émission diffusée le samedi 30 avril dernier, j’étais donc présent dans les studios de Radio Métropole le vendredi 29 pour son enregistrement.
Le premier sujet traité avait été les modalités d’incarcération de Monsieur Neptune. Je pense que, sans approuver la création de « l’annexe de Pacôt du Pénitencier National », un des invités, Maître Jean-Joseph Exumé, avait expliqué la responsabilité de l’Etat pour la sécurité de tous les prisonniers et particulièrement pour des personnes ayant occupé de hautes fonctions et qui, ce faisant, pourraient s’être créées des ennemis. Il avait également mentionné que l’Etat devait veiller au maintien de la santé de la population carcérale. En fin d’émission, à une question de Madame Roc, tant Maître Exumé que moi-même avions opiné que nous serions surpris si nous apprenions dans les jours qui suivraient le départ (transfert ?) de Monsieur Neptune vers l’étranger.
Ces réponses étaient basées sur la perception que nous avions de l’impact qu’un tel développement aurait sur le pays tout entier et sur le système judiciaire déjà défaillant de notre pays. Maître Exumé signalait en effet que si cela devait être le cas dans les circonstances existantes au moment de l’enregistrement, il n’y aurait aucune base légale pour maintenir quiconque en détention, à l’exception de ceux qui seraient déjà sous le coup d’une condamnation passée en force de chose définitivement jugée. De mon côté, je notais que selon mes sources, le « Gouvernement de la République » subissait de fortes pressions pour la libération sans condition de monsieur Neptune tant de responsables onusiens au plus haut sommet, qu’au moins de notre principal « big brother ». Je faisais également remarquer la contradiction et l’hypocrisie de ces attitudes : d’une part une communauté internationale qui, avec raison, s’insurge et dénonce la corruption et l’impunité en Haïti, qui « vocifère » ses appels au renforcement du système judiciaire et à l’amélioration de son fonctionnement ; d’autre part, cette même communauté internationale qui fait tout pour le vassaliser, le domestiquer. Comment dans de telles conditions, préserver ou dans notre cas promouvoir ce respect de la justice qui est à la base de tout ordre social, quel qu’il soit ?
Dès le samedi 30 avril, des rumeurs persistantes, relayées par certains médias, faisaient état du départ imminent de monsieur Neptune pour la République Dominicaine.
Je ne vais pas préjuger de la culpabilité de Monsieur Neptune, n’ayant aucun élément sérieux à ma disposition pour le faire. D’ailleurs, le principe est qu’on est innocent jusqu’à ce qu’on soit reconnu coupable et que la défense, selon les normes en vigueur, est un droit sacré. Je pense cependant que, comme le recommande le dernier rapport de Louis Joinet, ce qui peut se passer de mieux pour le futur de la démocratie en Haïti, c’est que les accusés soient jugés en respectant scrupuleusement les droits de la défense et dans une atmosphère aussi sereine que possible. Le contraire équivaut à dire haut et fort que nous ne sommes pas un Etat et qu’aucun crédit ne peut être fait à l’administration judiciaire haïtienne.
Comment cette COMMUNAUTE INTERNATIONALE pourrait-t-elle obtenir que les membres du gouvernement haïtien se plient à leurs exigences ? Des menaces de représailles contre leurs personnes et/ou leurs biens suffiront-elles ou, Haïti n’ayant pas inventé la corruption, succomberont-ils à des offres « qu’ils ne pouvaient pas refuser » comme on dit ? Il est évident que quand on exploite l’efficacité de la ‘raison du plus fort’ pour arbitrairement en imposer aux faibles, les « arguments » peuvent être convaincants. Mais ils auront toujours la possibilité de démissionner pour éviter la gifle qu’on semble leur préparer et, par ricochet, nous préparer. Pour citer Paul Laraque, « Quand on n’a pas les moyens de faire ce qu’on croit être juste, on a toujours la liberté de ne pas faire ce qu’on croit n’être pas juste » [1946-1976 - Trente Ans de Pouvoir Noir en Haïti, Tome I, page 178].