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Économie : Troisième semaine de pénurie de produits pétroliers en Haïti

Par Ronald Colbert

P-au-P., 12 sept. 2019 [AlterPresse] --- Mwen mèt mouri ! Ki mele m ou se doktè (« Je n’ai pas peur de mourir ! Peu m’importe que vous soyez docteur »).

Telle est la réponse cinglante, ce jeudi 12 septembre 2019, d’un pompiste à un médecin, qui lui a présenté son badge de professionnel médical pour pouvoir obtenir 2 gallons de gazoline.

Le réservoir du véhicule de ce médecin, qui devait se rendre au chevet de malades, était presque à sec, selon les témoignages recueillis par l’agence en ligne AlterPresse.

Face à l’incompréhension de ce pompiste de station-service, le médecin a été contraint d’essayer de s’approvisionner sur un marché parallèle, où 2 gallons de gazoline lui ont été fournis à prix fort.

C’est la réalité depuis la fin du mois d’août 2019.

Certaines gens en profitent pour débiter le galon de produits pétroliers à des prix très élevés, souvent au double du prix officiellement fixé.

Plusieurs arrestations, de personnes se livrant à la spéculation, dans les prix des produits pétroliers, sont signalées cette semaine.

Certains chauffeurs de transports publics n’hésitent pas, non plus, à augmenter le tarif sur différents circuits.

Sur la route de l’aéroport international de Port-au-Prince, dans la zone appelée « trois mains », des chauffeurs de tap tap (transports en commun) exigent, de chaque passagère et de chaque passager, depuis la semaine dernière, 25.00 gourdes, au lieu de 20.00 gourdes pour une course régulière.

Les 12 premiers jours de septembre 2019 correspondent aux deuxième et troisième semaines de pénurie inexpliquée de produits pétroliers, sur le marché national en Haïti.

Les consommatrices et consommateurs ne savent point où trouver des produits pétroliers.

La situation tend à se dégrader quotidiennement.

Les explications des autorités ne semblent point du tout apaiser la colère des consommatrices et consommateurs, ni des automobilistes, y compris des chauffeurs de motos-taxis.

Les files de personnes et de véhicules continuent, de plus belle et plus considérables, dans les stations-services.

Depuis la fin du mois d’août 2019, certaines stations-services ne vendent qu’un maximum de mille gourdes de produits pétroliers aux acheteuses et acheteurs.

Rien n’est clair sur ce processus de rationnement, d’une part, ni sur la persistance de la rareté de produits pétroliers, d’autre part, sur le marché national.

La rareté de produits pétroliers est paradoxalement enregistrée en Haïti, dans un contexte de multiplication des stations-service.

Des autorisations de fonctionnement, pour l’ouverture de nouvelles compagnies et stations-service, ont été abondamment distribuées sous la présidence politique controversée de Joseph Michel Martelly (14 mai 2011 - 7 février 2016).

Le gouvernement démissionnaire annonce l’arrivée, d’ici le lundi 16 septembre 2019, d’une nouvelle cargaison de 500 mille barils de produits pétroliers, à Port-au-Prince.

Évoquant un déficit dans les caisses de l’Etat, le gouvernement démissionnaire agite la possibilité d’augmenter prochainement les prix à la pompe, alors que le baril de pétrole tend à la baisse sur le marché international.

Le jeudi 12 septembre 2019, le cours du baril de pétrole est de 55.11 dollars américains (Ndlr : US $ 1.00 = 96.00 gourdes ; 1 euro = 111.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.00 gourdes aujourd’hui) sur le marché international. Le prix moyen du baril de pétrole, depuis le début de l’année 2019, était de 75.00 dollars américains, suivant les données officielles disponibles.

Cette possible nouvelle offre pourra-t-elle satisfaire la demande de produits pétroliers, dans un contexte de réouverture ratée des classes pour l’année académique 2019 – 2020 ?

Les conséquences de la persistance de la pénurie de produits pétroliers, partout sur le territoire national, paraissent incalculables, sur toutes les couches et dans différents types de services, comme pour les parents d’écolières et d’écoliers qui devraient se rendre en classe, à partir de la deuxième semaine de septembre 2019 en Haïti.

Entre-temps, celles et ceux, qui ont l’opportunité d’avoir des emplois, doivent se démener pour se rendre sur leurs lieux de travail, parfois en déboursant des valeurs importantes de gourdes.

Jusques à quand la population nationale pourra résister à ces manquements vitaux essentiels ?

Beaucoup tentent de planifier des déplacements les plus essentiels pour pouvoir laisser un minimum de produits pétroliers, à utiliser en cas d’extrême urgence : besoins de recourir rapidement dans un centre de santé ou un hôpital, entre autres.

A côté du coût élevé de la vie, du rationnement du courant électrique public, des difficultés à obtenir de l’eau potable et des services sanitaires appropriés, etc., d’aucuns parlent de « bombes à retardement », risquant d’éclater à tout moment et n’importe où en Haïti… [rc apr 12/09/2019 15:00]